Question de M. BOTREL Yannick (Côtes-d'Armor - SOC) publiée le 22/04/2010

M. Yannick Botrel attire l'attention de Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur la situation particulièrement anormale vécue par certains des laboratoires départementaux d'analyse. Les conseils généraux y ont investi des moyens financiers importants ces dernières années pour les rendre plus performants et ils sont désormais accrédités COFRAC ISO 17025.
Or la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a invité l'ensemble des directions départementales de la protection des populations à confier gratuitement leurs analyses relatives aux plans de surveillance et plans de contrôle des denrées alimentaires aux établissements des services communs des laboratoires.
Cela est vécu par les laboratoires départementaux d'analyse comme une concurrence déloyale. C'est remettre en cause les investissements coûteux qui ont eu lieu dans les laboratoires départementaux qui ont déjà eu à pâtir de l'ouverture au secteur privé du contrôle sanitaire des eaux puisque cela a conduit à la fermeture d'une dizaine de laboratoires départementaux en quelques mois. Cette concurrence nouvelle entre laboratoires de l'État et départementaux risque encore une fois de porter un coup préjudiciable à l'avenir des laboratoires départementaux d'analyse.
Il lui demande donc de veiller à ce que les laboratoires départementaux d'analyse puissent mener à bien leur mission sanitaire et, par conséquent, de clarifier la position de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

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Réponse du Ministère de la santé et des sports publiée le 02/06/2010

Réponse apportée en séance publique le 01/06/2010

M. Yannick Botrel. Madame la ministre, je tiens à vous faire part de la situation particulièrement difficile vécue par les laboratoires départementaux d'analyse, les LDA, dont les missions sont sans cesse réduites.

Récemment, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, ou DGCCRF, a invité l'ensemble des directions départementales de la protection des populations à confier les analyses relatives aux plans de surveillance et de contrôle des denrées alimentaires aux établissements du service commun des laboratoires, ou SDC, dépendant de l'État. Ces prestations analytiques seraient fournies gratuitement.

Il va de soi que cette situation est vécue par les laboratoires départementaux d'analyse comme une mesure particulièrement injuste.

Après avoir ouvert le marché de l'analyse de l'eau à la concurrence, ce qui a conduit à la fermeture d'une dizaine de laboratoires publics en quelques mois, voilà qu'aujourd'hui l'État retire aux LDA la gestion des plans de surveillance et de contrôle des denrées alimentaires. Ces décisions unilatérales ne prennent pas en compte leur large expertise en ce domaine.

Il s'agit, par ailleurs, d'une remise en cause de tous les investissements financiers lourds que ces laboratoires ont supportés. La situation est d'autant plus contradictoire que lesdits financements sont issus des budgets des conseils généraux, donc d'investissements publics.

Madame la ministre, quelle finalité recherche-t-on en opposant ainsi laboratoires nationaux et laboratoires départementaux ? Quel motif justifie cette décision, défavorable à ces derniers ?

Vous en conviendrez, la concurrence entre laboratoires de l'État et laboratoires départementaux risque de porter un coup préjudiciable à l'avenir des seconds.

Il est pourtant important pour les citoyens et les consommateurs de disposer d'organismes fiables et indépendants. Imaginez ce qui nous attend si l'on ne cesse de dépouiller les LDA de leurs missions historiques !

Il serait souhaitable de revenir à un équilibre plus satisfaisant au profit des laboratoires départementaux d'analyse afin que ces derniers puissent mener à bien leur mission sanitaire. À cet égard, les états généraux du sanitaire ont reconnu le rôle précieux des laboratoires départementaux, qu'ils considèrent comme l'un des quatre acteurs principaux pour gérer la politique de santé animale et sanitaire, au service de la population.

Je vous demande donc, madame la ministre, de clarifier la position de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes s'agissant du marché des plans de surveillance et de contrôle.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Monsieur le sénateur, depuis la décentralisation, les laboratoires départementaux d'analyse sont rattachés aux conseils généraux et subventionnés par ceux-ci, quoique certains soient devenus des établissements publics à caractère industriel et commercial. Le maillage territorial est dense puisque l'on compte quasiment un laboratoire par département.

Les LDA mettent leurs services à la disposition de l'État, en particulier du ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, de collectivités et d'établissements publics – services départementaux de la protection maternelle et infantile, directions de la solidarité départementale, mairies, syndicats intercommunaux, crèches, écoles, hôpitaux – et de clients privés – industriels de l'agroalimentaire, restaurateurs, artisans, producteurs fermiers. La santé animale constitue, et de loin, la plus importante charge de travail de ces laboratoires départementaux d'analyse, qui interviennent aussi en microbiologie alimentaire.

Rattaché conjointement à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et à la direction générale des douanes et droits indirects, le service commun des laboratoires résulte de la fusion, au début de 2007, de leurs réseaux de laboratoires respectifs.

Le service commun des laboratoires analyse ainsi les échantillons de produits alimentaires et non alimentaires prélevés dans le cadre des plans de surveillance et de contrôle ou d'enquêtes ponctuelles de la DGCCRF, au titre de ses missions de qualité-sécurité et de loyauté économique ou consumériste. Il assure en outre le contrôle analytique des produits au niveau de l'importation et du dédouanement. Les laboratoires du SCL sont accrédités en vertu d'une norme qui spécifie les exigences de qualité et de compétence propres aux laboratoires d'essais et d'analyses. Ces contrôles ne sont pas facturés aux services de l'État mentionnés ci-dessus.

Dans le cadre de la réforme de l'administration territoriale de l'État, avec la création, le 1er janvier de cette année, des directions départementales chargées de la protection des populations, le SCL continue à apporter des solutions à ces nouvelles structures, pour optimiser leur fonctionnement à moindre coût et contribuer ainsi à rationaliser les procédures administratives.

Répondant aux sollicitations des directions départementales de la protection des populations sur ces conditions tarifaires et face à l'impossibilité de faire la distinction entre des agents à présent réunis dans une même unité administrative territoriale, qu'ils soient issus de la DGCCRF ou de la direction générale de l'alimentation, ou DGAL, le SCL a proposé à titre provisoire, pour 2010, d'étendre à tous les agents de la direction de la protection de la population la gratuité des analyses qui lui seront demandées.

Cette disposition provisoire doit donner lieu à un suivi permettant de mesurer réellement les besoins analytiques des services, afin de préparer de façon concertée les actions pour 2011 soumises à analyse et d'apprécier les moyens budgétaires correspondants.

Les efforts consentis par les LDA ne sont pas remis en cause par cette proposition. En effet, les domaines de compétence du SCL sont complémentaires des LDA, ainsi, d'ailleurs, que leurs champs d'accréditation respectifs. Les domaines communs aux deux réseaux de laboratoires représentent une infime partie de l'activité des LDA, ce qui ne saurait remettre en cause l'équilibre global de fonctionnement de ces LDA compte tenu du caractère multiple de leur clientèle, que je viens de décrire.

Je le répète, le dispositif de gratuité mis en œuvre cette année n'est donc absolument pas de nature à mettre en difficulté les LDA. Des discussions régulières se déroulent entre les services afin d'aboutir à une gestion équilibrée des activités analytiques permettant de concilier efficacité administrative et compétence technique des laboratoires.

M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel.

M. Yannick Botrel. Madame la ministre, certains faits vont cependant à l'encontre des propos que vous venez de tenir : en l'espace de deux années, un peu plus de vingt laboratoires publics ont en effet fermé leurs portes dans toute la France, et le maillage dense qui a existé a tendance à s'étioler.

La perte d'activité générée par le transfert des analyses, que vous pouvez certes considérer comme marginale, pèse en réalité de façon significative dans l'équilibre budgétaire des laboratoires. À cela s'ajoute la perte de recettes sur le marché des analyses d'eau qui étaient effectuées pour le compte des DDASS, les directions départementales des affaires sanitaires et sociales. Les laboratoires sont en outre soumis, s'agissant d'autres missions, à la forte pression de la concurrence des laboratoires privés. C'est ainsi, mais c'est également une réalité.

Évidemment, on essaie de faire face à cette situation en rationnalisant le fonctionnement des laboratoires départementaux, mais on se trouve alors confrontés à une situation paradoxale : d'un côté, l'État demande à ses laboratoires publics, qui dépendent des conseils généraux, de maintenir des équipements de veille, en particulier des laboratoires de type P3 ainsi que des équipes de techniciens et de vétérinaires dont la compétence est largement reconnue ; d'un autre côté, il n'y a aucune reconnaissance sur le plan financier.

Un certain nombre d'épisodes, que ce soit l'ESB ou encéphalopathie spongiforme bovine, la fièvre aphteuse ou la grippe aviaire, plus récemment, ont montré toute l'utilité de maintenir ces équipements.

Par conséquent, il y a là un vrai problème qui se traduit en tout cas dans les faits par les fermetures dont j'ai parlé. Compte tenu de l'utilité des laboratoires départementaux, l'État devrait se pencher sérieusement sur les partenariats qui existaient jusqu'ici et qui ont désormais tendance à disparaître – je le répète avec force –, au détriment des laboratoires publics départementaux qui ferment leurs portes.

M. Roland Courteau. Très bien !

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