Question de M. CAZEAU Bernard (Dordogne - SOC) publiée le 03/06/2010

M. Bernard Cazeau attire l'attention de M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche sur la filière agricole et sur l'arboriculture en particulier pour la production des pommes affectée par la baisse des prix survenue au cours de l'année 2009. Par rapport à l'année précédente, le producteur perçoit en moyenne 15 centimes de moins par kilogramme de pommes vendu. C'est une catastrophe susceptible de détruire des centaines d'emplois. À titre d'exemple, pour le département de la Dordogne, la production est passée de plus de 2 millions de tonnes à près de 1,5 million, preuve que la baisse des prix n'est pas liée à une surproduction mais bien à un double problème de débouché et de concurrence déloyale.

Le prix de revient n'étant plus couvert, de nombreuses exploitations vont disparaître, détruisant des milliers d'emplois au niveau national et plusieurs centaines au niveau local. Les producteurs estiment à juste titre qu'il est du ressort des pouvoirs publics de mettre en oeuvre tous les mécanismes possibles pour que les productions soient payées à leur juste prix. Il ne s'agit pas d'aider par le versement de compensation conjoncturelle, mais de proposer des solutions pérennes.

Aussi, il lui demande de bien vouloir lui faire connaître les mesures qu'il compte mettre en place pour, d'une part, faire cesser les pratiques commerciales déloyales et, d'autre part, soutenir ce secteur particulièrement touché.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat publiée le 07/07/2010

Réponse apportée en séance publique le 06/07/2010

M. Bernard Cazeau. Ma question porte sur les difficultés économiques des arboriculteurs, notamment des producteurs de pommes.

Mon département compte 1 800 hectares de vergers de pommiers, qui contribuent à l'emploi de près de 4 000 personnes.

Le 1er juillet dernier, ces producteurs de pommes ont organisé des opérations de blocage des grandes surfaces, notamment dans l'agglomération périgourdine. Et pour cause : le kilo de pommes qui, la veille, quittait la coopérative agricole au prix de 80 centimes se retrouvait, dès le lendemain, sur les étals d'une grande surface spécialisée, quelques dizaines de kilomètres plus loin, au prix de 2,79 euros !

Quelqu'un s'était ainsi approprié 350 % de marge…

Est-il acceptable qu'un prix soit multiplié par trois en vingt-quatre heures au profit exclusif d'une centrale d'achat et d'un distributeur ? Je ne le crois pas.

De telles pratiques doivent être clairement exposées devant l'opinion publique et dénoncées avec vigueur, car elles ne profitent ni à celui qui produit, ni à celui qui consomme.

Mais le pire n'est pas là. Il vient de ce que le prix payé au producteur ne parvient même pas à égaler le coût de production.

Les chiffres parlent, là aussi, d'eux-mêmes : 1 kilo de pommes d'appellation d'origine contrôlée coûte 40 centimes à produire, mais il est actuellement acheté 30 centimes au producteur, soit une perte de 10 centimes. Avec un tel différentiel, aujourd'hui, tous les arboriculteurs travaillent à perte, c'est incontestable. Cette situation ne pourra pas durer bien longtemps…

En dix ans, la France a perdu 35 % de la production de pommes, et nous sommes malheureusement en train de persévérer dans cette voie…

Aussi, je poserai trois questions simples.

Le Gouvernement va-t-il exiger la modération immédiate des marges des distributeurs, comme il s'y est engagé le 17 mai dernier, lors de la conclusion du très médiatique accord avec la grande distribution ?

Va-t-il permettre à la filière arboricole de vivre dignement de son travail, par des prix rémunérateurs ?

Enfin, va-t-il remettre le monde agricole sur les rails de la croissance et donc de la confiance ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser mon collègue Bruno Le Maire, retenu par la préparation de la fin de l'examen du projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche.

Dans le secteur de la pomme, la campagne 2009-2010 a commencé par une période de plus de soixante-dix jours de crise conjoncturelle.

Des efforts importants ont été réalisés pour assurer très rapidement un suivi de crise par les services du ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, en liaison avec l'interprofession, et proposer ainsi une série de solutions concrètes et immédiates pour dynamiser les ventes de pommes et soutenir les producteurs en difficulté.

Il s'est agi notamment de la mise en place d'une assurance crédit-export adaptée ; des accords sur les certificats sanitaires avec la Russie ; du renforcement de la promotion de la pomme dans les points de vente.

Le secteur a, par ailleurs, pu profiter des mesures du plan de soutien exceptionnel à l'agriculture décidé par le Président de la République le 27 octobre 2009.

Parallèlement, l'Association nationale pommes poires, qui réunit les organisations de producteurs du secteur dans un cadre reconnu par le ministère, a élaboré un plan d'actions organisé autour de plusieurs axes : transparence sur les coûts de revient auprès du commerce ; mise en avant permanente des pommes françaises ; non-cueillette des pommes destinées à l'industrie ou valorisation de la Charte de production fruitière.

Ainsi conjuguées, les solutions apportées par les pouvoirs publics et les responsables professionnels ont contribué au redressement relatif de la situation dès décembre 2009.

En outre, l'exonération des charges patronales au 1er janvier 2010 sur les contrats de travailleurs occasionnels demandeurs d'emploi, a été bénéfique : c'est un allégement de deux euros par heure et par salarié qui a ainsi été obtenu.

Les mesures structurelles prévues dans le projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche – contractualisation, renforcement des interprofessions, encadrement des pratiques commerciales, notamment – sont un autre élément de la réponse du Gouvernement.

Enfin, comme vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur, les distributeurs se sont également engagés, à l'occasion d'une réunion autour du Président de la République, le 17 mai dernier, à limiter leurs marges en cas de crise.

Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments que le ministre de l'agriculture m'a demandé de porter à votre connaissance.

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau.

M. Bernard Cazeau. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse, dont je salue la précision. Je ne vous cacherai pourtant pas que nous en connaissions en grande partie la teneur, ayant eu l'occasion d'évoquer ce sujet au cours de l'examen du projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche.

Aujourd'hui, on ne peut plus se contenter de mesures qui ne seraient pas directement ciblées sur les grandes surfaces, qui se situent entre le producteur et le consommateur.

Le respect des marges est essentiel. Si le producteur de pommes, ou de n'importe quel autre bien, vend moins cher qu'il ne produit, il fait rapidement faillite. Le secteur concerné voit ainsi disparaître de nombreux producteurs, ainsi qu'un nombre important d'emplois.

Il nous faut donc agir sur les rapports entre la grande distribution et le producteur. Le Président de la République a organisé une réunion. Nous n'avons pas caché que nous étions assez sceptiques s'agissant de la volonté politique d'aller dans ce sens, ce qui n'a d'ailleurs pas beaucoup plu à M. Bruno Le Maire.

C'est à la condition de savoir nous en donner les moyens et de montrer que nous en avons la volonté politique, monsieur le secrétaire d'État, que la production sera valorisée, et dans de nombreux secteurs agricoles.

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