Question de M. LEROY Philippe (Moselle - UMP) publiée le 17/06/2010

M. Philippe Leroy appelle l'attention de M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes sur les problèmes de concurrence déloyale et de recrutement que rencontrent certaines entreprises frontalières. Ces difficultés auraient semble-t-il pour origine une concurrence déloyale de la part de certaines entreprises de même nature, ayant un siège social en Moselle et un autre au Grand Duché du Luxembourg. Il apparaît que ces entreprises embauchent du personnel français pour l'employer sur le territoire national, mais en le déclarant au Luxembourg. En procédant de la sorte, celles-ci entendent y gagner en termes de coûts salariaux. Cet état de fait nuit dangereusement au tissu économique frontalier. Espérant que les mesures adéquates seront bientôt mises en œuvre pour enrayer cet inquiétant phénomène, il le remercie par avance pour les informations qu'il voudra bien lui communiquer en la matière.

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Transmise au Ministère chargé des affaires européennes


Réponse du Ministère chargé des affaires européennes publiée le 29/12/2011

La pratique des entreprises transfrontalières ayant un siège social en Moselle et un autre au Grand Duché du Luxembourg qui embauchent du personnel français pour l'employer sur le territoire national, mais en le déclarant au Luxembourg, n'est pas, par nature, illégale. En effet, dans certains cas strictement encadrés, les entreprises luxembourgeoises et leurs salariés français ont un motif légitime à voir le salarié exercer son activité sur le territoire national. La procédure de détachement permet, en effet, qu'un employeur mette temporairement un salarié à la disposition d'une autre entreprise, qu'elle soit située dans le même pays ou à l'étranger (articles L. 1261-1 et suivants du code du travail). Ce détachement est reconnu par l'Union européenne (UE) - directive 96/71/CE du 16 décembre 1996 - et a fait l'objet d'une interprétation par la Cour de justice des communautés européennes (CJCE), notamment sur les limites de cette procédure (affaire Fitzwilliam, CJCE, 10 février 2000). La France a transcrit les conséquences de cette jurisprudence dans une circulaire d'application du ministère de la sécurité sociale en mai 2001. L'Agence centrale des organismes de sécurité sociale et les URSSAF ont une position claire et conforme aux textes communautaires, y compris pour les salariés français recrutés à l'étranger pour être détachés en France. Toutefois, ce dispositif a connu des détournements par certaines entreprises dans le but de minorer leurs coûts de main-d'œuvre. Dans les cas précités, le salarié a été détaché dès le premier jour de son contrat de travail, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ou d'un contrat d'intérimaire. Une fois la durée maximale de détachement (vingt-quatre mois) atteinte, il était ensuite mis fin à la relation de travail et un nouveau contrat était établi pour mettre en place un nouveau détachement. Des modifications « cosmétiques » de certains éléments du contrat ont permis, dans ces cas, de tromper la vigilance des administrations du travail. Il ne fait pas de doute que ces pratiques nuisent aux intérêts fiscaux de la France et à la stabilité professionnelle des Français concernés. Consciente de ces pratiques, l'UE a donc récemment renforcé sa réglementation du détachement. Depuis le 1er mai 2010, l'assujettissement à la sécurité sociale luxembourgeoise, en cas de détachement dans un autre État membre, est déterminé au regard de la nouvelle réglementation communautaire (règlement 883/2004 CE et 987/2009 CE). Si ces règlements ne remettent pas en cause la législation antérieure (règlement 1405/710 E), notamment en ce qui concerne l'exercice normal pour l'employeur d'une activité dans l'État membre d'envoi, ou l'interdiction de l'envoi d'un salarié en remplacement d'un autre salarié, plusieurs innovations ont été introduites : la période maximale de vingt-quatre mois autorisée pour un détachement est désormais déterminée par rapport à l'employeur qui détache le salarié et non plus par rapport à l'entreprise d'accueil. Ceci devrait permettre une meilleure détection de la pratique illégale du détachement ; le détachement est désormais expressément conditionné au fait que la personne recrutée en vue de son détachement « soit, juste avant le début de son activité salariée, déjà soumise à la législation de l'État membre dans lequel est établi son employeur ». Cette condition devrait clarifier la situation du salarié et lui éviter un changement fréquent de la législation applicable. Suite à cette nouvelle règlementation, le Centre commun de sécurité sociale luxembourgeois exige désormais l'affiliation préalable d'un salarié à la sécurité sociale luxembourgeoise pour pouvoir maintenir celle-ci au cours d'un détachement immédiat d'un salarié. En effet, le salarié doit être affilié depuis au moins un mois à la sécurité sociale de l'État d'envoi (décision n° A2 de la commission administrative du 12 juin 2009 dudit centre). Les autorités françaises, luxembourgeoises et européennes sont conscientes de la problématique soulevée et on conçu, en concertation, des réglementations équilibrées qui devraient permettre à l'avenir de développer le marché intérieur européen tout en protégeant les intérêts fiscaux, la stabilité professionnelle et le modèle social français.

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