Question de M. DAUDIGNY Yves (Aisne - SOC) publiée le 07/05/2010

Question posée en séance publique le 06/05/2010

M. Yves Daudigny. Mesdames, messieurs les ministres, le Premier ministre a annoncé à demi-mot un plan de rigueur.

La question se pose d'autant plus : jusqu'où irez-vous dans l'injustice ?

L'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale confirme ce que nous constatons tous au quotidien : l'écart des revenus se creuse, la pauvreté augmente, tandis que l'INSEE souligne l'enrichissement des plus hauts revenus.

Surtout, ce rapport met en évidence l'impact des diminutions d'impôts sur la hausse des inégalités. Il montre qu'une partie de cet écart résulte directement des cadeaux fiscaux accordés aux plus aisés.

L'échec patent de votre politique fiscale est d'autant plus frappant que vous avez admis devant la commission des finances de l'Assemblée nationale l'augmentation sensible des expatriés fiscaux.

M. Didier Boulaud. Il n'y est pour rien, il vient d'arriver !

M. Yves Daudigny. L'inégalité de traitement est d'autant plus inacceptable que vous faites en réalité peser sur les plus fragiles, jusqu'aux accidentés du travail, 5 milliards de taxes nouvelles. Pour faire face à un déficit budgétaire de 149 milliards d'euros, vous entendez encore ajouter à l'injustice et à l'inefficience !

Vous accusez les collectivités territoriales de dépenses inconsidérées, dans la perspective de limiter leurs compétences et de réduire l'action publique. Le démenti est d'ailleurs sévère : « Simpliste et illusoire », vous répond M. Jamet.

Ce démenti vaut nécessairement pour la politique nationale de suppression de postes et de services publics.

À Bercy, on envisage maintenant de s'attaquer enfin aux niches fiscales après les avoir accordées en nombre ! Là encore, avec quelle envergure et quel projet ? Taxer les tickets restaurant et les chèques-vacances ?

Fin 2008, Mme Bachelot-Narquin s'opposait, dans le contexte d'alors, à « ce mauvais signal, qui risquerait de peser sur le pouvoir d'achat des salariés ».

M. Jean-Louis Carrère. Bien !

M. Yves Daudigny. Franchement, monsieur le ministre, le contexte s'est-il tellement amélioré, au point que les salariés le supporteraient aujourd'hui ?

Supprimerez-vous l'amendement Copé, cette disposition qui exonère les plus-values sur les ventes de filiales, ne crée pas d'emplois et coûte plus de 8 milliards d'euros par an au contribuable ?

M. Didier Boulaud. C'est vrai !

M. Yves Daudigny. Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour cesser de creuser le sillon des inégalités dans notre pays ?

M. Didier Boulaud. Des niches supplémentaires !

M. Yves Daudigny. Avant de vous entendre, en ce jour anniversaire…

M. Didier Boulaud. Bien triste ! Trois ans, c'est trop !

M. Yves Daudigny. … fêté par certains, et parce que la question sociale et le « vivre ensemble » demeurent le ciment d'un pays, permettez-moi de vous offrir un ouvrage qui est le symbole des utopies dans le département de l'Aisne. (L'orateur s'avance et offre un livre à M. le ministre. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

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Réponse du Ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État publiée le 07/05/2010

Réponse apportée en séance publique le 06/05/2010

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État. Monsieur le sénateur, je vous remercie pour cette documentation ; je serai très heureux de me rendre dans le département dont vous êtes l'élu.

J'ignore quel dictionnaire il faudrait consulter pour trouver le terme décrivant précisément ce que je viens d'entendre. Selon moi, le mot « démagogie » est sans doute ce qui se rapproche le plus de la bonne définition ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Alain Gournac. Oui ! Démagos !

M. Jean-Louis Carrère. Vous êtes experts en la matière !

M. René-Pierre Signé. Vous êtes nos maîtres !

M. François Baroin, ministre. En effet, ce fut la totale : tout y est passé ! Vous avez développé tous les poncifs de A à Z, poursuivant le « travail de lessiveuse » organisé par le parti socialiste contre un dispositif qui, il est vrai, s'est stratifié au fil du temps, mais que je pourrais vous justifier point par point.

Je pourrais vous répondre, par exemple, que le modèle français est profondément redistributif, ne vous en déplaise !

Prenons l'exemple de l'impôt sur le revenu. Sur 36 millions de foyers fiscaux, un peu plus de 15 millions seulement acquittent l'impôt, 500 000 contribuables assumant à eux seuls plus de 40 % de l'effort total. Si ce n'est pas de la redistribution, je ne sais pas ce que c'est ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Je pourrais également vous indiquer, monsieur le sénateur, que l'on prélève en moyenne 10 000 euros sur les 20 % de foyers les plus favorisés, c'est-à-dire ceux dont le revenu dépasse les 50 000 euros, pour les redistribuer aux 20 % de foyers les plus modestes, dont le revenu, qui devait être d'environ 7 000 euros, se trouve ainsi porté à plus de 10 000 euros.

Mme Nicole Bricq. Allez le dire aux plus démunis !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous allez nous faire pleurer sur les riches !

M. François Baroin, ministre. Je pourrais égrener la liste des dispositifs que nous avons créés. Nous en aurions ainsi la démonstration : vous êtes dans la démagogie, nous sommes dans la logique !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les écarts entre les riches et les pauvres se sont considérablement accrus !

M. François Baroin, ministre. Au milieu d'une crise puissante et violente, nous visons un juste équilibre entre la protection de la création de richesse et l'indispensable redistribution à ceux qui en ont le plus besoin ; la création du bouclier social, avec le RSA, offre un exemple supplémentaire de cette volonté.

J'en viens à la préparation de la loi de finances pour 2011 et au séminaire qui, animé par le Premier ministre, a réuni l'ensemble des ministres concernés. Monsieur le sénateur, la rigueur, ce serait l'augmentation des impôts. Or il n'y en aura pas ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Raymonde Le Texier. C'est une plaisanterie ?

M. François Baroin, ministre. Notre taux de prélèvements obligatoires, exprimé en points de PIB, est l'un des plus élevés parmi les pays développés ; dans ces conditions, il n'est pas question une seule seconde d'augmenter les prélèvements obligatoires. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Paul Raoult. Vous allez donc créer de l'endettement supplémentaire !

M. François Baroin, ministre. Dès lors, qu'allons-nous faire ? Nous allons faire en sorte que la situation française soit à ce point exemplaire que nous puissions être présents au rendez-vous que nous nous sommes fixé avec nos partenaires.

Cela signifie, il est vrai,…

M. Robert Hue. Des suppressions d'emploi dans la fonction publique !

M. François Baroin, ministre. … un effort de réduction des déficits de deux points l'année prochaine ; un total respect des engagements qui ont été pris dans le cadre de la loi de programmation triennale des finances publiques ; un effort sur les dépenses fiscales – et non pas sur les niches –,…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Supprimez les niches !

M. François Baroin, ministre. … à hauteur de 5 milliards d'euros au cours des deux années qui viennent ; des actions puissantes sur les trois sources de dépenses collectives que sont les dépenses de l'État, les dépenses sociales et les dépenses des collectivités locales.

M. Jean-Louis Carrère. Vous aggravez la situation !

M. Paul Raoult. Les générations suivantes devront payer !

M. Yannick Bodin. N'oubliez pas les exilés fiscaux !

M. François Baroin, ministre. Je pourrais aussi vous répondre, monsieur le sénateur, qu'il faut cesser de crier avant d'avoir mal.

Mme Raymonde Le Texier. Certains ont mal depuis longtemps ! Ce que vous dites est indécent !

M. François Baroin, ministre. Toutes les informations qui seront diffusées, ici ou là, dans les deux mois qui viennent, c'est-à-dire jusqu'à ce que le Premier ministre rende ses arbitrages et que le Président de la République fasse ses choix, seront autant de ballons d'essai, lancés pour alimenter certains débats.

Pour l'instant, aucune solution n'est privilégiée, aucune piste n'est favorisée.

Mme Raymonde Le Texier. Vous apprenez vite. Bravo !

M. François Baroin, ministre. Pour conclure, monsieur le sénateur, l'esprit de responsabilité qui nous anime est très éloigné de l'esprit de démagogie – ce mot m'a servi d'introduction, il sera également ma conclusion – qui a présidé à la rédaction de votre question. Mais je garde le livre ! (Sourires et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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