Question de Mme DAVID Annie (Isère - CRC-SPG) publiée le 22/04/2010

Mme Annie David attire l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur l'impératif pour l'État de montrer une volonté exemplaire de sanctionner les auteurs de harcèlement moral et de violence au travail à l'heure où les partenaires sociaux négocient la mise en œuvre de l'accord cadre européen du 26 avril 2007 sur ce thème. Les garanties offertes à l'agent public victime d'actes de harcèlement moral ont été renforcées par le fait que, depuis la réponse - publiée au Journal officiel de la République française le 3 juillet 2008 - de M. le secrétaire d'État à la fonction publique à la question écrite 3765 de M. le sénateur Alain Gournac, l'agent public bénéficie de la protection fonctionnelle s'il subit au sein de son administration des actes qui permettent de présumer une situation de harcèlement moral. Dans la réponse, il est précisé que l'autorité administrative compétente « pourra également, le cas échéant, faire bénéficier l'agent d'une assistance juridique, de la prise en charge des frais d'avocat et des frais de procédure, s'il souhaite poursuivre l'auteur des faits en justice aux fins d'obtenir réparation de son préjudice et la condamnation de l'auteur des agissements. » L'article 222-33-2 du code pénal sanctionne d'une peine d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende le fait d'avoir commis des actes de harcèlement moral. La sanction paraît faible quand de tels actes peuvent conduire un salarié ou un agent public à se donner la mort. De plus, le délai d'instruction et de jugement peut se révéler dissuasif pour un homme ou une femme qui a subi des souffrances au plus profond de son intégrité personnelle et professionnelle. Ce délai est tout aussi dissuasif devant la juridiction administrative, alors même que les situations évoquées ne relèvent pas d'une particulière complexité juridique. En outre, en application de l'article 23 de la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000, le recours contentieux est précédé d'un recours administratif préalable. L'intervention du juge administratif est donc fort tardive. De plus, la procédure de référé par nature ne permet pas un jugement au fond qui lui peut intervenir plusieurs années après les faits. Dès lors, il paraîtrait opportun que les contentieux relatifs à des actes de harcèlement moral ou à des rejets de demande de protection fonctionnelle au motif de harcèlement moral soient jugés dans un délai de trois mois suivant l'enregistrement du contentieux.
Elle lui demande en conséquence de préciser l'action qu'elle compte mener pour rendre la justice plus efficace en matière de lutte contre le harcèlement moral et les violences au travail.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 26/08/2010

L'autorité judiciaire participe activement à l'amélioration du droit applicable à la lutte contre le harcèlement moral et la violence au travail, en concertation avec le ministère du travail. Les peines actuellement encourues au titre des infractions pénales en matière de harcèlement moral s'inscrivent dans une échelle graduée, des contraventions aux crimes, qui visent à réprimer des comportements en fonction de leur gravité, du risque causé ou du dommage généré. Le principe général de personnalisation des peines permet aux juridictions pénales de déterminer, dans la limite des peines maximales prévues par la loi, des sanctions proportionnées tant aux faits commis qu'aux caractéristiques de leur auteur. D'autres qualifications pénales de droit commun peuvent également trouver à s'appliquer en fonction des circonstances de l'espèce, notamment quand les faits commis conduisent au décès de la victime. Les faits de harcèlement moral donnent lieu à des enquêtes qui revêtent une importante dimension humaine, ce qui exige de mener des investigations poussées, notamment par le recueil de multiples témoignages en vue de corroborer les allégations du plaignant. Dans certains cas, la réalisation d'expertises psychologiques s'avère également indispensable à la caractérisation des infractions. Dans ces conditions, il n'apparaît pas possible d'enfermer ces investigations dans un délai contraint, ce qui risquerait de nuire à la qualité des poursuites et de limiter le nombre de condamnations prononcées. Le garde des sceaux veille toutefois à ce que les victimes soient accompagnées et soutenues tout au long de la procédure pénale. À cet égard, la circulaire générale de politique pénale du 1er novembre 2009 rappelle à tous les parquets l'importance de l'attention qui doit être portée aux victimes d'infractions. S'agissant des actions portées devant le juge administratif par les agents publics à l'encontre d'actes relatifs à leur situation personnelle, le principe de l'obligation du recours administratif préalable posé par l'article 23 de la loi n°2000-597 du 30 juin 2000 ne trouve à s'appliquer, en l'état actuel du droit, qu'au sein de la fonction publique militaire. En effet, les mesures réglementaires d'application de ces dispositions pour la fonction publique civile n'ont pas été adoptées à ce jour. En tout état de cause, l'exercice d'un recours auprès de l'administration, préalablement à une éventuelle saisine du juge, permet à celle-ci de réexaminer la situation de l'agent et, le cas échéant, de faire droit à sa demande si elle apparaît fondée. Cette procédure contribue ainsi, dans de nombreux cas, à un dénouement rapide de l'affaire, sans qu'il soit nécessaire pour l'agent de s'engager dans une procédure juridictionnelle. Par ailleurs, le délai de jugement des requêtes déposées devant les tribunaux administratifs est, en moyenne, compris entre sept mois et deux ans selon les juridictions et selon la nature et la difficulté des dossiers. L'instruction de toute requête nécessite un délai minimal incompressible, supérieur à trois mois. Ce délai s'explique notamment par le caractère écrit de la procédure et les exigences découlant du principe du contradictoire : celui-ci suppose de laisser le temps nécessaire aux échanges de mémoires, par lesquels chaque partie développe son argumentation et répond à celle de son adversaire. Enfin, il existe une voie de droit spécifique qui permet, le cas échéant, d'obtenir la condamnation de l'administration selon une procédure de référé : en effet, en vertu de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Cette procédure peut notamment être mise en oeuvre par tout agent qui estimerait que les faits de harcèlement moral dont il prétend avoir été victime engagent, à l'évidence, la responsabilité de l'administration.

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