Question de Mme LABORDE Françoise (Haute-Garonne - RDSE) publiée le 21/05/2010

Question posée en séance publique le 20/05/2010

Mme Françoise Laborde. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi et concerne la très grave crise dans laquelle se trouve l'euro, notre monnaie et celle de quinze autres pays de l'Union européenne.

Hier encore, la monnaie unique a poursuivi sa chute : elle est descendue, en début de journée, au-dessous de 1,22 dollar, son plus bas niveau depuis avril 2006, à la suite de rumeurs se répandant chez des traders et selon lesquelles la Grèce envisageait de quitter la zone euro ou même l'Union européenne. Il a fallu un démenti formel du gouvernement grec pour voir l'euro remonter aux alentours de 1,23 dollar…

Sans dramatiser la situation, force est de constater que l'avenir et l'existence même de l'euro sont en jeu. Au-delà, c'est le sort des économies de toute la zone euro qui se joue, celui de nos industries, de nos emplois, de notre pouvoir d'achat.

Actuellement, les marchés financiers testent la solidarité européenne, la capacité de la zone euro à trouver une solution à la situation de la Grèce, pour éviter la contagion tant redoutée. Autant dire qu'ils sanctionnent, ni plus ni moins, l'absence de gouvernement économique européen. L'Europe est prise en défaut de coordination. Et la toute récente décision de l'Allemagne d'interdire les ventes à découvert montre, une fois de plus, le manque de cohésion de l'Europe.

Madame la ministre, qu'avez-vous finalement décidé, dans la hâte, avec vos homologues, mardi, à Bruxelles ? Pas grand-chose !

M. Didier Boulaud. Ils ont décidé de se revoir !

Mme Françoise Laborde. Vous avez livré quelques détails sur le dispositif de soutien, mais vous avez surtout loué les efforts de la Grèce, du Portugal et de l'Espagne pour l'adoption de plans nationaux de rigueur en vue d'assainir leurs finances publiques.

M. Didier Boulaud. C'est Juppé qui parlait de mauvaise graisse !

Mme Françoise Laborde. Mais ces méthodes appartiennent au passé. Pour réussir à surmonter cette crise de confiance sans précédent dans l'histoire de l'économie européenne, il nous faut inventer des solutions nouvelles. Il n'y a pas de remède miracle ! Mais la véritable solution de fond est connue : c'est la coordination des politiques économiques au sein de la zone euro.

Déjà en 2007, Yvon Collin et Joël Bourdin tiraient la sonnette d'alarme dans un rapport intitulé « La coordination des politiques économiques en Europe : le malaise avant la crise ? ». Madame le ministre, avez-vous lu ce rapport sénatorial ? Avez-vous lu son tome II, publié en 2009 ?

M. Didier Boulaud. Non !

M. Jean-Louis Carrère. Ce rapport-là est intéressant !

Mme Françoise Laborde. Pouvez-vous nous dire quelles solutions concrètes la France entend proposer pour faire évoluer, sans tarder, les institutions européennes en matière de gouvernance économique ?

En conclusion, je vous demande si vous partagez la position des sénateurs radicaux de gauche et, plus largement, du RDSE, qui appellent à une plus grande solidarité européenne et à une véritable politique économique commune. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste. – Mme Muguette Dini et M. Joël Bourdin applaudissent également.)

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Réponse du Ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi publiée le 21/05/2010

Réponse apportée en séance publique le 20/05/2010

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

M. Didier Boulaud. Voilà la croissance qui revient ! On l'appelle « Mme Croissance » ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Pendant le week-end du 7 au 9 mai, lundi soir, pendant la nuit, et mardi, nous avons travaillé sur ces questions. Les chefs d'État et de gouvernement, le Président de la République en tête…

M. Jean-Louis Carrère. Toujours en tête !

Mme Christine Lagarde, ministre. … durant la nuit du 7 mai,…

M. Didier Boulaud. Nous préférons celle du 4 août !

Mme Christine Lagarde, ministre. … ont manifesté tous ensemble la solidarité européenne, en particulier au sein de la zone euro, et notre détermination commune à défendre notre monnaie.

Qu'avons-nous fait ? Eh bien, nous avons tout simplement construit un fonds européen de stabilité financière, doté de garanties pour le montant non négligeable de 440 milliards d'euros et destiné à remédier à une défaillance dans la « maison euro » telle qu'elle a été bâtie il y a dix ans.

Figurez-vous que l'on peut, dans l'état actuel des choses, soutenir la Hongrie – pays hors zone euro – ou l'Ukraine – pays simplement voisin de l'Union européenne –, mais pas un pays membre, comme la Grèce,…

M. Pierre-Yves Collombat. Évidemment, c'était exclu !

Mme Christine Lagarde, ministre. … sauf à inventer quelque chose de nouveau. C'est ce que nous avons fait !

Pendant ces journées et ces nuits, nous avons donc construit ce fonds européen de stabilité financière, qui sera en mesure de soutenir des États en difficulté, en supplément du Fonds monétaire international, pour agir de concert, comme nous l'avons fait dans le cas de la Grèce.

Nous avons également débattu de la communication de la Commission européenne sur la meilleure gouvernance économique. Nous avons par ailleurs approuvé le projet de texte sur les hedge funds, les fonds alternatifs, à propos desquels l'Allemagne et la France ont une position commune, parfaitement alignée.

M. David Assouline. Incroyable !

M. Didier Boulaud. Cela mérite d'être souligné, c'est tellement rare !

Mme Christine Lagarde, ministre. Cela nous a permis de tenter de faire obstacle au principe du passeport européen, pour éviter que notre zone euro ne soit un champ de spéculation ouvert à tous les vents.

Vous m'interrogez aussi, madame Laborde, sur la question des ventes à découvert. Comme si l'on découvrait soudain que l'Allemagne ne fonctionne pas comme la France !

Je vous le rappelle, la France, depuis le mois de septembre 2008, interdit les ventes à découvert sur toutes les valeurs financières ! Autrement dit, l'Allemagne fait maintenant exactement ce que nous avons fait en septembre 2008.

M. Didier Boulaud. Nous sommes vraiment très forts ! Près de deux ans d'avance !

Mme Christine Lagarde, ministre. Dans notre pays, bien entendu, les ventes à découvert sur les valeurs financières restent interdites.

M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre. Concernant les ventes à découvert sur des valeurs correspondant à des dettes d'État souverain sur le marché secondaire, il faut une concertation supplémentaire.

Croyez-le bien, la solidarité au sein de la zone euro est forte et notre détermination à la maintenir et à défendre notre monnaie est absolument intacte ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'Union centriste.)

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