Question de M. BAYLET Jean-Michel (Tarn-et-Garonne - RDSE) publiée le 09/06/2010

Question posée en séance publique le 08/06/2010

Concerne le thème : La justice, le point sur les réformes

M. Jean-Michel Baylet. J'évoquerai à mon tour la loi pénitentiaire, qui devait enfin permettre l'application des principes les plus élémentaires du respect de la dignité de la personne humaine dans les lieux de détention et mettre fin à la situation intolérable dans laquelle se trouvent nos prisons, en termes notamment de surpopulation carcérale, d'insalubrité, de surreprésentation des pathologies mentales. Les maux qui affectent notre système carcéral en disent long sur l'état général de notre justice, qui apparaît comme l'une des pires d'Europe.

À l'origine, l'initiative du Gouvernement avait été favorablement accueillie. En effet, il était temps que les pouvoirs publics se saisissent de cette grave question. Cependant, nombre d'entre nous se sont, hélas ! rapidement rendu compte que l'application de cette loi ne changeait pas, en tout cas pas dans la mesure que nous souhaitions, la situation des personnes détenues, ni celle du personnel pénitentiaire.

Lors des débats, les parlementaires radicaux de gauche avaient formulé des réserves sur la renonciation au principe de l'encellulement individuel, la prise en charge psychiatrique, le droit à la formation, le régime disciplinaire ou celui des fouilles. Or la politique sécuritaire du Gouvernement n'a fait qu'alimenter les flux d'entrée dans les établissements pénitentiaires, sans que soit menée une véritable réflexion sur les actions de réinsertion. Cette politique, loin d'améliorer la situation, a été sévèrement critiquée par le Comité contre la torture des Nations unies au travers de ses observations présentées le 14 mai dernier.

Dans son dernier rapport, le contrôleur général des lieux de privation de liberté notait que « les personnes sortent rarement autrement que brisées ou révoltées ». Il stigmatisait au passage le fait que la sécurité soit devenue un prétexte pour étendre les limitations aux droits et aux libertés.

Madame le garde des sceaux, qu'avez-vous à répondre aujourd'hui à ces critiques, qui émanent d'autorités à la légitimité incontestable ? Quand allez-vous dépasser le stade des déclarations de bonnes intentions, pour mettre enfin notre droit pénitentiaire en conformité avec les valeurs de la République ?


Réponse du Ministère de la justice publiée le 09/06/2010

Réponse apportée en séance publique le 08/06/2010

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Monsieur Baylet, vous êtes un parlementaire trop expérimenté pour ne pas reconnaître que vos propos sont marqués par une petite pointe de mauvaise foi… (Sourires.)

En effet, la loi pénitentiaire a été votée il y a sept mois seulement, et vous demandez qu'elle produise immédiatement ses effets, s'agissant non pas de mesures simples, mais de programmes de construction !

Monsieur Baylet, depuis 2002, les programmes de construction pénitentiaire n'ont jamais été aussi importants. Plusieurs prisons sont ouvertes chaque année, ce qui nous permet de désengorger les établissements. De ce point de vue, le programme est tenu, et le Président de la République a décidé d'y ajouter 5 000 places supplémentaires.

J'ai effectivement pris des engagements, mais il convient d'être réaliste, car ce n'est pas du jour au lendemain que l'on peut créer suffisamment de places pour permettre un encellulement individuel, d'autant que la situation pénitentiaire varie selon les régions, certaines accusant une surpopulation carcérale, d'autres non. En tout état de cause, jamais autant n'a été fait.

En outre, il est faux de dire que le Gouvernement mènerait une politique sécuritaire qui augmenterait les flux d'entrée dans les prisons. Au contraire, le nombre de personnes détenues a sensiblement baissé au cours de ces dernières années.

De façon globale, en 2015, le nombre de places en détention devrait être au moins égal à celui des personnes incarcérées. Un encellulement individuel sera alors théoriquement possible.

Par ailleurs, d'autres mesures sont prises, que j'ai évoquées dans ma réponse à M. Lecerf. Trois décrets d'application seront publiés dans les prochaines semaines : les deux premiers, qui concernent exclusivement le domaine pénitentiaire, sont actuellement soumis au Conseil d'État et portent sur les droits et obligations des détenus, d'une part, et sur des dispositions relatives au personnel en matière de déontologie et d'usage des armes, d'autre part ; le troisième, dont la rédaction sera achevée dans les prochains jours, a trait à l'aménagement des peines. Nous avons procédé à de très larges concertations, ce qui explique qu'il ait fallu du temps pour aboutir.

Je rappelle enfin que nous venons d'inaugurer la première unité hospitalière spécialement aménagée pour accueillir des détenus présentant des troubles psychiatriques lourds. Une deuxième unité de ce genre sera mise en service en juin 2011.

Monsieur Baylet, dites-moi quel autre gouvernement a fait autant que nous pour améliorer la situation pénitentiaire !

M. Jean-Jacques Hyest. C'est vrai !

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Baylet, pour la réplique.

M. Jean-Michel Baylet. Madame la ministre d'État, vous êtes une politique suffisamment expérimentée pour savoir que si deux parlementaires, l'un de la majorité, l'autre de l'opposition, vous interrogent sur le même sujet, c'est que le problème est réel et profond ! (Sourires.)

J'ai reconnu que cette loi allait dans le bon sens, mais le fait que j'aie déclenché votre irritation tendrait à prouver que j'ai visé juste…

En effet, la situation pénitentiaire actuelle dans notre pays n'est pas satisfaisante ; c'est même l'une des plus mauvaises d'Europe, et elle ne correspond pas aux valeurs républicaines et démocratiques auxquelles nous sommes attachés. Il est donc nécessaire d'y remédier.

Vous avez lancé des projets : il est légitime que nous soyons impatients d'en voir les résultats, compte tenu de la situation de nos prisons et du temps qu'il faudra pour mettre en place des peines de substitution.

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