Question de M. FAUCONNIER Alain (Aveyron - SOC) publiée le 29/07/2010

M. Alain Fauconnier attire l'attention de M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche sur le problème posé par la perméthrine. Les apiculteurs de la région Midi-Pyrénées en général et, plus particulièrement, ceux du département de l'Aveyron, enregistrent en effet une forte mortalité d'abeilles dans leurs exploitations apicoles situées en zone d'élevage, et constatent une étroite corrélation entre les désinfectants utilisés dans la lutte contre la propagation du moucheron, qui transporte le virus de la fièvre catarrhale ovine (FCO), et la mortalité de colonies d'abeilles. Ainsi on retrouve la perméthrine dans les produits pulvérisés sur les étables et leurs abords comme dans les véhicules de transport, puisque c'est un des moyens de prophylaxie les plus utilisés dans la lutte contre la fièvre catarrhale ovine. Les apiculteurs, de ce fait, font remarquer que ceux qui avaient laissé leurs ruchers dans les zones d'élevage ont perdu 75 % de leur cheptel, tandis que ceux qui avaient déplacé leurs ruchers hors de ces zones n'en ont perdu que 5 %. L'apiculture aveyronnaise ne saurait attendre une année supplémentaire sans réaction, qui pourrait lui être fatale. C'est pourquoi il lui demande de lui indiquer la position du Gouvernement sur l'utilisation de la perméthrine, ainsi que les mesures d'urgence qu'il entend prendre pour éviter la disparition, dans cette région, de la filière agricole.

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Réponse du Ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche publiée le 06/10/2010

Réponse apportée en séance publique le 05/10/2010

M. Alain Fauconnier. Monsieur le ministre, ma question porte sur les problèmes que rencontre l'apiculture en France, sujet qui n'a rien d'anecdotique tant sont importantes ses conséquences sur le maintien de la biodiversité.

L'hiver 2009-2010, après nombre d'autres hivers, a été particulièrement préjudiciable aux exploitations apicoles en zone d'élevage. De nombreux ruchers ont été décimés, entièrement ou partiellement. Or, les déclarations de mortalité faites auprès de la Direction des services vétérinaires, ou DSV, ne reflètent pas l'importance des dégâts, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, beaucoup de petits apiculteurs – exploitant moins de dix ruches – n'ont pas réagi face à cette mortalité. Lorsque la DSV envoyait ses experts apicoles, ces petits apiculteurs répondaient à ces derniers qu'ils n'avaient plus de ruches. Ils ont donc été rayés des listes de la DSV et ces ruches n'ont pas été prises en compte dans le calcul de la mortalité.

Par ailleurs, certains apiculteurs ne désirent pas que les pourcentages de pertes sur leur exploitation soient connus. Nous savons ainsi que des pertes importantes n'ont pas été déclarées.

Enfin, les pertes qui sont intervenues après le début du printemps n'ont pas été ajoutées aux précédentes pertes déclarées.

Pour le département de l'Aveyron, la fourchette de destruction des ruches, sur le seul hiver 2009-2010, a été de 3 500 à 5 000 ruches. Si un département en compte autant, qu'en est-il à l'échelon national ? De quelle manière peut-on évaluer la destruction de l'ensemble des ruchers, puisque les prélèvements de mortalité adressés, par l'entremise de la DSV, à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA, ne sont pas satisfaisants ? En effet, les réponses données par cet organisme sont toujours des réponses d'analyses pathologiques. Or, ce qui semble le plus important, ce sont les analyses toxicologiques.

Prenons un exemple local. Un rucher de l'Aubrac composé de trente-cinq ruches neuves, avec de nouveaux cadres et des essaims de l'année, a été totalement décimé à l'issue de l'hiver. La réponse de l'AFSSA mentionnant « quelques traces de varroa » ne peut pas nous satisfaire : il est impossible que cela soit la cause d'une telle mortalité – à moins que nos apiculteurs soient mauvais, ce qui n'est pas le cas !

Certains apiculteurs, face à cette mortalité extraordinaire, ont réalisé des prélèvements qu'ils ont adressés directement au CNRS, sans donner de piste de recherche.

Il a été découvert des traces importantes de deltaméthrine. Cette molécule ainsi que la perméthrine sont les composantes principales des traitements contre la fièvre catarrhale ovine. Or, cette analyse n'est pas prise en compte parce que les prélèvements n'ont pas été faits dans les règles procédurales requises.

De plus, d'autres signes ont pu être relevés par plusieurs apiculteurs : des diminutions progressives du nombre d'abeilles malgré un couvain normal, certaines ruches ayant mis plus de temps que d'autres pour se vider totalement ; des désertions de ruches malgré des réserves abondantes ; des abeilles traînantes, incapables de voler ; une agitation anormale devant les ruches ou encore des situations complètement anormales sur les ruchers.

De manière succincte et résumée, il faut savoir que les abeilles ont besoin, pour leur élevage, de matières azotées qu'elles vont notamment chercher sur les fumiers. Une fois dans la ruche, la deltaméthrine reste dans les cires. À une température de 27 degrés, les abeilles récupèrent une activité normale, après ce que l'on appelle le knock-down. À 17 degrés, le knock-down s'achève par la mort d'un nombre significativement plus élevé d'abeilles, et la baisse de la température augmente ce phénomène. C'est notamment pour ces raisons que les phénomènes de mortalité ont quasiment tous été constatés à la fin de l'hiver.

S'il est vrai que ces causes ne sont pas les seules intervenant en matière de mortalité des abeilles, il est tout de même fondamental que des mesures soient prises concernant le traitement d'éventuels nids infectieux représentés par les fumiers et leur épandage.

M. le président. Veuillez conclure, cher collègue.

M. Alain Fauconnier. Ce phénomène a pour conséquence une baisse significative de la production, alors même que les Français sont les plus petits consommateurs de miel.

Je mentionnerai un autre point, et non des moindres : le frelon asiatique, apparu il y a trois années et aujourd'hui bien implanté en France, cause des dégâts catastrophiques sur les ruches.

Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour permettre à l'apiculture de retrouver des productions correctes et pour mettre un terme à tous ces dégâts ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, je tiens à vous rassurer sur notre détermination à défendre le secteur de l'apiculture et à lutter contre la mortalité des abeilles : nous suivons ce sujet de manière très attentive.

Ainsi, mon ministère a notamment apporté tout son soutien aux travaux sur les facteurs de surmortalité des abeilles conduits par l'Institut scientifique et technique de l'abeille et de la pollinisation, l'ISTAP, mis en place en début d'année pour compléter les travaux de l'AFSSA sur lesquels vous avez émis des interrogations.

S'agissant de la perméthrine, molécule utilisée notamment contre la fièvre catarrhale ovine. elle constitue le seul élément dont nous disposons pour lutter efficacement contre cette épidémie touchant l'ensemble de l'élevage français. Nous ne voulons pas baisser la garde dans cette lutte.

Nous avons soumis la perméthrine à un processus d'évaluation. Des inquiétudes étaient en effet apparues, dont vous vous êtes fait l'écho. Nous avons donc conduit une enquête épidémiologique sur le sujet.

Les résultats de cette enquête ne permettent pas d'établir une corrélation entre la mortalité des abeilles et les traitements insecticides utilisés dans le cadre de la lutte contre la fièvre catarrhale ovine.

Je vous rassure, nous poursuivrons l'enquête épidémiologique. Nous avons mis en place des dispositifs de vigilance très étroits sur ce sujet et nous veillerons à ce qu'il n'y ait aucune incidence entre l'utilisation des insecticides prévue dans le cadre de la lutte contre la fièvre catarrhale ovine et la mortalité des abeilles. S'il devait apparaître un lien de causalité, nous en tirerions toutes les conséquences.

Quant au frelon asiatique, qui constitue un sujet d'inquiétude, mon ministère s'est associé à l'ensemble des ministères concernés pour conduire une lutte la plus efficace possible.

Le ministère chargé de l'écologie a ainsi lancé le 10 février dernier une consultation des services de l'État pour identifier les pistes d'expérimentation.

Cela nous permettra, je l'espère, de faire le point d'ici à la fin de l'année, d'une part, sur la connaissance et la diffusion de cette espèce – le phénomène étant nouveau, nous avons pour le moment peu d'indications – et, d'autre part, sur les risques encourus du point de vue tant de la sécurité que des incidences sur les activités économiques ainsi que sur le milieu naturel.

Nous disposerons des résultats de ces évaluations d'ici à la fin de l'année 2010. C'est sur cette base que nous élaborerons un plan d'action le plus efficace possible.

M. le président. La parole est à M. Alain Fauconnier.

M. Alain Fauconnier. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Je constate que vous avez l'intention de prendre un certain nombre de décisions concernant l'apiculture.

Cela étant, je vous rappelle combien les apiculteurs sont inquiets. Ils avaient fait porter leurs espoirs sur le Grenelle de l'environnement, en particulier concernant le problème des pesticides. Aujourd'hui, ils constatent une situation très paradoxale : le biotope des abeilles est nettement meilleur en ville qu'à la campagne ! C'est invraisemblable !

M. Roland Courteau. C'est vrai !

M. Alain Fauconnier. On trouve, à Paris, des ruchers extraordinaires, alors qu'on enregistre en milieu rural des pertes catastrophiques !

Je compte sur vous, monsieur le ministre, pour faire en sorte que, très rapidement, les apiculteurs retrouvent espoir en l'avenir.

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