Question de Mme LE TEXIER Raymonde (Val-d'Oise - SOC) publiée le 27/05/2010

Mme Raymonde Le Texier attire l'attention de M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique sur la situation des salariés de l'entreprise Tréfimétaux de Dives-sur-Mer, exposés à l'amiante durant leur période d'activité.

Réunis au sein du « collectif amiante Tréfimétaux », les salariés dénoncent la non-application dans le département du Calvados de la directive 83/447/CEE du 19 septembre 1983 concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à une exposition à l'amiante pendant le travail.

Les salariés dénoncent également l'incompatibilité du taux d'incapacité permanente partielle (IPP) de 25 % qui leur est applicable avec la directive précédemment citée. En effet, les demandes d'indemnisation n'étant prises en compte qu'au-delà de ce seuil, l'application de ce taux se fait au détriment de nombreuses victimes et familles de victimes.

Enfin, le collectif demande, suite à l'annulation du précédent arrêté de classement du site de Tréfimétaux par la cour d'appel de Nantes pour non-défense de l'État, la prise d'un nouvel arrêté de classement ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante.

La situation difficile que vivent les salariés de l'entreprise Tréfimétaux est symptomatique des difficultés que connaissent les travailleurs victimes de l'amiante. Le dispositif actuel d'indemnisation se distingue par son inéquité. Cependant, alors que depuis plusieurs années, rapports et propositions de réforme se succèdent, aucun geste n'est fait par le Gouvernement pour lutter contre une telle injustice.

Pourtant, que ce soit l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), la Cour des comptes, le groupe de travail présidé par M. Jean Le Garrec ou le médiateur de la République, tous ont souligné les carences des dispositifs de préretraite (FCAATA) et du fonds d'indemnisation des victimes (FIVA). Les rapports du sénat (2005) et de l'Assemblée nationale (2006) ont travaillé sur une évolution des dispositifs de prise en charge des maladies liées à l'amiante et proposé des pistes d'action. Il est aujourd'hui plus que temps d'avancer concrètement sur ces questions.

Au-delà des statistiques et des chiffres, ce sont les vies de nombre d'hommes et de femmes, bouleversées par la maladie ou le décès d'un proche, qui sont en jeu. Les salariés victimes de l'amiante ont déjà payé un lourd tribut et ont mis beaucoup de temps à voir leur situation reconnue. Voilà pourquoi madame la sénatrice appelle le gouvernement à ne plus atermoyer sur cette question et souhaite savoir quelles seront les mesures prises afin de garantir les droits des salariés de l'usine Tréfimétaux.

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Réponse du Ministère du travail, de l'emploi et de la santé publiée le 14/07/2011

Le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a pris connaissance avec intérêt de la question relative aux revendications du collectif amiante de l'établissement Tréfimétaux situé à Dives-sur-Mer dans le Calvados. Le 23 décembre 2010, le Conseil d'État s'est prononcé sur le pourvoi en cassation formé par M. Jean-Pierre Rocard et le collectif des victimes de l'amiante Tréfimétaux à l'encontre de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 30 octobre 2008, qui a annulé l'arrêté d'inscription de cet établissement du 7 mars 2007 ainsi que le jugement du 5 février 2008 du tribunal administratif de Caen censurant le refus d'inscription de l'établissement Tréfimétaux sur la liste des établissements ouvrant droit au dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (CAATA). Le Conseil d'État a confirmé que les opérations de calorifugeage à l'amiante au sein de l'établissement Tréfimétaux n'ont pas été suffisamment significatives pour justifier son inscription sur la liste de ceux susceptibles d'ouvrir droit à la CAATA. En effet, le faible nombre de salariés employés pour effectuer de telles opérations, chiffre qui n'a pas été sérieusement contesté par M. Rocard et le collectif des victimes de l'amiante, n'a pas permis de regarder l'établissement Tréfimétaux comme ayant eu une part significative de ses activités consacrée au calorifugeage à l'amiante, sachant que l'inscription d'un établissement ouvre le bénéfice de l'allocation de CAATA à l'ensemble des salariés quel que soit le niveau d'exposition. Par ailleurs, le Conseil d'État a considéré que le degré d'exposition des salariés aux poussières d'amiante et l'existence de maladies professionnelles liées à l'amiante recensées dans un établissement ne sont pas, par eux-mêmes, de nature à justifier légalement l'inscription d'un établissement sur ladite liste. En conséquence, les voies de recours de M. Rocard et du collectif des victimes de l'amiante, visant à obtenir l'inscription de l'établissement Tréfimétaux sur la liste de ceux susceptibles d'ouvrir droit à la CAATA, sont désormais épuisées. L'arrêt du Conseil d'État ne remet pas en cause l'avantage individuel acquis au maintien de l'allocation de CAATA des anciens salariés de Tréfimétaux qui en bénéficient déjà. Toutefois, ceux qui n'ont pas obtenu à la date du 23 décembre 2010 une décision favorable au versement de cette allocation par la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Normandie (CARSAT, ex-CRAM) ne pourront pas se prévaloir, afin de bénéficier d'une telle allocation, de droits acquis au titre de l'arrêté d'inscription de l'établissement Tréfimétaux qui a été en vigueur avant son annulation par le juge. En outre, l'attention du Gouvernement a été appelée sur les conditions d'application de la directive 83/477/CEE et sur l'inscription de nouveaux cancers (colon, prostate et vessie) au sein des tableaux de maladies professionnelles n° 30 et n° 30 bis relatifs aux affections liées à l'amiante. La directive 83/477/CEE du 19 septembre 1983, modifiée à plusieurs reprises et codifiée par la directive 2009/148/CE du 30 novembre 2009 relative à la protection des travailleurs contre les risques liés à une exposition à l'amiante pendant le travail, concerne exclusivement les règles de prévention des expositions à l'amiante et non la réparation des maladies professionnelles liées à l'amiante. Cette directive a été intégralement transposée en droit français. Sur le plan de la réparation, une recommandation européenne (recommandation R. 2003-670 CE) et une recommandation internationale établie par l'Organisation internationale du travail (recommandation n° 194-2002) proposent, à titre indicatif, une liste de maladies professionnelles reconnues. Les cancers du colon, de la prostate, de la vessie ainsi que le cancer gastro-intestinal ne figurent actuellement dans aucune de ces deux listes. Bien que ces recommandations n'aient pas de valeur obligatoire pour les États, le gouvernement français s'attache à les prendre en compte. En effet, il convient de souligner que le système français de reconnaissance des maladies professionnelles permet la prise en charge de l'ensemble des cancers dus à l'amiante. D'une part, les personnes, ayant été exposées à l'amiante, victimes de cancers broncho-pulmonaires et de mésothéliomes, bénéficient de l'application du principe d'origine professionnelle en application des tableaux n° 30 et n° 30 bis de maladies professionnelles. D'autre part, les cancers qui ne sont pas inscrits dans les tableaux n° 30 et n° 30 bis (cancers du larynx, du colon, de la prostate, de la vessie et cancer gastro-intestinal notamment) peuvent être pris en charge au titre du système complémentaire de reconnaissance des maladies professionnelles créé en 1993. Ce système, fondé sur un examen individuel de la demande du salarié devant un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, permet d'indemniser des maladies qui ne sont pas mentionnées dans les tableaux s'il est établi qu'elles sont directement et essentiellement causées par le travail habituel de la victime et qu'elles entraînent un taux d'incapacité permanente d'au moins 25 % - ce qui est systématiquement le cas pour les cancers (alinéa 4 de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale). Enfin, le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, afin de prendre en compte les difficultés auxquelles sont confrontées les personnes sur lesquelles le président du collectif a attiré son attention, a personnellement écrit à chacun d'eux. À cette occasion, il leur a fait part des pistes possibles à examiner avec la CARSAT de Normandie sur le volet droit à la retraite et avec les responsables de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) et de Pôle emploi du Calvados, en vue de rechercher la solution la mieux adaptée à la situation individuelle de chacun d'entre eux.

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