Question de M. BIZET Jean (Manche - UMP) publiée le 21/05/2010

Question posée en séance publique le 20/05/2010

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean Bizet. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

La Commission européenne a annoncé, le 4 mai dernier, la relance des négociations commerciales avec le MERCOSUR, qui étaient suspendues depuis des années.

Cette annonce survient au pire moment pour l'agriculture européenne, qui traverse une crise particulièrement grave. Une hausse massive des importations de viande, qui serait la conséquence inévitable d'un accord, serait destructrice pour elle.

En outre, du point de vue des intérêts européens dans les négociations du cycle de Doha, cette annonce est particulièrement malvenue.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est la conséquence de la libéralisation !

M. Jean Bizet. Dans le cadre de ces négociations, la Commission européenne a déjà proposé, en juillet 2008, des concessions très importantes dans le domaine agricole, dont le MERCOSUR serait le principal bénéficiaire. Toutefois, ces concessions n'avaient de sens que dans la perspective de la conclusion du cycle de Doha par un accord à la fois équilibré et global. Et elles étaient, très clairement, la limite ultime de ce que l'Europe pouvait mettre sur la table.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qui signe ces accords ?

M. Jean Bizet. Il faut savoir que, dans le domaine agricole, l'Union européenne enregistre déjà un déficit commercial de plus de 20 milliards d'euros dans ses relations avec le MERCOSUR.

Il faut savoir également que les producteurs du MERCOSUR n'ont pas à respecter les mêmes normes que les agriculteurs européens en matière de sécurité alimentaire, de bien-être animal et d'environnement, et qu'ils en tirent un avantage comparatif totalement injustifié.

M. Charles Revet. Tout à fait !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qui a des intérêts dans ces pays ? Pas les salariés français !

M. Jean Bizet. Ma question, particulièrement cruciale après les réunions qui se sont tenues ces derniers jours sous présidence espagnole, est donc la suivante : est-il raisonnable de reprendre ces négociations ? Et si le Gouvernement, comme je l'espère, estime que tel n'est pas le cas, que compte-t-il faire pour que les intérêts agricoles de l'Europe ne soient pas sacrifiés, une fois de plus ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Roland du Luart. C'est une excellente question !


Réponse du Ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche publiée le 21/05/2010

Réponse apportée en séance publique le 20/05/2010

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, que, en ce moment, nous retrouvons avec plaisir chaque jour au Sénat, pour débattre d'un dossier important ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. Merci, monsieur le président !

Monsieur le sénateur, la position du gouvernement français, sous l'autorité de François Fillon, est claire : nous sommes opposés à la reprise des négociations commerciales entre l'Union européenne et le MERCOSUR. (M. Jean-Paul Virapoullé applaudit.)

Nous y sommes opposés parce que les exportations de produits agricoles, notamment de viande, en provenance des pays du MERCOSUR et à destination de l'Union européenne ont doublé en l'espace de cinq ans.

M. René-Pierre Signé. Et la préférence européenne ? L'Union est une passoire !

M. Bruno Le Maire, ministre. Nous y sommes opposés parce que, au moment même où l'Union européenne acceptait des importations supplémentaires de biens agricoles en provenance du MERCOSUR, certains pays de cet ensemble augmentaient leurs droits de douane sur les produits alimentaires en provenance de l'Union européenne.

Enfin, nous y sommes opposés parce qu'il n'y a aucune raison pour que l'Union européenne signe des accords avec le MERCOSUR avant que les négociations commerciales au sein de l'OMC soient conclues !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quelle logique !

M. Bruno Le Maire, ministre. C'est la raison pour laquelle, sous l'autorité du Président de la République et du Premier ministre, nous avons défendu cette position, au Conseil européen comme au Conseil des ministres de l'agriculture.

Voilà encore trois semaines, seuls deux pays, dont la France, étaient sur cette ligne. Lors du Conseil des ministres de l'agriculture qui s'est tenu lundi dernier à Bruxelles, il y en avait dix. Désormais, parmi les pays membres de l'Union européenne, nous sommes quinze à nous opposer à la reprise des négociations avec le MERCOSUR ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n'êtes donc pas un libéral ?

M. Bruno Le Maire, ministre. J'ai entendu les responsables d'un certain nombre de pays européens se féliciter de ce que la reprise de ces négociations entre l'Union européenne et le MERCOSUR puisse, dans un futur proche, bénéficier aux pays de cette zone. J'aimerais que l'Union européenne, avant de se préoccuper des intérêts des pays du MERCOSUR, se soucie de ceux de ses agriculteurs et de ses citoyens ! (Applaudissements sur les mêmes travées.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes donc pour un protectionnisme à géométrie variable !

M. Bruno Le Maire, ministre. J'aimerais que la production agricole cesse d'être systématiquement la variable d'ajustement des négociations commerciales en Europe ! (Très bien ! et applaudissements sur les mêmes travées.)

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