Question de Mme PAYET Anne-Marie (La Réunion - UC) publiée le 15/04/2010

Mme Anne-Marie Payet attire l'attention de Mme la ministre de la santé et des sports sur la mortalité maternelle en couches en France.

Au début des années 80, les enquêtes sur les risques lors de l'accouchement montraient que la France était l'un des pays européens où la mortalité maternelle était parmi les plus importantes. La situation a heureusement changé depuis. Cependant, l'accouchement représente toujours un risque pour la mère puisqu'on dénombre aujourd'hui encore entre 9 et 13 décès pour 100 000 naissances vivantes, soit 75 à 80 femmes qui décèdent chaque année de leur grossesse ou de ses suites.

D'après l'Organisation mondiale de la santé (OMS), si la mortalité maternelle situe la France dans la moyenne des pays européens (16ème rang), elle reste en-deçà des meilleurs, et très loin de la Suède dont les taux sont deux fois plus faibles.

Le Comité national d'experts sur la mortalité maternelle (CNEMM) a publié en avril 2009 un rapport issu d'un travail avec l'Inserm et l'Institut de veille sanitaire (InVS). L'étude porte sur les années 2001-2006. Le premier constat est que 463 décès maternels ont été identifiés sur l'ensemble du territoire et que la moitié de ces décès était évitable car le plus souvent liés à des mesures thérapeutiques inappropriées.

Durant cette période d'étude, l'âge moyen des femmes décédées de mort maternelle était de 33,3 ans. Le risque de mort maternelle était trois fois plus élevé à 35-39 ans qu'à 20-24 ans, huit fois plus à 40-44 ans et 30 fois plus au-delà de 45 ans. Ne faudrait-il pas encourager les femmes à avoir leurs enfants plus jeunes ? Cette même étude démontre aussi une disparité régionale surprenante. En effet, le taux de mortalité maternelle en couches en Ile-de-France est 30 % supérieur à la moyenne nationale. Quant aux départements d'outre-mer (DOM), la mortalité maternelle est trois fois plus fréquente qu'en métropole.

« L'existence de lacunes dans le système national de recueil d'informations laisse supposer un nombre encore plus important de ces décès évitables », admettent les experts. Plusieurs points apparaissent alors fondamentaux à éclaircir. Premièrement, la qualité des soins et la formation des praticiens. Ensuite, la problématique du nombre de praticiens en constant repli alors que notre pays est en tête des pays européens pour la natalité, avec plus de 800 000 naissances par an. Puis, la prévention et l'information des futures mères avant l'accouchement. Enfin, les erreurs médicales (hémorragies) et l'abus de césariennes. La multiplication de la pratique de la césarienne ne diminue pas les risques, au contraire. Le risque de décès maternel est ainsi multiplié par 3,5 par rapport à la voie basse. Les causes résident dans les complications de l'anesthésie, les infections et les thrombo-embolies.

Il semble donc urgent que la France, qui se targue d'avoir l'un des meilleurs systèmes de soins, agisse pour préserver la santé des futures mères et bien sûr des enfants. C'est pourquoi, elle demande au Gouvernement de bien vouloir lui faire connaître les mesures qu'il entend prendre afin de remédier à cette situation.

- page 919


Réponse du Secrétariat d'État chargé de la coopération et de la francophonie publiée le 16/06/2010

Réponse apportée en séance publique le 15/06/2010

Mme Anne-Marie Payet. Ma question s'adresse effectivement à Mme Bachelot-Narquin, mais je sais que M. Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie, sera un excellent interprète.

Au début des années quatre-vingt, les enquêtes sur les risques lors de l'accouchement montraient que la France était l'un des pays européens où la mortalité maternelle était la plus importante. La situation a heureusement changé depuis, mais l'accouchement représente toujours un risque pour la mère, puisqu'on dénombre aujourd'hui encore entre neuf et treize décès pour 100 000 naissances vivantes : de soixante-quinze à quatre-vingts femmes décèdent chaque année de leur grossesse ou de ses suites.

D'après l'Organisation mondiale de la santé, si en matière de mortalité maternelle la France se situe dans la moyenne des pays européens – elle se place au seizième rang selon ce critère –, elle reste en deçà des meilleurs et très loin de la Suède, dont les taux sont deux fois plus faibles.

Le Comité national d'experts sur la mortalité maternelle a publié en avril 2009 un rapport issu d'un travail mené avec l'Institut national de la santé et de la recherche médicale et l'Institut de veille sanitaire. L'étude porte sur les années 2001-2006 : le premier constat est que 463 décès maternels ont été identifiés sur l'ensemble du territoire, dont la moitié étaient évitables car ils étaient le plus souvent liés à des mesures thérapeutiques inappropriées.

Durant cette période d'étude, l'âge moyen des femmes décédées de mort maternelle était de 33,3 ans. Le risque de mort maternelle était trois fois plus élevé entre 35 et 39 ans qu'entre 20 et 24 ans, huit fois plus fort entre 40 et 44 ans et trente fois plus élevé au-delà de 45 ans. Ne faudrait-il pas encourager les femmes à avoir leurs enfants plus jeunes ?

Cette même étude montre une disparité régionale surprenante. En effet, le taux de mortalité maternelle en couches en Île-de-France est de 30 % supérieur à la moyenne nationale. Quant aux départements d'outre-mer, la mortalité maternelle y est trois fois plus fréquente qu'en métropole.

Ce taux demeure supérieur chez les femmes de nationalité étrangère, notamment originaires d'Afrique subsaharienne, qui peuvent avoir des complications obstétricales plus sévères. En Île-de-France, le taux de mortalité maternelle chez les Africaines est de 28,9 pour 100 000 naissances, contre 10,2 chez les Françaises. Un quart des morts maternelles surviennent pendant la grossesse, un tiers dans les premières vingt-quatre heures après la naissance et un autre tiers au-delà de ces vingt-quatre heures, mais moins de quarante-deux jours post-partum.

Les hémorragies restent la principale cause de décès, étant à l'origine de 25 % d'entre eux. On devrait pouvoir améliorer la situation en appliquant les recommandations du Comité national d'experts émises en 2004, en particulier en mesurant la quantité de sang perdu après l'accouchement. La très grande majorité de ces décès par hémorragie – 90 % – seraient évitables. Parmi les autres causes obstétricales de décès figurent, à parts égales, l'hypertension artérielle et les thrombo-embolies veineuses ainsi que les embolies amniotiques.

« L'existence de lacunes dans le système national de recueil d'informations laisse supposer un nombre encore plus important de ces décès évitables », admettent même les experts. Dès lors, il me semble fondamental d'éclaircir plusieurs points : la qualité des soins et la formation des praticiens ; le fait que le nombre de praticiens soit en constant recul, alors que la France est en tête des pays européens pour la natalité, avec plus de 800 000 naissances par an ; la prévention et l'information des futures mères avant l'accouchement ; enfin les erreurs médicales et l'abus de césariennes.

Le rapport met en exergue le fait que la césarienne n'est pas un système de prévention à part entière. Le risque zéro n'existe pas. La généralisation de cette pratique ne diminue pas les risques, au contraire : le risque de décès maternel est ainsi multiplié par 3,5 par rapport à la voie basse. Les causes en sont les complications de l'anesthésie, les infections et les thrombo-embolies. S'ajoutent à cela la surmédicalisation et les protocoles de prise en charge de gestion de l'accouchement.

Conduire des études plus ciblées sur les populations à risques au regard des complications maternelles sévères serait nécessaire afin de préciser les facteurs intervenant non seulement à l'échelon d'une zone géographique, mais également à l'échelon individuel. Cela permettrait ultérieurement le développement de politiques de santé publique mieux adaptées régionalement aux besoins des populations.

Il semble donc urgent que la France, qui se targue d'avoir l'un des meilleurs systèmes de soins, agisse pour préserver la santé des futures mères et, bien sûr, des enfants. C'est pourquoi je voudrais connaître les mesures que le Gouvernement entend prendre afin de remédier à cette situation.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, qui m'a chargé de vous répondre.

La tendance à la baisse de la mortalité maternelle se poursuit en France, avec une diminution du nombre des décès de 16 % entre les périodes 2001-2003 et 2004-2006, d'après le récent rapport du Comité national d'experts publié par l'Institut de veille sanitaire.

La France se situe, selon ce critère, dans la moyenne européenne. Néanmoins, comme vous l'avez souligné, de soixante-dix à soixante-quinze femmes meurent chaque année au cours de leur grossesse, lors de l'accouchement ou dans les jours qui suivent.

Cette situation est intolérable, d'autant que, d'après les experts, près d'un décès sur deux, soit de trente à trente-cinq par an, serait potentiellement évitable par une prise en charge appropriée. D'autres pays européens, comme la Suède, ont de biens meilleurs résultats.

Par ailleurs, il existe des disparités régionales et sociales : les taux sont particulièrement élevés pour les femmes originaires d'Afrique subsaharienne, en Île-de-France et dans les DOM.

Comme le souligne le professeur Gérard Levy, président du Comité national d'experts sur la mortalité maternelle, les hémorragies sont la première cause de mortalité maternelle, avec environ 25 % des cas. Pour éviter qu'elles ne provoquent le décès, il faut s'assurer que, pour chaque accouchement, il y ait en permanence la possibilité de réunir rapidement toute une équipe compétente.

L'autre facteur qui permettra d'améliorer la situation est l'organisation des maternités en réseaux. Si ces événements sont rares, le personnel doit être particulièrement entraîné pour y répondre efficacement, ce qui n'est pas toujours possible dans les établissements réalisant un faible nombre d'accouchements chaque année.

La politique du Gouvernement pour diminuer la mortalité maternelle s'appuie donc sur ces constats. C'est pourquoi Mme Bachelot-Narquin a tenu à rééquilibrer qualitativement l'offre de soins au regard des besoins de la population et des exigences des parturientes et des familles en termes de prise en charge. Elle a également souhaité une amélioration de la qualité des soins, dans une logique de gradation.

L'égalité d'accès aux soins doit être aussi une égalité devant la qualité des soins. Toutes les femmes doivent avoir accès à un ensemble d'établissements de santé, du plus proche au plus technique. C'est l'organisation des filières de soins qui compte : il faut tisser de véritables relations entre les établissements, les médecins de ville et le secteur médico-social pour mettre en place une véritable gradation des niveaux de recours, du plus courant au plus spécialisé.

En particulier, la fixation de seuils d'activité – inférieurs à 300 accouchements par an actuellement – vise à garantir la sécurité et la qualité des soins.

En effet, comme nous le montre notamment l'exemple suédois, le plus probant en la matière, c'est bien le volume d'actes réalisés et la fréquence de ceux-ci qui garantissent à chaque parturiente la prise en charge la plus sûre. Ainsi, plus le personnel est entraîné à prendre en charge des situations parfois compliquées, plus la réponse est efficace, pour la mère et pour l'enfant.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse.

Dans ma question, j'ai insisté sur la nécessité de réaliser des études plus ciblées sur les populations à risques en vue de développer des politiques de santé publique mieux adaptées aux besoins des populations, puisque les experts eux-mêmes évoquent l'existence de lacunes dans le système national de recueil d'informations.

Monsieur le secrétaire d'État, je déplore que l'étude portant sur la période 2001-2006, si elle a concerné les départements d'outre-mer, n'ait pas pris en compte la situation de Mayotte, où se trouve la plus grande maternité de France. Si une autre étude venait à être programmée, j'aimerais que Mayotte ne soit pas à nouveau oubliée.

- page 4738

Page mise à jour le