Question de Mme GOULET Nathalie (Orne - UC) publiée le 13/05/2010

Mme Nathalie Goulet attire l'attention de M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique sur la situation des salariés de l'entreprise Tréfimétaux de Dives-sur-Mer et de Moulinex, exposés à l'amiante durant leur période d'activité.
Il existe une rupture d'égalité inadmissible entre les salariés victimes de l'amiante selon qu'ils ont ou non été reclassés.

Les rapports et les propositions de réforme se succèdent sans qu'aucune suite n'y soit jamais donnée. Les rapports du Sénat (2005) et de l'Assemblée nationale (2006) ont ouvert la voie à une évolution des dispositifs de prise en charge des maladies liées à l'amiante, non sans considérer d'ailleurs leur coût financier. L'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), la Cour des comptes, le groupe de travail présidé par M. Jean Le Garrec mais aussi le Médiateur de la République ont également souligné les carences des dispositifs de préretraite (FCAATA) et d'indemnisation des victimes (FIVA).
Cette situation ne peut plus durer, au regard des enjeux de cette indemnisation pour les salariés victimes de l'amiante et pour leurs familles qui, en Normandie tout particulièrement, ont payé un lourd tribut.
Elle lui demande donc de prendre sans tarder les dispositions nécessaires pour faire classer par arrêté les sites Moulinex et Tréfimétaux de façon à ce que les salariés soient indemnisés et non pénalisés.



- page 1184


Réponse du Secrétariat d'État chargé de la politique de la ville publiée le 30/06/2010

Réponse apportée en séance publique le 29/06/2010

Mme Nathalie Goulet. Madame la secrétaire d'État, l'Orne partage avec le Calvados la difficile qualification de « vallée de l'amiante ». Les salariés qui ont travaillé dans les entreprises Moulinex et Tréfimétaux sont en effet dans des situations extrêmement difficiles.

S'agissant du site Moulinex d'Argentan, la situation est délicate puisque les salariés ayant bénéficié d'un reclassement sont pénalisés par rapport à ceux qui ont été mis à la retraite au moment de la fermeture du site, ce qui, vous en conviendrez, est tout de même assez curieux.

L'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante s'élève à 1 100 euros pour un salarié ayant passé vingt-six ans sur le site d'Argentan et n'ayant pas accepté un reclassement à Bayeux, site fermé depuis. Elle n'est en revanche que de 434,45 euros pour un salarié ayant accepté ce reclassement, seule la dernière année d'activité étant prise en compte pour le calcul de l'allocation, sur la base du décret du 7 juillet 2000 qui crée une rupture d'égalité intolérable entre les salariés victimes de l'amiante.

La situation des salariés de l'entreprise Tréfimétaux est différente. Dans le département du Calvados, limitrophe de celui de l'Orne, la directive 83/447/CEE du 19 septembre 1983 n'est pas appliquée. Les salariés dénoncent par ailleurs l'incompatibilité du taux d'incapacité permanente partielle de 25 % qui leur est applicable avec cette directive, les demandes d'indemnisation n'étant prises en compte qu'au-delà de ce seuil.

Je vous fais grâce, madame la secrétaire d'État, de tous les détails. Quoi qu'il en soit, le Sénat a rendu plusieurs rapports au sujet de l'amiante, depuis déjà plusieurs années ; le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante s'est occupé du dossier, ainsi que le Médiateur de la République ; mon mari avait déjà déposé, le 4 décembre 1997, une question écrite sur le même sujet ; de très nombreux parlementaires ont interpellé le Gouvernement, par des questions orales, des questions écrites ou de simples lettres : j'ai moi-même adressé un courrier à Mme Bachelot. On ne peut pas laisser dans cette situation des salariés victimes de leur travail, puis de la rupture de leur contrat de travail !

Il serait grand temps de leur donner satisfaction, madame la secrétaire d'État, d'une part en prenant un nouveau décret, d'autre part en les rétablissant dans leurs droits.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville. Madame la sénatrice, votre question porte sur la situation des salariés des entreprises Tréfimétaux de Dives-sur-Mer et Moulinex, exposés à l'amiante, et sur la rupture d'égalité existant entre eux au regard du dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante.

C'est un sujet humainement très sensible.

L'entreprise Moulinex a vu six établissements de Basse-Normandie et trois de la région des Pays de la Loire inscrits sur la liste de ceux qui sont susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, l'ACAATA, et ce en vertu des arrêtés du 24 avril 2002 et du 25 mars 2003 modifiés. Les salariés qui ont été employés dans ces établissements au cours des périodes d'exposition relevées peuvent bénéficier de l'ACAATA, qu'ils aient ou non été reclassés dans d'autres entreprises par la suite, sous réserve néanmoins de remplir les conditions d'âge et d'ancienneté d'exposition.

Le cas de l'établissement Tréfimétaux de Dives-sur-Mer est plus complexe. En effet, la cour administrative d'appel de Nantes a, le 30 octobre 2008, annulé l'arrêté d'inscription de cet établissement. Un pourvoi en cassation de cet arrêt a été introduit par le collectif d'anciens salariés de cet établissement et il est en cours d'examen par le Conseil d'État. Depuis la date de cet arrêt, plus aucun salarié de cet établissement ne peut se prévaloir du dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, dit CAATA.

Comme vous le soulignez, cette situation révèle les difficultés concrètes d'application de ce dispositif. C'est la raison pour laquelle M. Xavier Bertrand, alors ministre du travail, a confié à M. Jean Le Garrec, le 20 décembre 2007, la présidence d'un groupe de travail devant expertiser des pistes de réforme au regard de trois principes : l'équité, la faisabilité et la soutenabilité financière.

Les pistes de réforme proposées dans le rapport de ce groupe de travail, remis le 24 avril 2008, sont riches et font l'objet actuellement d'un examen attentif par les services techniques concernés. À ce stade, l'objectif est de réfléchir à un système simple à mettre en œuvre. À l'instar de la préconisation de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur la prise en charge des victimes de l'amiante de novembre 2009, il consiste à croiser une liste d'établissements ayant exercé des activités particulièrement exposantes avec une liste de métiers fortement exposés dans le cadre de ces activités.

Un premier recensement des métiers exposant à l'amiante a été effectué dans différents secteurs, sur la base des métiers des six premières professions et catégories socioprofessionnelles du classement par risque de mésothéliome tiré du Programme national de surveillance du mésothéliome, le PNSM. Ce travail a été complété, d'une part, par l'inventaire des métiers référencés dans les dossiers d'inscription dans le dispositif de CAATA, quel que soit le sens de la décision dont ils ont fait l'objet et, d'autre part, par l'étude des métiers ayant donné lieu au plus grand nombre de maladies professionnelles reconnues.

Ce travail, lourd et complexe, doit permettre d'établir une liste de métiers fondée sur des critères justes qui nécessitent une grande connaissance des pratiques et des procédés mis en œuvre dans l'ensemble des secteurs d'activités.

Ces travaux nécessitaient d'être confortés en les complétant par une synthèse des connaissances scientifiques nationales et internationales sur les expositions professionnelles à l'amiante permettant d'identifier, à partir d'échantillons significatifs, les métiers ayant conduit à une forte exposition à l'amiante ainsi que les métiers dont l'exposition à l'amiante a été à l'origine du développement de maladies professionnelles.

Pour ce faire, l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail, l'AFSSET a été saisie, le 15 mai 2009, afin d'établir une revue de la littérature disponible sur ce sujet. Son rapport est attendu pour la fin de ce semestre.

Dès que le projet de liste de métiers sera stabilisé, il sera procédé à une évaluation des effectifs concernés afin d'estimer le coût prévisionnel lié à la réforme.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Je suis évidemment très touchée par cette réponse technique, mais, derrière les chiffres, il y a des hommes et des femmes. Il n'est pas nécessaire de dresser une liste des métiers exposés. Chez nous, la situation est simple : il suffit de classer certains établissements en sites amiantés.

S'agissant des statistiques, madame la secrétaire d'État, il faudra également veiller scrupuleusement à leur tenue ! En effet, avant que vos différents comités n'aient rendu leurs conclusions, nous aurons encore à déplorer de nombreux décès de victimes de l'amiante, qui, six pieds sous terre, n'auront jamais touché la moindre indemnité !

J'espère que vous en tiendrez compte en publiant le nouveau décret remplaçant le décret du 7 juillet 2000. Deux établissements, ce n'est tout de même pas la mer à boire ! Les anciens fondeurs d'Argentan ne sont qu'une centaine. Il est absolument inadmissible que leur situation ne soit pas réglée. Si l'on prend autant de temps pour définir les critères de pénibilité annoncés pour la réforme des retraites, madame la secrétaire d'État, je nous souhaite à tous bien du courage !

- page 5425

Page mise à jour le