Question de M. MASSON Jean Louis (Moselle - NI) publiée le 22/04/2010

M. Jean Louis Masson rappelle à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique les termes de sa question n°10718 posée le 29/10/2009 sous le titre : " Conditions d'attribution de l'allocation d'éducation spécialisée aux frontaliers travaillant en Allemagne ", qui n'a pas obtenu de réponse à ce jour. Il s'étonne tout particulièrement de ce retard important et il souhaiterait qu'il lui indique les raisons d'une telle carence.

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Réponse du Ministère du travail, de la solidarité et de la fonction publique publiée le 19/08/2010

Le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique a pris connaissance avec intérêt de la question relative sur les conditions d'attribution de l'allocation d'éducation spéciale (AES) aux frontaliers travaillant en Allemagne. Les mécanismes de coordination des systèmes de protection sociale mis en place dans le cadre de l'Union européenne (règlement CE n° 883/2004 du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale et remplaçant, à compter du 1er mai 2010, le règlement CEE n° 1408/71 du 14 juin 1971) prévoient qu'un citoyen couvert par ces mécanismes ne peut relever que d'une seule législation nationale de sécurité sociale, le critère principal permettant de déterminer cette législation étant le lieu d'exercice d'une activité professionnelle. Ce principe général est complété, en matière de prestations familiales, par des règles de priorité permettant d'éviter le cumul de prestations familiales en déterminant l'État prioritairement compétent pour verser des prestations, lorsqu'une même famille ouvre des droits en vertu de plusieurs législations. Les autres États versent, le cas échéant, un complément différentiel. Ainsi, un travailleur exerçant son activité dans un État membre ouvre droit, pour les membres de sa famille résidant dans un autre État membre, aux prestations familiales de l'État dans lequel est exercée cette activité. Dans le cas d'un frontalier résidant en France, travaillant en Allemagne, et dont le conjoint éventuel n'exerce pas d'activité professionnelle en France, l'Allemagne est prioritairement compétente pour verser des prestations familiales. La législation française peut toutefois intervenir à titre subsidiaire, en versant aux intéressés, conformément à l'article L. 512-5 du code de la sécurité sociale, une allocation différentielle, lorsque le montant de l'ensemble des prestations familiales étrangères est inférieur au montant de l'ensemble des prestations familiales françaises auxquelles ils ouvriraient droit si cette législation leur était applicable. L'objectif de cette disposition est donc de garantir un montant total de prestations équivalent à ce que percevrait la famille si l'allocataire travaillait en France et relevait à ce titre de la législation française. L'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH), qui remplace l'AES depuis le 1er janvier 2006, est une prestation de sécurité sociale dont l'objectif principal est de compenser les charges de famille supplémentaires liées à la présence d'un enfant handicapé dans le foyer. À ce titre, elle est considérée comme une prestation familiale au sens de la législation française et est visée à l'article L. 511-1 du code de la sécurité sociale. Elle est donc nécessairement prise en compte dans la comparaison entre les deux montants totaux de prestations familiales pour calculer celui de l'allocation différentielle éventuellement due. En d'autres termes, l'AEEH n'est pas versée, directement et pour son montant intégral, aux intéressés, sur la base de leur seule résidence en France. En outre, l'exclusion de l'AEEH du calcul de l'allocation différentielle serait contraire à la logique qui a présidé à la modification récente du mode de calcul de celle-ci (conformément au décret n° 2008-1384 du 19 décembre 2008, codifié à l'article D. 512-3 du code de la sécurité sociale), dont l'objectif était de renforcer les limites au cumul de prestations en incluant dans ce calcul différentiel des prestations familiales qui jusqu'alors étaient versées directement, pour leur montant intégral, aux intéressés, en sus des prestations étrangères versées par l'État prioritairement compétent. Par ailleurs, dans le cas présenté, les allocations familiales prévues par la législation allemande peuvent notamment être servies dans les cas où la famille assume la charge d'un enfant handicapé. La législation allemande prévoit donc bien une prestation familiale dans ce cas de figure. Elle prévoit par ailleurs des prestations de dépendance, qui peuvent être versées à des ayants droit et ce, soit sous forme de prestations en nature, soit sous forme de prestations en espèces. Or, au sens du règlement de coordination et de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), les prestations de dépendance constituent des prestations de maladie. Parmi ces dernières, les prestations en espèces sont, à l'instar des prestations familiales, « exportables », c'est-à-dire qu'elles peuvent être versées par l'institution de sécurité sociale de l'État compétent à une personne assurée et aux membres de sa famille même si ceux-ci résident sur le territoire d'un autre État membre. Par conséquent, le frontalier résidant en France et relevant à titre principal de la législation allemande en vertu de l'activité qu'il y exerce ne peut se voir opposer, de la part de l'État compétent (en l'occurrence, l'Allemagne), une condition de résidence pour le bénéfice des prestations de dépendance en espèces, dès lors qu'il en remplit les autres conditions. Il est vrai qu'une jurisprudence récente de la CJUE (arrêt du 18 octobre 2007, affaire C-299/05, Commission c/Parlement européen et Conseil de l'Union européenne) a qualifié de prestations de dépendance - et donc de prestations de maladie de longue durée au sens du règlement de coordination - les allocations de soins pour enfant handicapé finlandaise et suédoise. Néanmoins, aucune conséquence commune n'a à ce jour été tirée de cette jurisprudence par la Commission européenne et les États membres. Cependant, si, dans ce cadre, l'AEEH devait in fine être requalifiée en prestation de dépendance en espèces, en application conjuguée des deux exemples de jurisprudence précités, elle n'en conserverait pas moins les mêmes conditions d'attribution ainsi que le caractère « exportable » qu'elle a aujourd'hui en tant que prestation familiale.

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