Question de Mme PROCACCIA Catherine (Val-de-Marne - UMP) publiée le 22/07/2010

Mme Catherine Procaccia interroge M. le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation sur les conséquences de la récente décision de la Cour de justice de l'Union européenne qui, dans son arrêt du 15 avril 2010, considère que les frais d'expédition des marchandises ne doivent pas être imputés au consommateur lorsque ce dernier se rétracte d'un contrat conclu à distance.

En effet, en France, certaines entreprises prévoient dans leurs conditions générales de vente qu'en cas de rétractation les acheteurs sont remboursés du seul prix de l'objet et non des frais d'expédition engagés.
Or, le juge européen considère qu'une réglementation nationale qui permet au fournisseur d'imputer les frais d'expédition au consommateur dans le cas où ce dernier exerce son droit de rétractation est contraire au droit européen (CJUE 15 avril 2010 – C-511/08).

Elle demande donc s'il a prévu de rendre conformes ces conditions générales de vente pour tenir compte de cette nouvelle décision européenne.

En outre, elle voudrait savoir si le Gouvernement entend également intégrer dans cette réglementation les frais de retour, la décision de la cour de justice ne lui paraissant pas extrêmement claire sur ce deuxième point.

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Réponse du Ministère chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique publiée le 01/12/2010

Réponse apportée en séance publique le 30/11/2010

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le ministre, la séance des questions du mardi matin ayant été annulée à deux reprises, j'ai dû patienter plusieurs semaines avant de pouvoir poser cette question, qui intéresse tous les consommateurs. Je me réjouis donc de pouvoir vous la poser aujourd'hui et je vous remercie par avance de votre réponse.

La Cour de justice de l'Union européenne a rendu le 15 avril 2010 un arrêt sur les frais d'expédition en cas de retour d'un objet commandé par correspondance.

Cet arrêt intéresse tous les consommateurs français qui, depuis la loi du 26 juillet 2005, disposent d'un délai de sept jours francs pour exercer leur droit de rétractation, sans avoir à justifier des motifs ou à payer des pénalités.

Or, en France, certaines entreprises prévoient dans leurs conditions générales de vente qu'en cas de rétractation les acheteurs seront remboursés du seul prix de l'objet, et non des frais d'expédition exposés.

Le juge européen considère dans son arrêt du 15 avril 2010 qu'une réglementation nationale qui permet au fournisseur d'imputer les frais d'expédition au consommateur dans le cas où ce dernier exerce son droit de rétractation est contraire au droit européen.

La Cour de justice estime en effet que « le fait d'imputer au consommateur, en plus des frais directs de renvoi des marchandises, les frais d'expédition est de nature à remettre en cause une répartition équilibrée des risques entre les parties dans les contrats conclus à distance, en faisant supporter au consommateur l'ensemble des charges liées au transport des marchandises ».

Certaines clauses existantes peuvent donc désormais être considérées comme abusives.

Je voudrais savoir si le Gouvernement prévoit de mettre ces conditions générales de vente en conformité par rapport à cette nouvelle décision européenne, et s'il entend modifier le code de la consommation, de quelle manière et dans quel délai.

Enfin, la décision de la Cour de justice ne me paraissant pas très claire sur les frais de réexpédition, j'aimerais obtenir des précisions sur le cas des frais liés au retour de l'objet par l'acheteur au vendeur dans le délai de sept jours. Ces frais sont-ils à la charge du vendeur ou du client ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Besson, ministre auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. Vous l'aurez compris, madame la sénatrice, je vous réponds en lieu et place de mon collègue Frédéric Lefebvre, empêché, qui m'a demandé de vous transmettre ses excuses.

Vous souhaitez connaître les mesures qui seront prises en France pour rendre les contrats de vente conclus à distance conformes à la décision du 15 avril 2010 de la Cour de justice des Communautés européennes relative à l'imputation des frais d'expédition des marchandises lorsque le consommateur exerce son droit de rétractation dans le cadre d'un contrat de vente conclu à distance.

La CJCE a en effet été saisie d'une question préjudicielle sur l'interprétation de l'article 6, paragraphes 1 et 2, de la directive 97/7/CE relative aux contrats de vente à distance, question posés par une société de vente par correspondance allemande dans le cadre d'un litige qui l'opposait à une association de consommateurs.

La Cour a dit pour droit qu'une réglementation nationale qui permettrait au fournisseur, dans un contrat conclu à distance, d'imputer les frais d'expédition des marchandises au consommateur qui exerce son droit de rétractation serait contraire à l'article 6, paragraphes 1 et 2, de cette directive.

Il convient de noter qu'en France aucune réglementation n'a jamais autorisé les vendeurs à distance à imputer les frais d'expédition des marchandises aux clients qui ont exercé leur droit de rétractation.

La directive 97/7/CE a été transposée par l'ordonnance du 23 août 2001. Les paragraphes 1 et 2 de l'article 6 de la directive ont, par cette ordonnance, été repris aux articles L. 121-20 et L. 121-20-1 du code de la consommation.

Dans l'esprit du législateur français, il a toujours été parfaitement clair que la directive 97/7/CE ne permet pas aux professionnels de la vente à distance d'imputer au consommateur qui se rétracte les frais d'expédition de la marchandise. À cet égard, le considérant 14 de la directive indique que, pour que le droit de rétractation ne reste pas de pure forme, les éventuels frais supportés par le consommateur lorsqu'il exerce ce droit doivent être limités aux frais directs de renvoi des marchandises.

Cependant, dans la pratique, certains professionnels ont interprété l'obligation de remboursement qui leur était faite comme une obligation de remboursement du prix du produit hors frais d'expédition.

C'est pourquoi, à l'occasion de la loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service du consommateur, dite loi Chatel, l'article L. 121-20-1 a été modifié et précisé pour qu'il ne soit plus l'objet d'interprétations erronées.

Désormais, la première phrase de l'article L. 121-20-1 est ainsi rédigée : « Lorsque le droit de rétractation est exercé, le professionnel est tenu de rembourser le consommateur de la totalité des sommes versées, [...]. »

En conclusion, la décision de la Cour du 15 avril 2010, qui rappelle les principes de la directive 97/7/CE, ne nécessite pas d'adaptation de notre droit national, puisque, lors de la transposition en droit interne, en 2001, de cette directive, la France avait déjà intégré ce principe et l'a conforté à l'occasion du vote de la loi Chatel du 3 janvier 2008.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Votre réponse est très claire, monsieur le ministre, mais il est regrettable que les consommateurs doivent parfois se battre pour que les vendeurs à distance appliquent la législation en vigueur.

En ce qui concerne les frais de réexpédition, j'ai bien compris qu'ils ne pouvaient pas être remboursés. Quand il s'agit d'un petit objet, ce n'est pas grave. En revanche, si vous voulez réexpédier dans le délai de sept jours un lave-linge, un lave-vaisselle ou un réfrigérateur, les frais de réexpédition deviennent assez prohibitifs. Il faudrait donc progresser également dans ce domaine.

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