Question de M. ASSOULINE David (Paris - SOC) publiée le 26/05/2010

Question posée en séance publique le 25/05/2010

Concerne le thème : Pouvoir et médias

M. David Assouline. Monsieur le ministre, ma question porte sur un problème que nous soulevons régulièrement : dans notre pays, le paysage médiatique privé, non seulement celui de l'audiovisuel, mais également celui de la presse écrite, se concentre entre les mains de quelques grands groupes industriels, dont je vous épargnerai la liste.

La question de l'indépendance et de la liberté des médias vis-à-vis des pouvoirs, tant économiques que politiques, se pose de manière encore plus criante depuis que Nicolas Sarkozy est devenu Président de la République, car les patrons de ces différents groupes sont ses amis politiques.

De surcroît, pour ce qui concerne l'audiovisuel public, le Gouvernement et sa majorité ont mis en cause sa liberté en décidant de mettre fin à ce qui pouvait lui donner une certaine indépendance financière et de faire nommer les présidents des sociétés qui le composent par le Président de la République. Voilà pour l'état du paysage médiatique national !

Mes chers collègues, vous subissez également ce phénomène dans vos régions et vos départements avec la concentration entre les mains de quelques groupes de l'essentiel des titres de la presse quotidienne régionale, la PQR. Jusqu'à présent, l'existence de dizaines de titres était source de richesse pour la PQR, qui se caractérisait par son ancrage local. Ces titres subsistent, mais leur multiplicité masque mal le fait que les lignes éditoriales sont toutes les mêmes. En fait, tout cela est uniquement destiné à nous faire croire que nous avons le choix, alors que c'est le même message qui passe ! Voilà pour l'état du paysage médiatique régional !

M. le président. Veuillez poser votre question.

M. David Assouline. Monsieur le ministre, envisagez-vous d'inverser cette tendance qui est à l'œuvre depuis des années, mais qui s'accentue depuis quelques mois, à savoir la concentration toujours plus grande des médias entre les mains de quelques-uns ?

Envisagez-vous de permettre à des sociétés de presse de devenir indépendantes et de favoriser la création d'un statut européen, y compris pour celles qui ne diffusent que sur le Net ? Comment comptez-vous garantir l'indépendance, la liberté et le pluralisme des médias, que nous avons inscrits dans la Constitution ? Vous devez maintenant passer aux actes !


Réponse du Ministère de la culture et de la communication publiée le 26/05/2010

Réponse apportée en séance publique le 25/05/2010

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Monsieur le sénateur David Assouline, je voudrais m'écarter du caractère quelque peu fantasmatique de votre question afin de rappeler un certain nombre de principes.

La nécessité d'assurer la sauvegarde du pluralisme des courants de pensée et d'opinion est clairement « une des conditions de notre démocratie » et est, en droit, un « objectif de valeur constitutionnelle », comme le rappelle régulièrement le Conseil constitutionnel.

Notre législation est très complète. Les lois relatives à la presse et à la liberté de communication définissent un ensemble de règles limitant la concentration et assurant l'indépendance des médias. Ces règles sont d'ailleurs largement le fruit de décisions du Conseil constitutionnel.

En outre, la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République a renforcé ces garanties.

Dans un contexte technologique et économique particulièrement instable, nous avons fait le choix d'encourager le renforcement des entreprises du secteur des médias grâce à un cadre juridique adapté au développement de leurs économies. Si nous voulons que les entreprises françaises de médias puissent peser dans un marché mondial très ouvert, très concurrentiel et largement dominé par des acteurs anglo-saxons, elles doivent être confortées sur le marché national.

Pour que les groupes français de l'audiovisuel ou de la presse puissent un jour concurrencer des géants comme News Corporation, NBC Universal, Time Warner ou encore Google, ils doivent pouvoir s'appuyer sur des actionnaires solides et bénéficier de la plus grande souplesse ainsi que d'une totale sécurité juridique dans leurs opérations capitalistiques.

En tout état de cause, le bilan de l'état de la concentration en France n'a pas le caractère que vous décrivez. En fait, il est plutôt positif grâce à la diversité des titres, des éditeurs, des services et des acteurs du paysage médiatique français.

M. Jean-Jacques Mirassou. Il faut dire cela à Bolloré !

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour la réplique.

M. David Assouline. Monsieur le ministre, je laisse juges ceux qui suivent nos échanges ou qui en prendront connaissance. En tout cas, sachez que, pour nos concitoyens, cette concentration n'a rien de fantasmatique.

Ils constatent que, sous les différents titres de la PQR, ils lisent toujours à peu près la même chose.

Ils constatent que les chaînes de l'audiovisuel public sont certes de grande qualité, mais que leur indépendance vis-à-vis du pouvoir politique est de plus en plus limitée.

Ils constatent, pour peu qu'ils s'intéressent d'un peu près à ces questions, que quelques groupes – puisque vous me parlez de fantasmes, je vais les nommer : Bouygues, Lagardère, Bolloré – détiennent 80 % du paysage audiovisuel et des grands groupes de presse.

M. le président. Veuillez conclure.

M. David Assouline. Ce n'est pas du fantasme, c'est une réalité !

Je vous pose une question concrète : comment comptez-vous limiter ces concentrations, qui créent un désamour des médias de la part de l'opinion publique, voire qui les décrédibilisent ?

M. le président. Concluez !

M. David Assouline. Nous, nous voulons au contraire renforcer leur crédibilité, éviter la suspicion.

Monsieur le ministre, je vous demande d'agir. Ouvrez les yeux ! Sortez la tête du sable ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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