Question de M. ARTHUIS Jean (Mayenne - UC) publiée le 12/05/2010

Question posée en séance publique le 11/05/2010

Concerne le thème : La politique industrielle

M. Jean Arthuis. La politique industrielle est de retour, et nous nous en réjouissons, madame la secrétaire d'État. Les paroles que vous venez de prononcer sont agréables à entendre. Cependant, je voudrais vous rendre attentive à ce qui, à nos yeux, apparaît comme une contradiction dans notre système de prélèvements obligatoires.

Il est vrai que nous avons eu recours, au fil des décennies, à des prélèvements obligatoires pour financer le budget de l'État ou la protection sociale. Et c'est ainsi que nous avons mis en recouvrement des impôts que l'on peut qualifier d'« impôts de production ».

Cela ne posait pas de problème lorsque l'économie nationale était relativement étanche. Mais, dès lors que nous nous trouvons dans une économie globale et mondialisée, taxer la production, c'est organiser assez méthodiquement la délocalisation et la désindustrialisation.

On peut se réjouir du retour de trois emplois ici ou là, et considérer que la relocalisation est à l'œuvre. Mais ne nous méprenons pas : la force, la puissance dominatrice qu'exercent les constructeurs automobiles ou aéronautiques sur les sous-traitants est telle qu'ils sont obligés d'aller produire à l'étranger.

Alors, madame la secrétaire d'État, pouvons-nous enfin, devant les Français, organiser et faire vivre un débat sur les prélèvements obligatoires, et faire comprendre à nos compatriotes que, au fond, ce sont toujours eux qui paient les impôts ? Car, lorsque l'entreprise paie, l'impôt ainsi acquitté – les prélèvements pour cotisations sociales, destinés à financer les branches « santé » et « famille » – se retrouve dans le prix demandé au consommateur !

Sortons donc de cette illusion ; sortons de ce politiquement correct ; rompons avec ce tabou, et osons imaginer d'autres financements pour les branches « santé » et « famille » de la protection sociale. Les seuls impôts possibles sont soit des impôts de consommation – dans ce cas, les produits importés participent au financement – soit des impôts sur le revenu.

Pour ma part, je cherche un terme pour remplacer l'expression « TVA sociale » ; mais, madame la secrétaire d'État, il est urgent d'ouvrir ce débat si, en effet, nous voulons réindustrialiser la France. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et sur certaines travées de l'UMP.)


Réponse du Secrétariat d'État chargé du commerce extérieur publiée le 12/05/2010

Réponse apportée en séance publique le 11/05/2010

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. Je reconnais la ténacité du président de la commission des finances et retrouve ici des débats que nous avons déjà eus ensemble, à différents titres et en diverses occasions. Jean Arthuis sait qu'à titre personnel je ne suis pas loin d'être proche de ce qu'il préconise…

D'ailleurs, si l'on considère l'évolution de la fiscalité française depuis deux ans, il ressort que nous avons effectivement eu comme critère, comme objectif principal d'adapter cette fiscalité à la mondialisation.

Adapter notre fiscalité à la mondialisation, cela signifie œuvrer à la compétitivité de nos entreprises et faire en sorte qu'elles se portent vers l'extérieur ; cela signifie aussi renforcer l'attractivité de notre territoire lorsqu'il s'agit d'attirer des investissements, y compris internationaux, ou de garder des investisseurs français.

Le crédit d'impôt recherche est un bon exemple, à l'évidence. C'est aussi le cas de la suppression de la taxe professionnelle sur les investissements, qui tend à réduire un handicap de nos exportateurs et à attirer des investisseurs.

Dans le même ordre d'idées, je pourrais citer tout ce que nous faisons pour favoriser l'innovation : OSEO, dont il a été question tout à l'heure, ou encore, dans un autre domaine, l'assouplissement du cadre des trente-cinq heures.

Tout cela vise à nous adapter à la mondialisation.

Je pense que c'est là l'un des grands enjeux dégagés par les états généraux de l'industrie. Nous avons déjà commencé à y travailler en matière fiscale.

Cela a été dit, le sujet est bien l'adaptation de l'industrie de la France, mais aussi, d'ailleurs, de l'industrie européenne à la compétition avec l'étranger, notamment avec les pays émergents. Cela me paraît encore plus important, monsieur le président Arthuis, qu'à l'époque où vous aviez produit l'un des premiers rapports sur les délocalisations. (Applaudissements sur quelques travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis, pour la réplique.

M. Jean Arthuis. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de cette réponse et je souhaite que vous fassiez partager votre point de vue personnel par le Gouvernement…

Le Sénat travaille sur le crédit d'impôt recherche, et le rapport de notre collègue Christian Gaudin sera prochainement déposé.

Si le Gouvernement pouvait nous aider, en l'occurrence, si Mme Pécresse pouvait mettre à notre disposition les informations que nous attendons, nous gagnerions du temps.

Madame la secrétaire d'État, il est certes souhaitable de développer la recherche en France, mais, une fois que l'on passe au stade industriel, nous aimerions être certains que l'industrie ne va pas directement dans les pays émergents, ou bien en Europe centrale.

Nous devons en faire la vérification, car, s'il est bon d'avoir un crédit d'impôt recherche, encore faut-il que le processus industriel démarre ici, chez nous, pour créer de l'emploi.

Osons de même vérifier que certains dispositifs de crédit d'impôt recherche ne font pas l'objet d'externalisation, notamment de la part des constructeurs automobiles, ou de programmes de recherche qui se développent plutôt en Europe centrale, et non en France ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.- M. Jacques Berthou applaudit également.)

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