Question de Mme BLONDIN Maryvonne (Finistère - SOC) publiée le 19/08/2010

Mme Maryvonne Blondin attire l'attention de M. le secrétaire d'État chargé de l'emploi sur l'allocation des excédents du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP).
La loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie a créé un "Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels" (FPSPP) destiné à faciliter l'accès à la formation des demandeurs d'emploi et des salariés les moins qualifiés. Ce fonds est financé par une partie des contributions obligatoires des employeurs pour la formation professionnelle à hauteur d'environ 900 millions d'euros, l'objectif étant de permettre chaque année la formation de 500 000 salariés peu qualifiés et de 200 000 demandeurs d'emploi supplémentaires.
L'article 18 de cette loi prévoit que les excédents du FPSPP au 31 décembre de chaque année constituent les ressources de ce fonds l'année suivante.
Pourtant, et alors que la crise économique a accentué la fragilité d'un grand nombre de nos concitoyens, particulièrement les moins bien qualifiés en les éloignant davantage encore de l'emploi, le Gouvernement semble s'apprêter à puiser illégalement 300 millions d'euros dans ce fonds afin de financer le maintien de la prime aux employeurs développant l'alternance ainsi que sa contribution à l'Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA).
Ce sont donc des dizaines de milliers d'actions de formation qui sont remises en cause.
Elle souhaiterait donc savoir quelles sont les intentions réelles du Gouvernement concernant l'allocation des excédents de ce fonds et comment il entend se mettre en conformité avec ses obligations légales.

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Transmise au Ministère du travail, de l'emploi et de la santé


Réponse du Secrétariat d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale publiée le 17/11/2010

Réponse apportée en séance publique le 16/11/2010

Mme Maryvonne Blondin. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la récente loi du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie a acté la création d'un Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, ou FPSPP, destiné à faciliter l'accès à la formation des demandeurs d'emploi et des salariés les moins qualifiés.

Ce fonds est financé par une partie des contributions obligatoires des employeurs pour la formation professionnelle, à hauteur d'environ 900 millions d'euros, l'objectif étant de permettre chaque année la formation de 500 000 salariés peu qualifiés et de 200 000 demandeurs d'emploi supplémentaires. Il sert aussi à financer le nouveau service public de l'orientation dirigé par M. Jean-Robert Pitte.

L'article 18 de cette loi prévoit que les excédents de ce fonds, au 31 décembre de chaque année, constituent les ressources de ce fonds l'année suivante.

Pourtant, le projet de loi de finances pour 2011 ainsi que le projet de loi de programmation des finances publiques 2011-2014, rendu public le 6 juillet dernier, montrent que le Gouvernement s'apprête à puiser 300 millions d'euros dans ce fonds.

Alors que la crise économique a accentué la fragilité d'un grand nombre de nos concitoyens, particulièrement les moins bien qualifiés, en les éloignant davantage encore de l'emploi, ces documents soulignent de nouvelles dispositions inquiétantes pour l'avenir de la politique de l'emploi et de la formation professionnelle.

C'est à un vaste ensemble de restrictions budgétaires que nous assistons ! La majeure partie des dépenses inscrites dans le plan de relance 2010 ne sera pas reconduite en 2011 et la recherche de gains de productivité importants par le service public de l'emploi y est expressément mentionnée !

Ainsi, 1 800 suppressions de poste à Pôle emploi seraient confirmées, annonce vécue comme une véritable agression contre les salariés.

Il faut ajouter à cela des réductions drastiques des financements des maisons de l'emploi, des missions locales ou encore des contrats aidés !

Mais la mesure la plus choquante concerne bien le détournement des excédents de ce fonds.

En date du 16 juillet dernier, le Gouvernement a annoncé aux signataires de l'accord national interprofessionnel du 5 octobre 2009 sur le développement de la formation professionnelle sa décision unilatérale et sa détermination à utiliser les excédents de ce fonds pour financer le maintien de la prime aux employeurs développant l'alternance, ainsi que sa contribution à l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l'AFPA ! De la CGT au MEDEF, l'incompréhension s'était manifestée !

Le projet de loi de finances pour 2011 avalise, par son article 96, la détermination du Gouvernement à utiliser ces excédents pour les réaffecter à Pôle emploi, à l'AFPA et à l'Agence de services et de paiement, l'ASP !

Or, on le sait bien, les primes de Pôle emploi ou les rémunérations de stagiaires n'ont rien à voir avec la formation. Avec cette ponction de 300 millions d'euros, ce sont des dizaines de milliers d'actions de formation qui sont remises en cause. En effet, à titre d'exemple, les 158 millions d'euros débloqués dans le cadre de la convention signée entre Pôle emploi, l'UNEDIC, l'Association pour l'emploi des cadres, l'APEC, et le FPSPP avaient permis la mise en place de 47 000 actions de formations et de 5 000 contrats de professionnalisation.

En échange de cette ponction, le Gouvernement a décidé de diminuer la contribution légale des employeurs, qui devrait passer de 13 % à 10 %.

Si cette réduction de taux résout le risque de ponction de ce fonds pour les années à venir, elle risque toutefois d'hypothéquer la politique de formation professionnelle !

Je souhaiterais donc savoir si le Gouvernement entend se mettre en conformité avec les obligations légales découlant de la loi du 24 novembre 2009 et comment il compte continuer à mener une politique de l'emploi et de la formation professionnelle ambitieuse.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Monsieur le président, permettez-moi tout d'abord de vous remercier de vos mots d'accueil.

Madame la sénatrice, comme vous le savez – votre question l'a montré –, le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels créé par la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation tout au long de la vie a vu ses modalités de fonctionnement précisées par le décret n° 2010-155 du 19 février 2010. Ce fonds a été agréé par un arrêté du 12 mars 2010 et la convention-cadre permettant son fonctionnement a été signée avec l'État le 15 mars 2010.

Le Gouvernement, en lien avec les partenaires sociaux, qui sont extrêmement impliqués dans ce dispositif, a souhaité la création de ce fonds afin de contribuer au financement d'actions de formation professionnelle concourant à la qualification et à la requalification des salariés et demandeurs d'emploi appartenant à des publics qui, reconnaissons-le, sont fragiles et bénéficient traditionnellement moins que les autres des systèmes de formation.

Ces publics ont été déterminés par la convention-cadre que je viens d'évoquer. Pour la période 2010-2012, ont ainsi été identifiés les salariés les plus exposés au risque de rupture de leur parcours professionnel : il s'agit de ceux dont le degré de qualification est faible, notamment ceux qui relèvent des niveaux V ou infra, c'est-à-dire V bis et VI, de ceux qui n'ont pas bénéficié d'une action de formation au cours des cinq dernières années, de ceux qui alternent fréquemment des périodes de travail et des phases de chômage, et, enfin, de ceux qui sont à temps partiel et des demandeurs d'emploi.

Les partenaires sociaux ont décidé de doter le fonds de sécurisation d'une contribution correspondant à 13 % de l'obligation de financement de la formation professionnelle continue des entreprises.

Pour 2010, les ressources du fonds sont constituées de 830 millions d'euros provenant des OPCA, les organismes paritaires collecteurs agréés, de 80 millions d'euros alloués par l'État et de 150 millions d'euros versés au titre du FSE, le Fonds social européen.

Depuis le 15 mars 2010, le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels a publié quatorze appels à projets relevant des axes qui ont été définis dans la convention-cadre pour financer des actions de formation à destination des publics dont je viens de dresser la liste.

Les réponses des bénéficiaires potentiels des fonds dédiés à ces appels à projets ont permis de programmer l'utilisation de 250 millions d'euros dans le cadre de la mission du FPSPP de financement d'actions de formation à destination des publics vulnérables.

Au titre de la péréquation des fonds des organismes paritaires collecteurs agréés, qui constitue la deuxième mission confiée par la loi au FPSPP, une enveloppe de 477 millions d'euros a été prévue en 2010.

Toutefois, il apparaît, selon les modalités prévisionnelles de réalisation des actions de formation, notamment leur durée et leurs modalités de paiement – ce dernier, en effet, est parfois décalé dans le temps, dans la mesure où il est mis en œuvre au vu de justificatifs de réalisation – que le Fonds, tout opérationnel qu'il ait pu être en 2010, ne décaissera cette année-là qu'une petite partie des crédits dont il dispose.

Sur la base de ce constat, et compte tenu des réalités budgétaires que vous connaissez aussi bien que moi, madame la sénatrice, le Gouvernement a décidé, il est vrai, d'opérer un prélèvement exceptionnel sur la trésorerie du FPSPP, à hauteur de 300 millions d'euros.

Bien évidemment, cette disposition est prévue dans le projet de loi de finances pour 2011, ce qui, une fois que celui-ci aura été voté, lui conférera une inattaquable légalité. En effet, je le répète, il s'agira d'une mesure législative, contrairement à ce que vous affirmiez tout à l'heure, madame la sénatrice, et qui n'était pas tout à fait exact.

Vous indiquiez également que ce prélèvement aura pour effet de remettre en cause des dizaines de milliers d'actions de formation.

En réalité, les fonds issus de ce prélèvement seront utilisés spécifiquement – j'y insiste – pour des actions de formation : la mise en œuvre par l'AFPA, l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, des titres professionnels délivrés par le ministère chargé de l'emploi, au profit du développement et de la qualification de salariés ou de demandeurs d'emploi ; le financement de la rémunération des stagiaires en formation par l'Agence de services et de paiement ; le financement par Pôle Emploi des actions de formation prévues dans le cadre de la convention de reclassement personnalisée ; mais aussi le financement des aides à l'embauche des jeunes en contrat de professionnalisation, dont une partie de ce dernier se déroule en formation.

Enfin – ce point est très important –, afin d'éviter au FPSPP tout risque financier, il est prévu que le prélèvement sera opéré en deux fois et sur la base d'un décret qui déterminera les montants respectifs de ces deux versements.

Vous le voyez, madame la sénatrice, nous fléchons les crédits vers des actions de formation, nous mobilisons une trésorerie qui était excédentaire, ce qui n'était pas de bonne gestion, et nous prévoyons que celle-ci sera utilisée en deux temps, par voie de décret, ce qui offre toutes les garanties de sécurité et de rigueur au traitement de ces sommes.

M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.

Mme Maryvonne Blondin. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse, mais celle-ci ne m'a pas convaincue, hélas !

Le Gouvernement a annoncé en juillet dernier ce prélèvement, qui sera rendu légal si l'article 96 du projet de loi de finances pour 2011 est voté ; nous attendons donc l'adoption de cette disposition, même s'il ne devrait pas y avoir de surprise.

Vous avez évoqué une trésorerie excédentaire. Faut-il vous rappeler, madame la secrétaire d'État, que, dans de nombreux départements, le nombre des contrats aidés a fortement diminué, ce qui pose d'énormes problèmes à tous les ateliers d'insertion ? Ceux-ci laisseront sur le bord du chemin de nombreuses personnes qui avaient commencé à s'intégrer dans le monde du travail. Et je n'oublie pas non plus les AVS et EVS – auxiliaires et emplois de vie scolaire –, dont les postes sont également très précaires. Comment leur offrir des possibilités de formation et de qualification ?

Je crois savoir que l'emploi est l'une des priorités du nouveau gouvernement. Or le développement des contrats aidés constitue l'un des axes de la lutte contre le chômage. La trésorerie excédentaire que vous évoquiez, madame la secrétaire d'État, aurait pu servir à faciliter ces contrats. Malheureusement, bien des associations, et, par là même, de nombreux citoyens, se retrouveront en grande difficulté.

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