Question de M. RAINAUD Marcel (Aude - SOC) publiée le 29/07/2010

M. Marcel Rainaud interroge M. le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État sur la nécessité de remettre en cause le bouclier fiscal.

L'objectif affiché par le Gouvernement est de ramener le déficit public de 8 % du produit intérieur brut (PIB) cette année, à 6 % l'an prochain. L'ambition est bien entendu louable et des choix budgétaires doivent être effectués afin d'atteindre cet objectif.

Les mesures récemment annoncées, portent sur la non reconduction du plan de relance, le rattrapage de recettes fiscales éventuelles en misant sur l'après crise, et un train de mesures visant à effectuer 14 milliards d'euros d'économie.

Est ainsi annoncé la suppression d'un abattement de 15 points sur les exonérations sociales dans le cadre de l'aide à domicile, qui concernent notamment les activités de garde d'enfant et de ménage, ainsi que de mesures relatives aux familles d'étudiants qui devront dès lors choisir entre percevoir l'aide personnalisée au logement et bénéficier d'une demi-part pour enfant à charge.

L'allocation adulte handicapée sera elle aussi touchée, puisque sa revalorisation sera significativement inférieure à ce qui avait été annoncé initialement.

Enfin, les associations et structures agrées se verront supprimer les exonérations de cotisations patronales accordées jusque-là.
Si ces mesures peuvent être discutables, elles paraissent profondément injustes dans la mesure où elles ne s'accompagnent pas d'une remise en cause du dispositif du bouclier fiscal qui protège les plus fortunés.

Dans ces moments de crise économique, il apparaît en effet indispensable de faire contribuer l'ensemble de nos concitoyens à l'effort demandé, ce qui rend impératif la mise à contribution des personnes les plus aisées.

Il lui demande de préciser quelles sont ses intentions dans ce domaine.

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Réponse du Secrétaire d'État aux aînés publiée le 06/10/2010

Réponse apportée en séance publique le 05/10/2010

M. Marcel Rainaud. Madame le secrétaire d'État, l'objectif affiché par le Gouvernement est de ramener le déficit public de 8 % du PIB cette année à 6 % l'année prochaine.

L'ambition est bien entendu louable, et des choix budgétaires doivent être effectués afin d'atteindre cet objectif.

Dans ce contexte, une réflexion sur les mesures de restriction des dépenses de l'État est bien évidemment nécessaire, mais elle serait insuffisante si elle ne s'accompagnait pas d'une réelle et profonde analyse des possibilités pour l'État de disposer de ressources nouvelles.

Je ne reviendrai pas ici sur la position gouvernementale concernant la suppression d'un poste de fonctionnaire sur deux – nous en mesurons les effets néfastes au quotidien sur la sécurité comme sur la dégradation des conditions des études des jeunes,…

M. Roland Courteau. C'est vrai !

M. Marcel Rainaud. … de la maternelle au lycée –, si ce n'est pour souligner qu'il s'agit là d'un recul historique de l'État, qui abandonne progressivement certaines de ses fonctions régaliennes. Mais nous aurons l'occasion d'aborder ces questions lors du très prochain débat sur le projet de loi des finances pour 2011.

L'essentiel des mesures jusque-là dévoilées porte sur la non-reconduction du plan de relance, le rattrapage de recettes fiscales éventuelles en misant sur « l'après-crise », et sur un ensemble de dispositions visant à générer 10 milliards d'euros de nouvelles recettes.

Ont ainsi été annoncées un certain nombre de mesures telles que la suppression de l'abattement de quinze points sur les cotisations patronales des ménages déclarant leurs employés au salaire réel. Ces cotisations concernent notamment les activités de garde d'enfants et de ménage.

Sur le même registre, ont été présentés lors du dernier conseil des ministres le projet de suppression des déclarations de revenus multiples pour les impôts l'année du mariage, du PACS ou du divorce, ainsi que la suppression de la rétroactivité de trois mois précédant la demande pour une aide au logement.

L'allocation pour adulte handicapé serait elle aussi touchée, puisque sa revalorisation serait inférieure à ce qui avait été indiqué initialement.

Sur certaines annonces faites antérieurement, le Gouvernement a sagement décidé de revoir sa position, à l'image de la question de l'aide personnalisée au logement pour les familles d'étudiants.

Sur le fonds, ces mesures sont discutables. Elles paraissent profondément injustes…

M. Roland Courteau. C'est vrai !

M. Marcel Rainaud. … dans la mesure où elles ne s'accompagnent pas d'une remise en cause du dispositif du bouclier fiscal qui protège les plus fortunés.

M. Roland Courteau. Eh oui !

M. Marcel Rainaud. Au total, le relèvement de la fiscalité, estimé à 10 milliards d'euros, sera profondément défavorable aux ménages.

L'observatoire français des conjonctures économiques estime, dans l'une de ses simulations, que l'incidence directe de ces mesures fiscales sur les ménages sera de l'ordre de 4,1 milliards d'euros.

Ce même observatoire précise « que sur les 5,9 milliards d'euros touchant les entreprises, ce sont 3,4 milliards qui potentiellement pourraient être répercutés sur les ménages », faisant ainsi reposer 75 % de l'effort financier sur ces derniers.

En cette période de crise économique, il n'est pas envisageable que ces 10 milliards d'euros de ponctions fiscales supplémentaires épargnent les personnes les plus aisées.

La hausse de l'impôt est bien là, elle est annoncée.

Dans ce contexte, le Gouvernement ne pourra pas s'entêter à maintenir un bouclier fiscal dont le caractère injuste est chaque jour un peu plus évident.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Marcel Rainaud. Cette dimension est curieusement absente, ou insuffisamment abordée.

Le caractère socialement injuste des mesures annoncées est d'autant plus évident que ces dernières viennent s'ajouter au projet de réforme des retraites qui, lui aussi, est marqué par une répartition déséquilibrée de l'effort financier.

Madame le secrétaire d'État, je vous demande, de vous positionner très clairement sur ce dossier et de nous préciser si le Gouvernement entend, au regard du contexte économique et social, supprimer le bouclier fiscal, ou s'il s'obstinera à maintenir les privilèges des plus aisés, qu'il finance en mettant à contribution les ménages des classes moyennes.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés. Monsieur le sénateur, l'engagement du Gouvernement, à travers le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, de revenir à 6 points de PIB de déficit public en 2011 et d'atteindre 3 % du PIB en 2013 représente un effort sans précédent dans l'histoire de nos finances publiques.

La stratégie qui a été adoptée dans ce cadre est claire et cohérente avec la politique menée depuis le début de la législature. Pour réduire les déficits, le Gouvernement a choisi de diminuer la dépense et non d'augmenter les impôts. Réduire les déficits par le recours à de nouveaux prélèvements – alors que le niveau des prélèvements obligatoires en France est l'un des plus élevés de l'OCDE –…

M. Roland Courteau. Ah oui !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. … aurait un impact négatif sur la croissance, ce qui n'est pas souhaitable en cette période de sortie de crise.

Ainsi, l'effort de réduction des niches fiscales et sociales proposé par le Gouvernement dans le cadre du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 porte sur un ensemble de mesures de l'ordre de 10 milliards d'euros.

Si le Gouvernement a préservé les dépenses fiscales qui soutiennent l'emploi et celles qui protègent les publics fragiles, et s'il est attaché à ce que l'effort soit équitablement réparti entre les entreprises et les ménages, il a toutefois tenu à ce que l'ensemble des contribuables, y compris ceux qui bénéficient du bouclier fiscal, participent à l'effort. Ainsi, la contribution sur les hauts revenus et sur les revenus du capital, qui est destinée à financer la réforme des retraites, et la réduction de 10 % appliquée à un ensemble cohérent de niches fiscales seront placées hors du champ des impôts pris en compte pour le calcul du bouclier fiscal.

Par ailleurs, si la suppression du bouclier fiscal ne figure pas au nombre des mesures proposées par le Gouvernement, c'est parce que ce dispositif répond d'abord et avant tout à un principe d'équité fiscale, reconnu par le Conseil constitutionnel et qui vaut pour tous les contribuables. (M. Jean-Pierre Michel rit.)

M. Roland Courteau. Ça alors !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. En effet, il n'est pas normal que le montant total des impositions d'un contribuable puisse représenter plus de la moitié du montant de ses revenus. L'impôt deviendrait alors confiscatoire.

M. Roland Courteau. Ce qu'il ne faut pas entendre !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. À cet égard, il ne faut pas oublier que 52 % des bénéficiaires du bouclier fiscal sont des ménages modestes ayant des revenus inférieurs à 1 000 euros par mois.

Je précise que le Gouvernement a veillé, par des dispositions expresses figurant dans le projet de loi de finances, à ce que les bénéficiaires du bouclier fiscal soient soumis tant au rabot de 10 % sur certaines niches qu'à la contribution de 1 % sur les hauts revenus et les revenus du capital.

Enfin, l'équité fiscale ne se mesure pas à l'aune d'un seul dispositif, mais est le fruit de différentes mesures complémentaires. Ainsi, sur les 36 millions de foyers fiscaux que compte la France, seuls 15,6 millions paient effectivement l'impôt sur le revenu, 500 000 d'entre eux payant 43 % du montant total de l'impôt sur le revenu. Voilà la preuve indéniable de la participation des personnes les plus aisées à l'effort de solidarité nationale.

M. le président. La parole est à M. Marcel Rainaud.

M. Marcel Rainaud. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse. Permettez-moi à mon tour de regretter que M. Baroin ne soit pas là pour me répondre.

Force est de constater que la politique menée par le Gouvernement s'est éloignée des promesses faites lors des élections présidentielles de 2007. Il était alors question de hausse du pouvoir d'achat et de baisse des impôts. Aujourd'hui, c'est bien le contraire qui nous est annoncé.

M. Roland Courteau. Mais oui !

M. Marcel Rainaud. La hausse des impôts est bien là, le coup de rabot que vous vous apprêtez à opérer sur les niches fiscales suscitera, croyez-moi, de vives réactions chez les contribuables. Ils attendent de vous que vous mettiez, de votre propre initiative, un terme à l'injustice du bouclier fiscal, sans attendre la mise en œuvre de la convergence fiscale avec l'Allemagne.

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