Question de M. SERGENT Michel (Pas-de-Calais - SOC) publiée le 23/06/2010

Question posée en séance publique le 22/06/2010

Concerne le thème : La crise financière européenne

M. Michel Sergent. Voilà seulement quelques semaines, les chefs d'État européens se sont entendus pour mettre en place un mécanisme de stabilité financière garanti par les États membres à hauteur de 444 milliards d'euros.

Depuis, pas une journée ne s'écoule sans annonce d'une nouvelle série de mesures d'austérité.

Non seulement le Conseil européen qui s'est tenu à la fin de la semaine dernière a entériné une politique d'austérité généralisée, en guise de stratégie de sortie de crise, mais il a demandé au G20 de Toronto de valider les politiques de rigueur globale engagées.

Les États membres s'entendent aujourd'hui sur les sanctions renforcées, au lieu de s'attaquer d'abord aux problèmes de fond.

L'austérité est élevée au rang d'objectif politique commun. La réduction des dépenses, dont la liste s'allonge sans cesse, pénalise ainsi les citoyens en remettant en cause les normes sociales.

La stratégie 2020, qui devait être une stratégie de relance et d'investissement pour l'Europe, ne fait finalement qu'énoncer des réformes structurelles subordonnées à l'assainissement budgétaire.

La nécessité de la réduction des déficits ne doit pas détourner les États membres du besoin d'une politique de croissance qui réoriente les politiques publiques vers l'emploi et les investissements.

Pour cette raison, le pacte de stabilité doit être révisé, étant rappelé qu'il est non pas une fin en soi, mais un moyen d'atteindre des objectifs communs : croissance et stabilité, éléments que je cite volontairement dans cet ordre, car il ne pourra y avoir de retour à la stabilité si la croissance est brisée et si les écarts de compétitivité ne sont pas comblés.

Nous estimons que les conditions ne sont pas aujourd'hui réunies pour une sortie de crise.

Les politiques de soutien doivent être maintenues tant qu'il n'y a pas de reprise de la croissance. Nous n'avons eu de cesse de le rappeler depuis le début de cette crise.

C'est aussi ce qu'a affirmé Barack Obama dans une lettre adressée aux chefs d'État et de gouvernement du G20 : « nous devons être souples pour ajuster le rythme de la consolidation et apprendre des erreurs commises par le passé, quand les mesures de relance avaient été retirées trop vite. »

Aussi, madame la secrétaire d'État, quelle réponse portera le gouvernement français, en particulier Mme Lagarde, au président américain à l'occasion du G20 de Toronto ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.- M. Guy Fischer applaudit également.)


Réponse du Secrétariat d'État chargé du commerce extérieur publiée le 23/06/2010

Réponse apportée en séance publique le 22/06/2010

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. Je tiens tout d'abord à préciser que la France a interdit les ventes à découvert à nu dès le mois de septembre 2008 et donc, s'il y avait un décalage par rapport à l'Allemagne, il était dans l'autre sens…

Cela étant dit, il est vrai, monsieur le sénateur, que chacun cherche le chemin, un peu étroit, il faut bien l'avouer, entre d'une part, la nécessité de consolider les finances publiques et, d'autre part, celle de ne pas saper les éléments les plus porteurs de la croissance.

La consolidation des finances publiques est apparue comme une nécessité dans divers pays, qui, hélas, comme la Grèce, mais aussi le Portugal et l'Espagne, ont connu des tensions persistantes sur les marchés de leur dette publique.

Dans notre cas, il s'agit de respecter les engagements que nous avons pris, en particulier celui de ne pas alourdir la charge de la dette et le coût du remboursement de celle-ci pour nos finances publiques, d'autant que cela aurait aussi pour effet de brider l'activité.

Vous le savez, les mesures d'économie que nous adoptons ont pour objet de préserver l'investissement – je pense en particulier aux dépenses d'avenir financées par l'emprunt -, mais en aucun cas de renoncer à tout ce qui peut améliorer notre compétitivité, et donc d'assurer le meilleur chemin de croissance à notre pays.

M. le président. La parole est à M. Michel Sergent, pour la réplique.

M. Michel Sergent. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, de cette réponse, mais je dois constater que nous ne sommes aujourd'hui qu'en position de réaction à la crise et non en situation de construction d'un système viable permettant à l'Union européenne de redevenir la zone de prospérité qu'elle a été.

Le Conseil européen aurait dû proposer des plans concrets pour une coordination économique qui repose enfin sur une solidarité européenne retrouvée. Ce n'est pas le choix qui a été fait, et encore moins celui de notre gouvernement ou du secrétaire général de l'Élysée, qui a annoncé dans le Financial Times la prise de nouvelles mesures d'austérité dès l'automne prochain.

M. Guy Fischer. Et même avant !

M. Michel Sergent. Pourtant, l'urgence est aujourd'hui de ne pas tuer dans l'œuf la faible croissance qui s'annonce.

Il faut donc établir un dosage entre politique de relance et consolidation budgétaire progressive qui permette de retrouver une croissance durable, accepter une restructuration des dettes de tous les États membres, en commençant par la Grèce, augmenter les ressources propres de l'Union européenne pour financer cette relance et les différents objectifs fixés.

Bref, une autre stratégie commune est possible, combinant stratégie d'investissement et soutien à long terme des finances publiques.

C'est le signal minimal qui peut être lancé aux citoyens européens, qui ne peuvent pas comprendre que c'est à eux de payer les conséquences de ces crises.

M. Guy Fischer. Voilà !

M. Michel Sergent. C'est bien de solidarité dont ils ont besoin !

Paul Krugman, prix Nobel de l'économie 2008, ne dit pas autre chose ces jours-ci lorsqu'il affirme qu'il est à la mode non plus de créer des emplois, mais d'infliger de la souffrance… (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

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