Question de M. BIZET Jean (Manche - UMP) publiée le 29/04/2010

M. Jean Bizet attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, sur les difficultés d'application du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme. En dépit de nombreuses tentatives de clarification depuis plusieurs années, on constate toujours que les notions d'agglomération, de village et de hameau posent régulièrement des problèmes de définition. En effet, dans les différentes réponses aux questions des parlementaires, il est fait référence aux traditions locales pour la définition des hameaux en précisant bien qu'aucune définition générale et nationale ne peut y être apportée. De même, la circulaire du 14 mars 2006 relative à l'application de la loi littoral a proposé une définition mais, en l'absence d'un texte réglementaire, les juges refusent d'appliquer ces définitions « purement interprétatives » et apprécient « en creux » ces notions essentielles de l'urbanisation en continuité prévues par le I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme. Aussi, les élus se retrouvent régulièrement dans des situations inextricables, d'autant que, dans le département de la Manche, les services de l'État font preuve d'une analyse souvent très restrictive. Comment qualifier par exemple un ensemble de 72 constructions qui dépasse le seuil défini pour les hameaux dans la circulaire du 14 mars 2006 mais qui ne comprend pas des « équipements collectifs administratifs, cultuels ou commerciaux » ? La circulaire indique également que l'agglomération serait d'une taille supérieure, ou encore de nature différente, pouvant renvoyer à une zone d'activité, un ensemble de maisons d'habitation excédant sensiblement la taille d'un hameau ou d'un village. Cela signifie-t-il que 72 maisons d'habitations peuvent être classées en agglomération ? Cela veut-il dire également qu'une zone d'activités de 10 entreprises peut être une agglomération ? Voici quelques illustrations des nombreuses interrogations que se posent en permanence les élus des communes littorales. Cette situation est génératrice d'une constante insécurité juridique dans l'élaboration des documents d'urbanisme. Il souhaiterait donc connaître les dispositions qui pourraient être prises pour vraiment clarifier l'application de la loi littoral.

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Réponse du Ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat publiée le 23/09/2010

La loi Littoral, votée en janvier 1986, a pour vocation d'encadrer le développement de l'urbanisation des zones côtières, dans un souci de protection de l'environnement et d'aménagement harmonieux. L'article L. 146-4-1 du code de l'urbanisme, applicable aux communes littorales, impose que les extensions d'urbanisation se réalisent en continuité des villages et agglomérations existants ou par la constitution de hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. Le concept de continuité avec les agglomérations et villages existants se réfère, en tout premier lieu, à la notion de continuité, exigence valable sur tout le territoire d'une commune littorale. La loi Littoral a entendu interdire à la fois les constructions isolées en rase campagne et la création en site vierge d'agglomérations nouvelles importantes, ou la greffe sur un petit groupe de maisons de telles agglomérations, ou encore des constructions trop éloignées des villages et agglomérations. Quant aux villages, petites agglomérations rurales, ils sont plus importants que les hameaux et comprennent ou ont compris des équipements ou lieux collectifs administratifs, culturels ou commerciaux, même si, dans certains cas, ces équipements ne sont plus en service, compte tenu de l'évolution des modes de vie. Dans certaines régions, l'habitude a été prise d'appeler « village » des regroupements de quelques maisons. Cependant, pour l'application de la loi Littorale, ces groupes de maisons doivent être considérés comme des hameaux. On entend par hameau un petit groupe d'habitations, pouvant comprendre également d'autres constructions, isolé et distinct du bourg ou du village. La notion d'agglomération, au sens de l'article L. 146-4-1 du code de l'urbanisme, ne pose pas de problème d'interprétation particulier : il résulte de l'énumération même « agglomérations, villages, hameaux » que le législateur a entendu viser toutes les urbanisations d'une taille supérieure ou de nature différente. Au sens de l'article L. 146-4, la notion d'agglomération peut concerner de nombreux secteurs : une zone d'activité, un ensemble de maisons d'habitation excédant sensiblement la taille d'un hameau ou d'un village, mais qui n'est pas doté des équipements ou lieux collectifs qui caractérisent habituellement un bourg ou un village, et bien sûr, une ville ou un bourg important. Ces dispositions sont volontairement interprétatives, pour qu'il puisse en être fait une application pertinente au cas par cas. Une définition unique des notions essentielles de la Loi Littorale n'est donc pas possible et la vigilance reste nécessaire quant à l'appréciation locale des situations en urbanisme opérationnel. Toutefois, le Conseil d'État a apporté, par sa jurisprudence, des précisions extrêmement utiles, qui sont autant de lignes directrices pour l'application de la loi. Il a ainsi décidé qu'en présence d'une directive territoriale d'aménagement ou d'un document en tenant lieu, la conformité d'une autorisation de construire avec la loi Littorale doit s'apprécier par rapport aux dispositions de cette directive qui précisent les modalités d'application de la loi, à condition toutefois que ces dispositions soient suffisamment précises et compatibles avec les dispositions de la loi (Conseil d'État, 16 juillet 2010, ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat - req. n° 313768). Le Gouvernement s'emploie, par ailleurs, à mieux expliquer les dispositions de la loi tout en veillant à faire évoluer la jurisprudence afin de concilier sécurité juridique et préservation du littoral. Une circulaire, datée du 14 mars 2006, a été adressée aux préfets pour préciser les notions essentielles relatives à l'application de la loi Littorale L'élaboration de schémas de cohérence territoriale (SCOT) peut contribuer à lever les difficultés éventuelles et à faciliter la lecture locale d'une loi pérenne. Le rapport de présentation du SCOT peut, par exemple, utilement se référer aux traditions locales pour définir les hameaux, notion centrale de la loi Littorale. Par ailleurs, si l'urbanisation est conforme à un SCOT, l'extension limitée de l'urbanisation n'est plus subordonnée à des critères de configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité de l'eau (cf. art. L. 146-4-II du code de l'urbanisme). De même, c'est à l'échelle d'un SCOT, qui concerne toute une fraction du littoral, que peut le mieux être apprécié l'équilibre entre les mesures assurant la protection des espaces agricoles et naturels et les projets d'aménagement. La plupart des décisions de justice qui ont annulé des permis de construire dans les communes littorales concernaient une opération particulière, qui ne s'inscrivait pas dans un projet d'ensemble de protection et d'aménagement. De nombreuses opérations ont été annulées dans ces conditions, alors qu'elles auraient pu être acceptées dans un cadre plus général (Conseil d'État, 27 juillet 2005, comité de sauvegarde du port Vauban, Vieille-Ville et Antibes-Est, req. n° 264336). En définitive, la loi Littorale reste un dispositif essentiel et adapté pour promouvoir l'aménagement intégré des zones côtières et le développement durable. Le Gouvernement ne souhaite pas revenir sur ses dispositions fondamentales mais est, bien sûr, favorable à la poursuite du dialogue avec les élus concernés.

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