Question de M. DOMEIZEL Claude (Alpes de Haute-Provence - SOC) publiée le 02/07/2010

Question posée en séance publique le 01/07/2010

M. Claude Domeizel. Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

Monsieur le ministre, je voudrais vous interroger à propos du projet de loi portant réforme des retraites que vous venez de dévoiler, non pas sur son contenu – nous aurons le temps de le faire ultérieurement –, mais sur la forme et la méthode employée.

Quand on parle de retraite, on fait souvent référence à la Suède. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que ce pays a réussi sa réforme des retraites pour une bonne partie parce que celle-ci a été élaborée dans un temps non contraint, dans une vraie concertation et une écoute réciproque.

Or croyez-vous, monsieur le ministre, que la recherche d'un tel consensus soit possible dans un climat de mépris ?

Mépris de l'appel lancé par des centaines de milliers de manifestants le jeudi 24 juin dans l'ensemble du pays, qui scandaient entre autres : « Ne touchez pas au seuil des 60 ans ! »

Mépris du Président de la République pour ses électeurs, car le candidat Nicolas Sarkozy avait prétendu et crié haut et fort qu'il ne toucherait jamais à l'âge légal de la retraite à 60 ans (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.), une affirmation que le Président de la République a reprise en mai 2008, c'est-à-dire il y a peu de temps, lors d'une interview !

Mépris pour ceux qui occupent des emplois pénibles et voient leur situation balayée d'un revers de main ! Leur sort serait réglé par des examens médicaux au cas par cas !

Mépris pour les femmes ! À de nombreuses reprises, nous vous avons alerté sur le fait qu'elles risquaient d'être de nouveau pénalisées !

Mépris, enfin, pour les engagements tacites pris par le Parlement d'alimenter le Fonds de réserve pour les retraites et de ne pas y toucher jusqu'en 2020 !

Monsieur le ministre, je crois deviner que vous allez me rétorquer que vous avez répondu hier favorablement à l'une des demandes pressantes que je vous avais adressées, au nom du groupe socialiste, concernant les mères de famille de trois enfants totalisant quinze ans d'ancienneté. Même si vous avez mis trop de temps à reconnaître que vous aviez fait une « bourde » (Exclamations sur les travées de l'UMP.), nous prenons acte avec satisfaction de votre décision. Mais vous n'êtes pas allé jusqu'au bout de la démarche qui s'imposait.

Un sénateur de l'UMP. Si !

M. Claude Domeizel. La brutalité demeure, la brutalité avec laquelle vous remettez en cause cette dérogation et ses conséquences désastreuses en matière de gestion du personnel, particulièrement dans les hôpitaux et les établissements d'enseignement.

M. Alain Vasselle. La faute aux 35 heures !

M. Claude Domeizel. Il ne sortira rien de bon de cette précipitation, de cette absence d'écoute et de ce mépris !

Quelle est ma question ?... Je ne vous en poserai aucune, monsieur le ministre ! (Rires sur les travées de l'UMP.) Car vous et vos collègues du Gouvernement avez développé une réelle habileté à vous dérober aux réponses !

Je vous laisse donc le loisir de réagir, ou pas. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

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Réponse du Ministère du travail, de la solidarité et de la fonction publique publiée le 02/07/2010

Réponse apportée en séance publique le 01/07/2010

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Bien que vous ne me posiez pas de question, monsieur le sénateur, je tiens cependant à vous répondre ! (Sourires.)

M. René-Pierre Signé. Ça change ! Il va répondre !

M. Éric Woerth, ministre. Vous me dites que la Suède possède probablement le meilleur des systèmes. Je vous fais tout de même remarquer que le niveau des pensions des Suédois vient de baisser de 3 %. Si c'est cela que vous voulez pour les Français, il faut absolument le dire ! (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.)

Dans ce cas, il suffit d'adopter un régime de comptes notionnels, sur une dizaine ou une quinzaine d'années. Le niveau des pensions devient ainsi la variable d'ajustement du système de retraite par répartition, ce qui entraînera la baisse régulière et systématique de la retraite des Français. Soyez logique avec vous-même, monsieur le sénateur ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est le roi de l'entourloupe !

Mme Raymonde Le Texier. Encore une habileté !

M. Éric Woerth, ministre. Par ailleurs, de quel mépris parlez-vous ? S'agit-il du mépris du parti socialiste pour toute forme de réforme des retraites ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cessez de mépriser les parlementaires !

M. Éric Woerth, ministre. Le parti socialiste n'a en effet jamais proposé la moindre réforme des retraites. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste.) En 1993, vous vous êtes opposés au sauvetage du régime de retraite proposé par M. Balladur. En 2003, vous vous êtes opposés au sauvetage proposé par M. Fillon. Et en 2010, vous vous opposerez à la réforme que le Gouvernement entend mettre en œuvre !

Est-ce bien la meilleure façon d'affronter le problème ? J'en doute fort ! Vous nourrissez également un formidable mépris pour la réalité. Quelle est-elle ? Nous vivons plus longtemps et, dans tous les pays du monde, quels que soient les modes de gouvernement et quelle que soit la couleur politique des gouvernants, les systèmes de retraite ont toujours été modifiés en tenant compte de l'âge.

Quand on parle de retraite, on parle évidemment d'âge ! Qui peut penser le contraire ? Pour notre part, nous ne méprisons personne.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous méprisez le peuple ! Vous êtes d'ailleurs un spécialiste du mépris !

M. Éric Woerth, ministre. Nous nous efforçons de sauver le régime par répartition.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Toujours dans le même sens ! Ce sont les salariés qui paient !

M. Éric Woerth, ministre. Nous menons une réforme courageuse, ….

M. Paul Raoult. Inégalitaire et injuste !

M. Éric Woerth, ministre. … en acceptant de regarder la réalité en face, sans la nier.

Par ailleurs, notre réforme est juste, juste pour ceux qui ont commencé jeune, juste pour ceux qui ont subi, dans leur carrière, des facteurs d'exposition à la pénibilité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. N'applaudissez pas trop fort !

M. René-Pierre Signé. Il y a les riches et les pauvres !

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