Question de Mme ALQUIER Jacqueline (Tarn - SOC) publiée le 16/09/2010

Mme Jacqueline Alquier attire l'attention de M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche sur l'avenir du crédit d'impôt dont bénéficient les agriculteurs qui doivent assurer une présence sur l'exploitation lorsqu'ils prennent quelques jours de congés.

Ce crédit d'impôt instauré par la loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 d'orientation agricole a permis aux agriculteurs et aux agricultrices, plus particulièrement aux éleveurs, de financer un service de remplacement sur l'exploitation pendant leur absence.

Dans le seul département du Tarn, 120 exploitations tarnaises sont concernées par ce dispositif cette année. Près de 30 % de l'activité des services de remplacement s'opère dans ce cadre. Or, les agriculteurs viennent d'apprendre que ce dispositif pourrait, d'une part, ne pas s'appliquer en 2010 et, d'autre part, ne pas être reconduit en 2011.

Alors qu'il a permis de rapprocher les conditions de vie des agriculteurs, spécialement des éleveurs, de celles des autres catégories de la population française, et alors que l'agriculture connait une période difficile, la remise en cause de cette aide parait particulièrement inopportune.

C'est pourquoi, elle lui demande ce que le Gouvernement envisage de faire pour que perdure cette mesure de justice sociale.

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Réponse du Ministère de l'espace rural et de l'aménagement du territoire publiée le 03/11/2010

Réponse apportée en séance publique le 02/11/2010

M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel, en remplacement de Mme Jacqueline Alquier, auteur de la question n° 1013, adressée à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

M. Yannick Botrel. Monsieur le ministre, de nos jours, les agriculteurs aussi ont droit à des vacances bien méritées. Ce qui paraissait impensable il y a quelques années est devenu réalité parce qu'ils peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt pour financer leur remplacement, lorsque celui-ci est indispensable, pendant leur absence de l'exploitation.

Ainsi, en 2009, 20 000 agriculteurs, principalement des éleveurs puisque, par nature, cette activité exige une présence journalière sur l'exploitation, ont pu prendre quelques jours de congé. Il ne s'agit pas là, monsieur le ministre, et c'est le moins que l'on puisse dire, d'une niche fiscale.

Il s'agit d'une mesure de justice sociale qui est extrêmement symbolique. Elle permet de rapprocher les conditions de vie des agriculteurs de celles des autres catégories de la population française. Surtout, grâce à elle, les familles des éleveurs peuvent élargir leur horizon. Les exploitants sont enfin en mesure de planifier des voyages, de partir chez des amis, de visiter en famille des lieux culturels, de vivre des moments de détente hors de leur lieu de travail.

Un médecin ou un pharmacien qui se fait remplacer trouve, dans les recettes supplémentaires suscitées par cet intérim, les moyens de rémunérer son remplaçant. Les agriculteurs, eux, doivent nourrir et soigner leurs bêtes tous les jours. S'il leur faut être là, cette présence n'entraîne aucune recette supplémentaire. Dès lors, est-il scandaleux que la solidarité nationale joue son rôle ?

Quels arguments d'ordre européen peuvent être invoqués alors que l'on voit mal comment cette mesure, dont le coût global ne dépasse pas 10 millions d'euros par an, pourrait affecter les échanges entre les États membres de l'Union européenne ou fausser la concurrence ?

En outre, alors que ce dispositif coûte, je le répète, 10 millions d'euros par an, soit quatre centièmes de ce que rapporte chaque année l'impôt sur la fortune – cette imposition que le Gouvernement veut supprimer, semble-t-il – croyez-vous vraiment que cette aide soit excessive et injustifiée pour nos agriculteurs ?

Monsieur le ministre, les agriculteurs ne comprennent pas que ce crédit d'impôt ne figure pas dans le projet de loi de finances pour 2011 et qu'il puisse être supprimé à l'avenir. C'est vraiment un très mauvais signal envoyé au monde agricole. Une telle décision paraît d'autant plus inconcevable que les agriculteurs, vous le savez bien, vivent une période très difficile.

C'est aussi mettre en péril les services de remplacement concernés. Cette mesure représente 5 000 heures de remplacement dans le seul département du Tarn et, à l'échelle nationale, 160 000 heures, soit 30 % de l'activité des services de remplacement. En termes d'emplois, elle concerne 800 équivalents temps plein dans le domaine agricole, ce qui, là encore, dans la période que nous traversons, est loin d'être négligeable.

Dans une précédente réponse écrite sur ce dispositif, M. Le Maire avait annoncé à mon collègue Yves Chastan qu'une mission d'évaluation de ce dispositif avait été confiée par ses soins au Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux. Les conclusions de ce travail devaient être disponibles courant septembre.

Toutefois, Mme Alquier n'en a pas trouvé trace. Que prévoit ce rapport ? Que proposez-vous ? Nous pensons toujours que ce dispositif doit être au minimum conservé, et même renforcé pour que plus d'éleveurs puissent en profiter.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, je vous demanderai tout d'abord de bien vouloir excuser M. Bruno Le Maire, qui est malheureusement retenu ailleurs. Je m'efforcerai de le remplacer, comme vous le faites pour Mme Alquier, et aussi bien que vous ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur. C'est un duo de remplaçants !

M. Michel Mercier, ministre. Vous l'avez interrogé sur le crédit d'impôt remplacement pour congés.

Il est inutile de mêler cette question à celle d'autres impôts : je vais vous expliquer le plus clairement possible ce qu'il en est.

Premièrement, ce crédit a été institué par la loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006. Le coût annuel de cette mesure pour l'État est évalué à 10 millions d'euros. Nous sommes tout à fait d'accord sur ce point.

Deuxièmement, nous sommes tous d'accord également, me semble-t-il, pour considérer que l'exercice de la profession agricole comporte des contraintes fortes de présence sur l'exploitation, plus particulièrement pour les productions animales, où le coût du remplacement de l'exploitant, s'il n'est pas compensé, est le plus souvent regardé comme dissuasif.

Il est vrai également – le Gouvernement en est bien d'accord – que les agriculteurs ont le droit, eux aussi, de prendre du repos.

Le crédit d'impôt remplacement permet d'offrir une prise en charge partielle des absences pour congés en complément des dispositifs qui existent par ailleurs. Reconduite annuellement depuis 2006, cette mesure a permis d'obtenir des résultats appréciables et elle est plébiscitée par les exploitants.

Toutefois, ce dispositif a pu susciter des interrogations de la part de certains parlementaires, s'agissant notamment d'un crédit d'impôt s'ajoutant à une fiscalité particulière.

C'est dans ce contexte que, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2010, un amendement, adopté par le Sénat, a visé à proroger ce dispositif d'une année, c'est-à-dire jusqu'au 31 décembre 2010. Par ailleurs, le ministre a précisé que « cette année de prorogation sera[it] mise à profit pour analyser les enjeux du dispositif dont la reconduction est envisagée, conformément à l'article 11 de la loi de programmation des finances publiques du 9 février 2009 pour les années 2009 à 2012 ».

C'est la raison pour laquelle une mission d'évaluation de ce dispositif a été confiée au Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux. Sur la base de ces travaux, et comme Bruno Le Maire l'a déjà annoncé, le Gouvernement est favorable à la prorogation de cette mesure.

Monsieur le sénateur, n'ayez pas d'inquiétude : le Gouvernement, je le redis clairement, est favorable à la prorogation de ce dispositif.

Afin de respecter les règles européennes applicables en la matière, le bénéfice de ce crédit d'impôt remplacement sera désormais placé sous les dispositions du règlement de minimis. Sa reconduite constitue pour le Gouvernement une mesure de justice à l'égard de nos exploitants, qu'il est légitime d'aider à bénéficier de jours de congés.

Il avait été envisagé initialement de faire figurer cette disposition dans la loi de finances rectificative pour 2010. Toutefois, au regard des fortes attentes exprimées par les parlementaires et par les exploitants, le Gouvernement n'est pas hostile à ce que cette prolongation soit actée dès l'examen de la loi de finances pour 2011, c'est-à-dire quelques jours plus tôt.

Toutefois, que ce soit dans un texte ou dans l'autre, le Gouvernement fera en sorte que cette mesure de crédit d'impôt remplacement soit effectivement prorogée.

M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel.

M. Yannick Botrel. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse très complète et très circonstanciée.

La préoccupation qui a été exprimée par plusieurs d'entre nous, en particulier par Mme Alquier et M. Chastan, semble partagée au-delà des travées du groupe socialiste.

D'après les éléments que vous avez pu nous fournir, cette mesure sera prorogée, à juste titre d'ailleurs, pour un coût qui ne sera pas très élevé pour la collectivité. Cette réponse me satisfait, et j'imagine qu'elle conviendra également à mes collègues.

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