Question de M. MASSON Jean Louis (Moselle - NI) publiée le 03/06/2010

M. Jean Louis Masson attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, sur le fait que les maires sont souvent désemparés face aux infractions en matière d'urbanisme. En effet, lorsqu'une construction est réalisée de manière illicite, le contrevenant est mis en demeure de rétablir les lieux à l'état d'origine. Cependant, s'il n'obtempère pas, les procureurs de la république refusent en général d'engager des poursuites pénales. Une telle situation est d'autant plus déplorable que les administrés respectueux de la loi sont eux harcelés pour de simples détails par les architectes des Bâtiments de France. Il lui demande en conséquence s'il serait possible que les procureurs de la République aient des instructions pour engager des poursuites pénales systématiques lorsque, suite à une infraction d'urbanisme, le contrevenant refuse de se conformer à un jugement prescrivant la remise en état des lieux.

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Réponse du Ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat publiée le 18/11/2010

L'application des dispositions pénales de l'urbanisme relève de la compétence de l'État et, en conséquence, les décisions prises par le maire en la matière le sont au nom de l'État. Conformément aux dispositions des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme, lorsque l'autorité administrative a connaissance d'une infraction de la nature de celles que prévoient les articles L. 160-1 et L. 480-4 du même code, elle est tenue de dresser un procès-verbal et d'en transmettre copie sans délai au ministère public. S'agissant du constat de l'infraction, l'autorité administrative ne dispose d'aucun pouvoir d'appréciation, même si elle peut demander au contrevenant de régulariser l'illégalité commise en sollicitant une autorisation d'urbanisme, si les règles d'urbanisme le permettent, ou en réalisant les travaux nécessaires pour rendre la construction légale. Selon les termes de l'article 40 du code de procédure pénale, « le procureur de la République reçoit les plaintes et dénonciations et apprécie la suite à leur donner, conformément aux dispositions de l'article 40-1 ». Cette autorité judiciaire dispose du pouvoir d'apprécier l'opportunité des poursuites et peut décider du classement sans suite d'un procès-verbal. Toutefois, cette décision ne constitue pas un acte juridictionnel et ne bénéficie donc pas de l'autorité de la chose jugée. Le procureur, qui a le libre exercice de l'action publique, peut ainsi, jusqu'à l'expiration du délai de prescription, revenir sur son appréciation et exercer des poursuites, la réouverture du dossier par le parquet pouvant être suscitée par la transmission, par l'autorité administrative compétente, d'un nouveau procès-verbal accompagné de ses observations, comme le prévoit l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme. La chancellerie recense, en moyenne, quelque 1 500 infractions d'urbanisme par an donnant lieu à condamnation définitive, nombre qui augmente chaque année : 1 390 en 2004, 1 571 en 2005, 1 616 en 2006, 1 868 en 2007, 1 948 en 2008. Par ailleurs, les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme permettent à la commune, représentée par son maire, dans les conditions prévues par l'article 2122-22-(16°) du code général des collectivités territoriales, d'exercer les droits reconnus à la partie civile, en ce qui concerne les faits commis sur son territoire et constituant une infraction à l'alinéa premier de l'article L. 480-1. Il convient de préciser qu'une telle procédure n'est pas soumise à l'exigence d'un préjudice personnel et direct (Cass. Crim. 9 avril 2002,n° 01-82687) et que toute constitution de partie civile a pour effet de mettre en mouvement l'action publique, conformément aux articles 85 et suivants et 418 et suivants du code de procédure pénale, mettant le juge d'instruction ou le tribunal dans l'obligation d'instruire ou de statuer (Cass. Crim. 21 septembre 1999,n° 98-85051). Enfin, si un contrevenant qui s'est vu ordonner, par une décision pénale devenue définitive, l'une des mesures de restitution prévues par l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme refuse de donner suite à la chose jugée, le maire ou le fonctionnaire compétent peut faire procéder d'office aux travaux nécessaires à l'exécution de la décision de justice, aux frais et risques dudit contrevenant, conformément aux dispositions de l'article L. 480-9, alinéa 1er, du code de l'urbanisme. Toutefois, en vertu de ce même article, l'autorité administrative dispose d'un pouvoir d'appréciation discrétionnaire s'agissant de l'exécution d'office d'une décision de justice pénale (CE, 31 mai 1995 Libert et autres, n° 135586) et prend en compte, notamment, la possibilité de régulariser la situation administrative de la construction. Si l'obtention d'un permis de régularisation est exclue, l'exécution d'office doit alors être mise en oeuvre, ceci sans préjudice de l'action en liquidation, puis du recouvrement de l'astreinte, si une telle mesure a été ordonnée par le juge pénal, en application des dispositions des articles L. 480-7 et L. 480-8 du code de l'urbanisme.

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