Question de M. SERGENT Michel (Pas-de-Calais - SOC) publiée le 01/04/2010

M. Michel Sergent attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur la question du financement des dépenses de sûreté portuaire par l'État.

Le traité du Touquet, conclu entre la France et le Royaume-Uni le 4 février 2003, permet aux deux parties de créer des bureaux à contrôles nationaux juxtaposés dans les ports maritimes de la Manche et de la mer du Nord des deux pays, afin de faciliter l'exercice des contrôles frontaliers. Chaque État autorise ainsi ses agents à remplir leur mission sur le territoire de l'autre État.

En pratique, le Royaume-Uni a investi dans des infrastructures de sûreté portuaire en France, mais laisse les frais de maintenance et les frais liés aux personnels assurant le fonctionnement de ces infrastructures à la charge de l'État français.

Or, depuis 2008, les conseils régionaux se sont vus confier les ports maritimes de commerce.

Ainsi, le conseil régional Nord-Pas-de-Calais est désormais « propriétaire » des ports de Calais et de Boulogne-sur-Mer.
Il se retrouve donc obligé d'engager des dépenses de sûreté portuaire en augmentation constante du fait de l'intensification de la lutte contre l'immigration illégale et de la conscience accrue des menaces terroristes depuis une dizaine d'années.

L'État qui devrait assumer cette mission régalienne n'entend actuellement ni honorer ni financer les obligations de sûreté portuaire qui pourtant lui incombent. Cette position est d'autant plus étrange que l'État a remboursé la société Eurotunnel pour les frais de sûreté qu'elle avait engagés.

Ainsi, il lui demande quelles mesures compte prendre le Gouvernement pour assurer le financement de ces dépenses portuaires auquel cas il verra sa responsabilité engagée en cas d'atteinte à la sécurité publique.

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Transmise au Ministère de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration


Réponse du Ministère de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration publiée le 11/08/2011

L'article 30 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales (LRL) a prévu le transfert, au plus tard le 1er janvier 2007, des ports maritimes non autonomes de l'État aux collectivités territoriales ou groupements de collectivités volontaires. En application des modalités de calcul de la compensation financière dudit transfert, fixées aux articles 118 à 121 de la loi LRL, le montant alloué aux collectivités bénéficiaires est fondé sur la moyenne actualisée des dépenses précédemment consacrées par l'État, triennale en fonctionnement et décennale en investissement. Réunie en section plénière le 30 novembre 2006 et le 13 mars 2007, la Commission consultative sur l'évaluation des charges (CCEC) a respectivement examiné les modalités de compensation des charges transférées et approuvé à l'unanimité l'arrêté de compensation du 2 mai 2007. Cet arrêté fixe le montant de la compensation versée à la région Nord-Pas-de-Calais pour le transfert des ports de Calais et Boulogne-sur-Mer à 5 575 428 € en valeur 2006. Il convient de distinguer les dépenses de sûreté des ports de la Manche et de la mer du Nord, parmi lesquels Calais et Boulogne-sur-Mer, et les dépenses liées aux contrôles frontaliers de l'immigration. Concernant la sûreté des ports transférés, le code international pour la sûreté des navires et des installations portuaires, dit code « ISPS », définit un ensemble de mesures, précisées et élargies par le règlement 725/2004 et la directive 2005/65 du Parlement européen et du Conseil relatifs à l'amélioration de la sûreté des ports, et transposées en droit français par les articles L. 5332-1 et suivants du code des transports et R. 321-1 et suivants du code des ports maritimes. L'article L. 5332-4 dispose que : « Sauf lorsque des dispositions particulières justifient la mise en oeuvre par les services de l'État des mesures visant à assurer la sûreté du transport maritime et des opérations portuaires, ces mesures sont mises en oeuvre, sous l'autorité de l'État, par les exploitants d'installations portuaires, les compagnies de transport maritime, les prestataires de services portuaires, les organismes habilités au titre de l'article L. 5332-7, les employeurs des agents mentionnés au troisième alinéa de l'article L. 5332-6, les entreprises qui leur sont liées par contrat et les autres personnes autorisées à occuper ou utiliser les zones d'accès restreint, chacun agissant dans son domaine d'activité. » En outre, dans la plupart des pays européens, le financement des mesures repose sur les opérateurs et les autorités portuaires. Les articles R. 321-24 et R. 321-17 du code des ports maritimes précisent que l'exploitant de l'installation portuaire est chargé de prendre les mesures propres à assurer la sûreté de cette installation, tandis qu'il revient à l'autorité portuaire, en l'espèce la région Nord-Pas-de-Calais, de définir et de mettre en oeuvre les mesures de sûreté dans les emprises terrestres n'appartenant pas à une installation portuaire. Le financement par les opérateurs est cohérent avec les dispositions des articles L. 1332-1 et suivants du code de la défense. L'État assume sa part des missions qui lui incombent (renseignement, usage des forces d'intervention, évaluation de sûreté portuaire et des installations en tant que telles et audit). Il lui revient également de financer les dépenses des personnels de police aux frontières, des douanes, de la police ou de la gendarmerie nationales. Concernant les contrôles frontaliers de l'immigration, le traité franco-britannique du Touquet, conclu le 4 février 2003, prévoit la mise en oeuvre de contrôles frontaliers communs en permettant la création de bureaux nationaux juxtaposés. L'arrangement administratif signé entre les parties le 24 novembre 2003 définit les modalités d'action et leur financement en prévoyant notamment que « la partie britannique prête à la partie française des matériels de détection de présence humaine permettant de contrôler les véhicules de transport de marchandises, en assure le remplacement éventuel à son initiative, prend en charge la formation initiale des instructeurs et des personnels affectés à l'utilisation du matériel, la formation continue des instructeurs, la supervision de toute la formation continue, et les frais de maintenance liés à un usage normal des appareils ; la partie française s'engage quant à elle à assurer l'exploitation de ces matériels de détection et à prendre en charge les dépenses d'équipement, d'entretien et d'amélioration des abords du site et des embranchements, les dépenses de fonctionnement nécessaires à la mise en oeuvre des matériels. » Pour le port de Calais, la Chambre de Commerce et d'industrie assume les dépenses revenant aux autorités françaises en vertu du traité du Touquet. Ces dépenses sont essentiellement constituées de masse salariale. Si pour le port de Boulogne-sur-Mer, les charges étaient supportées par la CCI de Boulogne-Côte d'Opale (désormais fusionnée avec celle de Calais), notamment celles relatives à la réalisation des équipements dédiés aux contrôles d'immigration, jusqu'en septembre 2010, la suppression des liaisons transmanche entre la France et la Grande-Bretagne sur le port de Boulogne a rendu inopérants les dispositifs franco-britanniques et par-là même supprimé tout besoin de financement à ce titre. Le dispositif mis en place par le traité du Touquet a été complété par l'accord d'Evian signé le 6 juillet 2009, lequel met en place des technologies avancées (scanner contre les trafics illicites, cellule conjointe de renseignement...) pour renforcer la sécurité de la frontière commune. Si les équipements lourds ont été essentiellement financés par le Royaume-Uni, l'État français supporte, notamment, les coûts salariaux liés à l'armement du scanner expérimental par du personnel des douanes. Mais cette expérimentation s'est achevée en juin 2011 et ne sera pas reconduite dans l'immédiat, tout au plus sera-t-elle reconsidérée dans le cadre du projet Calais-Port 2015. Enfin, il convient d'indiquer qu'aucune compensation financière de l'État n'a été accordée à Eurotunnel pour des dépenses de sûreté. La seule indemnisation qui a été accordée au concessionnaire du tunnel sous la Manche, sur la période 2003-204, découle des événements du camp de Sangatte qui ont généré des coûts de sûreté disproportionnés pour Eurotunnel. En application des dispositions du contrat de concession, Eurotunnel avait sollicité un arbitrage international qui a conduit à la reconnaissance de la responsabilité des États français et britannique en la matière et a débouché sur le versement par l'État français de 24 M€ et par l'État britannique de 8 M€ au concessionnaire. Au total, les dépenses dues au titre de l'application des accords franco-britanniques ne sont pas prises en charge par les régions. S'agissant des autres dépenses, le transfert des ports maritimes à la région Nord-Pas-de-Calais étant compensé financièrement dans le respect des principes généraux de compensation, et les missions de l'État et des autres acteurs en matière de sûreté portuaire étant définies dans le code des transports et le code des ports maritimes, il n'y a pas lieu de prendre de nouvelles mesures de financement des dépenses d'immigration ou de sûreté portuaire pour Calais et Boulogne-sur-Mer.

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