Question de M. TROPEANO Robert (Hérault - RDSE) publiée le 10/06/2010

M. Robert Tropeano attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur le bilan du dispositif d'assouplissement de la carte scolaire. En effet, alors que trois années se sont écoulées depuis la mise en place de cette mesure, il apparaît judicieux d'en mesurer l'impact et d'en analyser les conséquences afin de vérifier que cette disposition répond aux objectifs recherchés, à savoir favoriser une meilleure mixité sociale. Selon les résultats d'une étude conduite par le Syndicat national des personnels de direction de l'éducation nationale sur près de 2 758 collèges et lycées, il s'avère que si pour 60 % des chefs d'établissement aucun effet particulier n'a été constaté, pour les 40 % d'établissements restants la situation est plus tranchée et de manière négative. En effet, les établissements situés en zone d'éducation prioritaire connaissent une « ghettoïsation » plus importante et les collèges dénommés « ambition-réussite » voient leurs meilleurs élèves s'inscrire dans d'autres établissements, enregistrant de fait une baisse conséquente de leurs effectifs. Depuis la suppression de la carte scolaire, une brèche encore plus importante s'est ouverte, mettant à mal la politique de l'éducation prioritaire qui s'adressait aux écoles ou collèges où l'échec scolaire était le plus important. Les conclusions de cette étude sont donc de deux ordres. L'assouplissement de la carte scolaire déstabilise des « établissements moyens de villes moyennes qui jusqu'ici ne rencontraient pas de problème particulier ». Et cette mesure a favorisé une « porosité entre le public et le privé ». C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir lui préciser quelles mesures il entend prendre pour enfin redonner au service public de l'éducation nationale les moyens qu'il mérite si on veut assurer à tous l'égalité des chances.

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Réponse du Ministère de l'éducation nationale publiée le 25/11/2010

Les mesures d'assouplissement de la carte scolaire, mises en oeuvre depuis 2007, ont pour objectif de permettre aux familles de choisir librement l'école de leurs enfants tout en favorisant la mixité sociale dans les établissements scolaires. Afin de concilier ces deux objectifs, le ministère a donné des motifs prioritaires à faire valoir par les familles dans leurs demandes de dérogation. Le critère social, élève boursier, arrive en second après celui du handicap. Ainsi, à l'entrée en sixième, qui est le niveau le plus concerné, 85,8 % des demandes des élèves boursiers ont été satisfaites en 2009 contre 73,7 % pour l'ensemble des demandes. En matière de carte scolaire, l'État a substitué de nouvelles modalités de fonctionnement au système antérieur qui favorisait les populations aisées, les plus au fait des possibilités de contournement de la carte scolaire. Ces modalités nouvelles garantissent à tous les élèves un droit d'affectation dans l'établissement le plus proche de leur domicile. Dans l'hypothèse où les demandes dépassent les capacités d'accueil d'un établissement, priorité est donnée aux populations les plus défavorisées. Les prochaines étapes de l'assouplissement permettront de renforcer les actions d'information menées auprès des familles des milieux modestes et de satisfaire davantage leurs demandes de dérogation. Du point de vue des établissements, la situation est très contrastée. Il y a effectivement une centaine de collèges fortement évités depuis 2007 sur l'ensemble du territoire, qui en compte près de 5 250. Chacune de ces situations est particulière : l'évitement tient tantôt à des réputations injustifiées, tantôt à des difficultés conjoncturelles ou parfois plus profondément ancrées. Il a été demandé aux académies d'accompagner spécifiquement chacun de ces établissements pour l'aider à retrouver la confiance des familles. Les moyens ont été maintenus, malgré les baisses d'effectifs, afin de permettre de développer un projet ambitieux en faveur de la réussite des élèves. Il reste toutefois quelques établissements pour lesquels la situation est trop profondément détériorée pour permettre une amélioration durable. Pour ces quelques cas, l'éducation nationale travaille avec les collectivités locales et l'ensemble des partenaires afin de trouver les meilleures solutions pour la scolarisation des élèves. Des modifications de sectorisation et la fermeture et/ou la reconstruction de certains établissements sont des actions qui existaient déjà avant l'assouplissement de la carte scolaire et qui se sont avérées bénéfiques. Afin de soutenir les conseils généraux qui envisagent ce type d'opérations, l'État a lancé en mai 2009 un appel à projet pour la fermeture de collèges dégradés dans le cadre de la dynamique Espoir banlieues avec 40 M€ de subventions pour les années 2010 et 2011. Par ailleurs, dans la catégorie des établissements réputés les moins attractifs, la plupart voient leurs effectifs diminués dans des proportions très faibles. Cette baisse d'effectifs ne menace pas leur existence et ne modifie pas la répartition des catégories sociales dont sont issus leurs élèves. Par exemple, si on considère les collèges « ambition réussite », choisis en 2006 car ils concentraient de fortes proportions d'élèves issus de catégories sociales défavorisées, ils perdent en moyenne 7,4 % de leurs élèves à l'entrée en sixième. Si 39 perdent plus du quart de leurs effectifs à ce niveau d'enseignement, la plupart perdent un nombre restreint d'élèves et 54 en gagnent. Pour rendre encore mieux compte de la complexité de la réalité, il faut préciser que les mêmes établissements qui présentent un solde entrées-sorties négatif, font l'objet de demandes d'entrées importantes. Ainsi, sur l'ensemble du territoire, on n'assiste nullement à un phénomène massif de ghettoïsation et des réponses appropriées sont apportées au cas par cas aux établissements en difficulté. Enfin, la mixité sociale est aussi à considérer du point de vue des établissements attractifs qui, grâce aux mesures d'assouplissement de la carte scolaire, accueillent souvent de nouveaux publics issus de milieux plus modestes que les élèves du secteur. Ainsi l'égalité des chances, principe fondamental de notre système éducatif, devient une préoccupation et un objectif pour l'ensemble des établissements scolaires, y compris ceux des centres-villes et non plus seulement ceux situés dans les quartiers défavorisés et populaires.

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