Question de M. SIGNÉ René-Pierre (Nièvre - SOC) publiée le 09/09/2010

M. René-Pierre Signé attire l'attention de Mme la ministre de la santé et des sports sur la pénurie de médecins généralistes, spécifiquement en zone rurale, qui pose un réel problème et contribue à créer une insécurité sanitaire dans nos campagnes.

La solution actuelle préconisée est de rechercher des médecins dans les pays de l'Europe de l'Est, en particulier en Roumanie. Or, en Roumaine l'augmentation de la TVA a entraîné, puisque les praticiens sont pour la plupart fonctionnaires, une baisse de leur salaire de 25 % donc de leur pouvoir d'achat, ce qui les incite à s'expatrier vers des territoires où leur installation est favorisée et où les rémunérations sont très supérieures. Les offres incitatives des soi-disant « chasseurs de têtes » les y encouragent, si bien qu'ils sont nombreux à venir en France.
Mais, c'est le revers de la médaille, leur formation est beaucoup moins complète qu'en France. Ils arrivent sans préparation d'accompagnement et d'assistance à l'installation et la barrière linguistique dresse un obstacle sérieux à l'exercice de leur métier ; sans parler du profit qu'ils peuvent tirer très souvent, en sautant de commune en commune, grâce aux avantages mis à leur disposition.

Il considère qu'il est temps que le Gouvernement prenne conscience de ce problème de santé et en particulier que le numérus clausus soit plus largement augmenté. Sur 2 500 étudiants dans une faculté de Paris, on en admet, au concours d'entrée, 300. Il ne peut croire que sur les 2 200 restants, généralement titulaires d'un bac S avec mention, il n'y en ait aucun capable d'exercer la médecine qui exige beaucoup plus de dévouement, de générosité, de qualité d'humanisme que de connaissances scientifiques. On recherche plus des hommes et des femmes disponibles pour ce métier exigeant que des savants.

Il lui demande quelles sont les perspectives d'une ouverture plus large du numerus clausus, sachant que les effets d'une telle mesure ne seront pas immédiats.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé de la santé publiée le 19/01/2011

Réponse apportée en séance publique le 18/01/2011

M. René-Pierre Signé. Madame la secrétaire d'État, je souscris tout à fait aux propos qui viennent d'être tenus et qui rendent ma question presque superfétatoire.

La pénurie de médecins généralistes, spécifiquement dans les zones rurales, pose un véritable problème. Elle a des conséquences dramatiques en termes de déclin rural. Pour y remédier, la solution la plus souvent utilisée actuellement, ainsi que la plus rapide à mettre en œuvre, à défaut d'être la plus satisfaisante, consiste à aller chercher des médecins dans les pays d'Europe de l'Est, en particulier en Roumanie. Les offres incitatives de soi-disant chasseurs de tête encouragent ces praticiens à venir en France, si bien qu'ils sont nombreux à le faire.

Bien entendu, il ne s'agit pas de mettre en cause la nationalité de ces médecins, qui est tout à fait respectable : loin de moi toute xénophobie, mais leur qualification est tout de même incomplète. Force est de le constater, la formation de ces médecins est bien moins poussée qu'en France et ils arrivent sans préparation d'accompagnement ni assistance à l'installation. En outre, la barrière linguistique constitue un obstacle sérieux à l'exercice du métier.

Le Gouvernement doit prendre conscience de ce problème de santé grave, aux lourdes répercussions locales. Il faut envisager une réorganisation de notre système de santé, comme M. Trillard l'a proposé, en réglementant les installations des médecins comme on l'a fait pour les pharmaciens, afin qu'ils ne s'entassent pas tous dans les villes du Midi, voire en revenant sur le principe du paiement à l'acte. (Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste.)

En Europe, le paiement à l'acte n'existe plus qu'en France. Or il incite les gens à aller consulter et multiplie les examens superflus. En outre, il faut relever beaucoup le numerus clausus. Vous affirmez, madame la secrétaire d'État, qu'il faudrait de dix à quinze ans pour qu'une telle mesure produise ses effets, ce qui est exact, mais il faut bien commencer un jour ! Or ce n'est pas ce que nous faisons aujourd'hui, bien au contraire.

Dans une faculté comme celle de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, 2 500 étudiants sont inscrits en première année et 300 seront reçus. Les jeunes concernés sont titulaires de bacs S avec mention ; ils ont suivi les filières royales du secondaire, comme celle des lycées européens. Ne nous faites donc pas croire, madame la secrétaire d'État, que 2 200 d'entre eux sont incapables de devenir médecins !

Ces jeunes, chassés de la médecine, sont même parfois dégoûtés des études en général, tant ils se sentent victimes d'une injustice : ils ont travaillé, ils ont obtenu de bons résultats dans le secondaire et ils se font rejeter des études supérieures médicales parce que le concours y est fondé essentiellement sur les mathématiques et la physique !

Les compétences exigées n'ont rien à voir avec l'exercice de la médecine. Pour ma part, quand je devais parcourir douze kilomètres dans la neige pour aller mettre une mèche à un grand-père qui saignait du nez on ne me demandait pas si j'avais fait des études de mathématiques !

C'est là qu'est le problème : les gens ne se rendent pas compte de ce qu'est la médecine de campagne. Celle-ci n'exige pas forcément des connaissances extrêmement approfondies dans ces disciplines-là.

Il faudrait donc, madame la secrétaire d'État, que l'organisation du système sanitaire français soit revue et corrigée.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. Monsieur le sénateur, prenant en compte les évolutions inéluctables de la démographie médicale, les ministres chargés de l'enseignement supérieur et de la santé ont progressivement augmenté depuis 2000 le numerus clausus des études médicales. Celui-ci, qui concernait 3 850 étudiants en 2000, est passé en 2009 à 7 400, ce dernier chiffre ayant été confirmé depuis lors.

Parallèlement, depuis l'année universitaire 2007-2008, le nombre de places offertes aux épreuves classantes nationales en médecine générale représente plus de la moitié des postes ouverts ; il en constituait 53 % en 2010-2011.

À l'occasion des journées de réflexion sur le numerus clausus organisées en novembre et décembre 2010, il a été souligné que le niveau de ce numerus clausus ne pouvait être modifié par à-coups sans que cela entraîne des conséquences importantes, en particulier sur la qualité de la formation. Par ailleurs, les effets d'une modification du numerus clausus ne commencent à se faire sentir sur la démographie elle-même qu'au bout de quinze ou vingt ans, même si, je sais, monsieur le sénateur, que pour vous l'essentiel est de commencer.

M. René-Pierre Signé. Les changements seraient perceptibles rapidement.

M. Jean-Luc Fichet. Tout à l'heure, vous évoquiez un effet au bout de dix ans !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Tout dépend des études dans lesquelles s'engage l'étudiant : elles peuvent durer de dix à vingt ans.

Le numerus clausus ne peut donc résoudre à lui seul les problèmes démographiques ou de répartition qui se posent à court terme. C'est pourquoi le Gouvernement a mis en œuvre un éventail de mesures permettant d'orienter les flux de formation des médecins, tant pour la répartition géographique que pour la répartition par spécialité.

Rappelons que la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires prévoit la détermination du nombre d'internes à former par spécialité et par subdivision territoriale pour une période de cinq ans. Ces quotas sont établis en fonction des besoins de soins, au vu des propositions de l'Observatoire national de la démographie des professions de santé, l'ONDPS.

Ainsi, il est désormais possible d'ajuster la proposition de postes d'interne au plus près des besoins de prise en charge spécialisée.

Enfin, la mise en place de la filière universitaire de médecine générale marque la volonté forte du Gouvernement en la matière. Nos efforts continuent de porter sur l'orientation des étudiants et internes vers la médecine générale et sur la valorisation de la filière universitaire de médecine générale.

La généralisation du stage de deuxième cycle de médecine générale permettra à chaque étudiant de découvrir cette spécialité pour, éventuellement, s'orienter dans cette voie ultérieurement. Il est également prévu d'offrir aux futurs internes, pour la période 2010-2014, plus de la moitié des postes en médecine générale, afin de favoriser des vocations dans cette spécialité.

Par ailleurs, la loi HPST prévoit en son article 47 la montée en charge concrète de la filière universitaire de médecine générale, en programmant chaque année, pendant quatre ans, la nomination de vingt professeurs, trente maîtres de conférences et cinquante chefs de clinique des universités de médecine générale.

Voilà, monsieur le sénateur, les éléments que je souhaitais porter à votre connaissance.

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé.

M. René-Pierre Signé. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse.

On s'est préoccupé bien tardivement de la formation des praticiens qui sont, si j'ose dire, des spécialistes de la médecine générale.

Vous le savez, les étudiants reçus au concours sont si peu nombreux qu'ils se dirigent tous vers les disciplines nobles de la médecine, comme la neurochirurgie ou la chirurgie cardio-vasculaire. En revanche, ils répugnent à travailler dans les zones rurales. C'est d'autant plus vrai que la profession est désormais très féminisée : les jeunes filles n'aiment pas beaucoup vivre à la campagne, et on peut les comprendre.

Ceux qui souhaitent encore s'installer dans les zones rurales sont donc extrêmement rares. C'était le cas a fortiori quand il n'existait pas de formation spécifique pour la médecine générale. On commence à remédier au problème, et il était temps.

De même, il est nécessaire que soient passés entre des étudiants et l'État ou les collectivités locales des contrats – vous les avez évoqués, madame la secrétaire d'État – grâce auxquels des médecins s'installeront peut-être dans quelques années à la campagne. Toutefois, on ne doit pas se contenter de mesures incitatives : il faut des mesures contraignantes !

Madame la secrétaire d'État, un pharmacien peut-il s'établir n'importe où ? Non ! Ce n'est pas possible, car l'ouverture des pharmacies est régulée par la loi. Un médecin peut-il s'installer partout ? Oui ! Peut-on être remboursé dix fois si l'on voit dix médecins dans la journée ? Oui ! Est-ce tolérable ? Comment voulez-vous que la sécurité sociale ne soit pas en déficit !

En outre, il faut mettre fin au paiement à l'acte. Les patients doivent être abonnés à un centre médical. Ceux qui ne sont pas malades, et c'est tant mieux pour eux, contribueront pour ceux qui le sont et allégeront d'autant la tâche des médecins.

Il ne s'agit là que de l'une des solutions envisageables ; plusieurs autres sont possibles, mais il ne faut pas se limiter, comme on le fait aujourd'hui, à quelques mesures incitatives.

On vient, à juste titre d'ailleurs, d'ouvrir un peu la filière de médecine générale, mais ce ne sera pas suffisant. Le numerus clausus permet à 4 000 étudiants de devenir médecins. Or il en faudrait 10 000, quitte à réduire ce nombre dans quelques années, quand l'effectif sera satisfaisant.

Il faut agir, sinon il n'y aura plus personne dans les campagnes. Aujourd'hui, je vous le garantis, madame la secrétaire d'État, ce sont les pompiers qui soignent les gens et qui les transportent à l'hôpital, car il n'y a plus de médecins !

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