Question de M. BOYER Jean (Haute-Loire - UC) publiée le 29/04/2010

M. Jean Boyer appelle l'attention de M. le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État sur la nécessaire simplification administrative de notre État. En effet, les gouvernements se succèdent et cherchent régulièrement à réformer l'État. On le voit bien dans l'architecture gouvernementale de ces dernières décennies entre les ministres de la fonction publique, de la réforme de l'État et de l'aménagement du territoire, les ministres de la fonction publique et des réformes administratives, les secrétaires d'État chargés de la réforme de l'État, voire de la modernisation de la fonction publique… L'État souhaite se renouveler et s'adapter aux exigences de notre société. Est-ce un vœu pieu ? Devant cette nécessaire adaptation, il n'est point de réforme qui engage véritablement l'État vers les chemins de la simplification, l'éloignant de la surproduction législative et réglementaire. En effet, l'adage bien connu « trop de loi tue la loi » pourrait être décliné à tous les étages de notre administration entre les nombreuses directives, les divers règlements, la multitude de circulaires, les innombrables arrêtés sans oublier tout naturellement la lenteur des décrets d'application… Dans notre contexte normatif, la loi n'est plus visible ; elle n'est plus lisible car elle s'imprime sur une multitude de textes, un enchevêtrement de normes mais aussi un formatage en règle au travers des décrets d'application. Ils viennent dénaturer, voire contredire le texte même de la loi en lui apportant des contraintes, des limitations voire des superpositions de règlements. De cette manière, la loi subit les pondérations d'une sur-administration qui, bien souvent, vient interpréter la loi pour lui donner un tout autre sens. Quel intérêt ? Cette gesticulation administrative est facteur de complication. Il lui demande s'il est raisonnable de passer plus de temps à interpréter la loi avec la rédaction des décrets d'application qu'à s'imprégner de la lecture même du texte. Il aimerait connaître de quelle manière, aujourd'hui, le Gouvernement entend-il répondre à cette attente de simplification, de réforme, de transparence et de clarification afin de préparer véritablement nos territoires, nos collectivités, comme notre société sur les chemins de la revitalisation. La seule révision générale des politiques publiques suffira-t-elle à enrayer cette inflation normative?

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Réponse du Ministère de l'outre-mer publiée le 02/06/2010

Réponse apportée en séance publique le 01/06/2010

M. Jean Boyer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, constatons ensemble que l'indispensable simplification administrative ne progresse pas. Nous pouvons même très objectivement admettre qu'elle recule, car, nous le savons tous, qui n'avance pas recule.

En effet, une partie de notre administration cherche trop souvent à s'abriter sous des parapluies, lesquels deviennent des obstacles excluant toutes les solutions, même les plus légales. Comme l'on veut trop se couvrir, laver plus blanc que blanc, involontairement, on complique, on rallonge et, surtout, on décourage. Ce découragement est tel aujourd'hui qu'il touche le besoin de répéter, d'écrire, de crier ce constat.

Les décrets d'application dénaturent les lois. Les circulaires rendent souvent ces dernières illisibles. Notre société perd ses valeurs, mais elle perd aussi une force, celle que lui donneraient sa simplicité administrative, son bon sens, son réalisme.

Pour être efficaces et bien suivies, les directives doivent être claires. Or, les millefeuilles administratifs d'hier se démultiplient et deviennent aujourd'hui autant de constitutions spécifiques.

Les gouvernements se succèdent et, avec eux, les déclarations de circonstance. Néanmoins, madame la ministre, veut-on vraiment réformer pour simplifier ?

Les chemins de la simplification débouchent trop souvent sur des sentiers à débroussailler, sans aucun résultat à la clé. Le contexte économique est difficile, voire très difficile, et les solutions sont rares. C'est la loi du plus fort, celle de la jungle. Dans le domaine administratif, ne sommes-nous pas face à une forêt équatoriale, une véritable jungle administrative ?

Reconnaissons que nous aussi, parlementaires, devons accomplir un effort en ce sens. Soyons certains que tous les Français, qui sont souvent déroutés, seraient unanimes à approuver cette nouvelle feuille de route.

Pour terminer, madame la ministre, je ne ferai qu'évoquer le problème des retards, remarquant simplement que les décrets successifs se contrarient parfois, l'un n'étant pas encore né tandis que l'autre est embryonnaire.

Je vous serais reconnaissant de nous dire votre sentiment sur ce problème, ainsi que les mesures qui sont envisagées.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, Je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser M. François Baroin, qui, ne pouvant malheureusement être présent ce matin au Sénat, m'a chargée de vous répondre.

L'instabilité normative et la dégradation de la qualité de la norme sont des maux auxquels des réponses sont apportées ces dernières années.

Les conditions d'élaboration des normes nouvelles ont connu d'importantes évolutions, que la révision constitutionnelle de 2008 est venue amplifier. Les délais d'application des lois se sont beaucoup améliorés au cours de la présente législature, et l'action du Gouvernement est tout aussi résolue en matière de simplification de la réglementation en vigueur.

Ces progrès tangibles sont constatés par l'OCDE dans le rapport sur la gouvernance réglementaire en France qu'elle vient de rendre public.

La révision constitutionnelle de 2008 a donné au Parlement de nouvelles prérogatives qui lui permettent d'ores et déjà d'affirmer son contrôle sur la qualité des lois en préparation et de trouver un nouvel équilibre entre ses travaux législatifs et ses attributions de contrôle de l'activité gouvernementale, notamment au travers des études d'impact qui aident à apprécier la nécessité de l'intervention de règles nouvelles.

Ces études, rendues publiques, constituent l'un des outils majeurs des politiques mises en œuvre pour améliorer la qualité de la législation et de la réglementation. Dans le même esprit, il est à souligner que l'anticipation des incidences des réformes réglementaires pour les collectivités territoriales a beaucoup progressé.

Par ailleurs, la commission consultative d'évaluation des normes créée par la loi de finances rectificative du 25 décembre 2007 fait un remarquable travail d'examen de l'impact financier des mesures réglementaires concernant les collectivités territoriales et leurs établissements, et de l'impact technique et financier des propositions de textes communautaires sur les collectivités territoriales et leurs établissements.

Un double principe de transparence et d'obligation de résultat régit, sous cette législature, les travaux du Gouvernement dans l'application des lois, selon la procédure fixée par une circulaire du Premier ministre de février 2008.

Le Parlement est régulièrement destinataire de bilans actualisés, tandis que les citoyens peuvent suivre cette application par des tableaux de bord mis en ligne sur le site de Légifrance. Le Sénat a lui-même relevé la nette amélioration constatée dans ce domaine depuis le début de la législature.

Enfin, depuis 2003, le Gouvernement s'est engagé dans un vaste programme de simplification, se traduisant par l'adoption de deux lois de simplification en 2007 et 2009 qui ont permis l'abrogation de plusieurs centaines de lois obsolètes, allégeant ainsi significativement le volume de notre corpus législatif. Ce travail se poursuit puisqu'une nouvelle proposition de loi de simplification du droit a été adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale le 2 décembre 2009.

Rendre un service public plus efficace, mieux adapté à la réalité des usagers et de plus grande qualité est l'une des priorités de l'action que le Gouvernement a engagée dans le cadre de la révision générale des politiques publiques.

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.

M. Jean Boyer. Madame la ministre, votre réponse a été conforme à nos souhaits, c'est-à-dire empreinte de clarté et de volonté. Et l'on dit bien que, quand il y a une volonté, il y a un chemin !

Je regrette qu'une ministre jeune et appréciée comme vous reçoive ce matin le message d'un ancien élu qui fait du « réchauffé ». C'est en effet, du réchauffé : le problème est lancinant depuis des décennies, quel que soit le Gouvernement ! Or, vous avez bien montré que l'État prenait cette situation en considération, et je vous en remercie. C'est parfois à force de frapper à la porte que cette dernière s'ouvre ! Il y a certes des normes, comme vous l'avez très bien dit, mais l'application des normes doit être menée elle aussi avec bon sens. Quoi qu'il en soit, je vous remercie d'avoir apporté ce message réconfortant.

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