Question de Mme HERVIAUX Odette (Morbihan - SOC) publiée le 08/04/2010

Mme Odette Herviaux appelle l'attention de M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique sur l'avenir de la convention collective nationale du travail du 15 mars 1966. Les salariés des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées sont en effet particulièrement inquiets des évolutions que pourrait proposer la commission mixte installée le 30 septembre dernier. La fédération d'employeurs a en effet proposé un projet de refonte des classifications et une modification significative du système de rémunération qui installerait une compétition injustifiée entre structures et une concurrence entre salariés.

Tout comme les 250 000 salariés régis par cette convention, le collectif morbihannais, qui représente une soixantaine d'établissements dans le département, souhaite améliorer le texte de cette convention. Pour autant, ils restent légitimement attachés au maintien du caractère national de la convention, garant des missions de service public et du caractère non lucratif du secteur.

Cette convention collective nécessite des ajustements qui pourraient être formalisés à travers des avenants mais il n'est pas envisageable de livrer ce secteur particulièrement sensible à une marchandisation aveugle. Elle souhaite donc connaître les intentions précises du Gouvernement sur ce sujet.

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Réponse du Secrétaire d'État aux aînés publiée le 02/06/2010

Réponse apportée en séance publique le 01/06/2010

Mme Odette Herviaux. Madame la secrétaire d'État, les salariés des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées demeurent très inquiets devant le processus de révision de la convention collective nationale du 15 mars 1966 engagé par la commission mixte paritaire installée le 30 septembre dernier.

En l'état actuel des discussions, des points de clivage subsistent, comme dans toute discussion, notamment en ce qui concerne la refonte des classifications et la modification du système de rémunération, qui pourraient installer, à terme, une concurrence injustifiée entre les structures et entre les salariés. En l'occurrence, il s'agirait de supprimer intégralement cette convention. La mise en place de primes et le rôle incertain de diplômes reconnus pourraient conduire à une individualisation des salaires, fondée sur des performances essentiellement quantitatives, ce qui peut paraître choquant dans ce domaine.

Par ailleurs, cette réforme viserait à organiser des regroupements d'établissements et des fusions d'équipes afin d'obtenir d'hypothétiques économies d'échelle, au détriment de la qualité des soins et de la personnalisation du suivi dont bénéficient les patients et les usagers.

L'ensemble des acteurs impliqués souhaite parvenir à une amélioration du texte de cette convention, qui n'a pas été profondément remaniée depuis plus de quarante ans. Elle appelle, certes, des ajustements, mais la modernisation nécessaire de ce secteur ne doit pas conduire à sacrifier une diversité de l'offre, essentielle pour répondre à la multiplicité croissante des besoins et des profils.

Les professionnels restent légitimement attachés au maintien du caractère national de la convention, garant des missions de service public et du caractère non lucratif du secteur. Il n'est, en effet, pas envisageable de livrer ce secteur particulièrement sensible à une marchandisation qui affaiblirait les moyens humains et financiers qu'une société juste et démocratique a la responsabilité de déployer au service de tous, notamment des plus vulnérables.

Plus fondamentalement, au-delà du contenu de ces négociations et des positions des uns et des autres, c'est bien le cadre législatif et réglementaire qui leur a été imposé au départ, notamment par le Gouvernement, qui reste au cœur du problème.

L'article 9 de la directive Services prévoit en effet que les États membres devaient faire parvenir à la Commission une liste des services pour lesquels ils estiment nécessaire de maintenir un régime d'autorisation, que le prestataire soit national ou non. Or cette liste a été remise à la Commission en mars dernier, en catimini, quelques jours avant l'examen d'une proposition de loi déposée par notre groupe.

En outre, la loi « Hôpital, patients, santé et territoires » a contribué à généraliser la contractualisation sur appel d'offres en ce qui concerne l'octroi d'autorisations administratives d'activités, voire de missions de service public, appels à projets qui relèvent désormais des ARS. Cette stratégie du Gouvernement signe l'introduction d'une concurrence difficilement compréhensible dans les domaines sanitaires, sociaux et médico-sociaux, d'autant qu'elle va au-delà des obligations européennes.

Dans un contexte budgétaire particulièrement tendu, madame la secrétaire d'État, quels seront les impacts de cette orientation sur le fonctionnement des structures, les conditions de travail de leurs personnels et, finalement, l'accompagnement des publics vulnérables ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés. Madame la sénatrice, les interrogations que suscite le projet de rénovation de la convention collective nationale du 15 mars 1966 sont compréhensibles.

Pour autant, cette rénovation est nécessaire, tant les différentes modifications intervenues depuis quarante ans ont rendu son texte aujourd'hui peu lisible et sujet à interprétations divergentes.

L'un des enjeux de cette rénovation est, par ailleurs, de rendre les métiers du secteur plus attractifs.

Comme vous le savez, c'est aux partenaires sociaux qu'il appartient de négocier cette convention, qui sera ensuite soumise à l'agrément ministériel. Depuis le 30 septembre dernier, à leur demande, les négociations se déroulent dans le cadre d'une commission mixte paritaire composée de représentants des organisations syndicales, d'employeurs comme de salariés, représentatives de la branche. Elle est présidée par un représentant de la direction générale du travail, qui n'a qu'un rôle de médiation entre les partenaires sociaux. L'État n'est donc pas partie prenante dans les négociations : son rôle se limite exclusivement à faciliter le dialogue entre les partenaires sociaux et à favoriser l'avancée des négociations.

Aujourd'hui, les négociations portent sur la classification des métiers et le parcours professionnel des salariés du secteur. Je puis vous assurer qu'il n'est dans l'intention de personne de livrer le secteur à une marchandisation aveugle. Particulièrement attaché aux spécificités de ce secteur, le Gouvernement y est très attentif.

M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux.

Mme Odette Herviaux. Ce matin même, les personnels concernés par ces négociations manifestent, tout comme le collectif de mon département, le Morbihan, qui représente près d'une soixantaine d'établissements.

Je le comprends très bien, dans ces négociations, ce sont les partenaires sociaux qui discutent, même s'ils ont demandé un médiateur. Il reste que la mise en concurrence qui sous-tend toute la politique européenne et nationale met en difficulté les employeurs, car le risque de voir baisser leurs dotations de fonctionnement et les aides qu'ils pouvaient obtenir les conduit à se montrer plus exigeants.

Dès lors, je crains que nous n'assistions globalement à la marchandisation du domaine social. Dans toutes les lois, il est question d'appels à projets, de règles de publicité, de cahier des charges, de modalités d'examen et de sélection, de contrat… Voilà le genre de délégations de service public qui s'appliquera aux services sanitaires sociaux et médico-sociaux ! Si ce n'est pas de la marchandisation, qu'est-ce que c'est ?

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