Question de Mme TERRADE Odette (Val-de-Marne - CRC-SPG) publiée le 01/04/2010

Mme Odette Terrade attire l'attention de Mme la ministre de la santé et des sports sur la situation hospitalière du Val-de-Marne et plus particulièrement sur le manque de structures adéquates pour répondre sereinement aux enjeux locaux.

En effet, aucun hôpital du secteur 94-2 n'est pourvu d'un service de cardiologie conséquent et il n'existe aucun lit de cardiologie intensive ni aucune garde de cardiologie ! Un rapport de la sécurité sociale ferait même état d'un défaut de moyens et de personnel par rapport à une situation identique et à des structures de même taille.

De plus, alors que la polyclinique La Concorde à Alfortville a cessé dernièrement l'activité de son service de maternité, il manque un nombre conséquent de places dans de tels services. Une maternité de niveau 3 a bien été ouverte à l'hôpital du Kremlin-Bicêtre mais cette dernière fonctionne seulement à moitié de la capacité prévue, faute de moyens et elle est loin d'être suffisante pour accueillir l'ensemble des patientes de ce secteur géographique.

Enfin, elle rappelle également la délicate situation de la neuro-chirurgie alors même que 70 % des patients polytraumatisés ont besoin de ce type de service.

Or par sa situation géographique particulière limitrophe de la capitale et comportant un bassin important de population, le département du Val-de-Marne, dont la renommée et l'excellence hospitalière ne sont plus à démontrer, illustre l'importance du rôle social de l'hôpital public et de l'accomplissement de ses missions de service public.

Elle souligne que l'accès aux soins de santé est un droit primordial pour nos concitoyens. En conséquence, elle lui demande que la réforme de l'AP-HP dans le Val-de-Marne ne soit pas engagée sans concertation des différents partenaires, élus, autorités, professionnels, populations afin que l'hôpital public prenne en compte les besoins et les réalités sociales locales et ne repose pas sur la seule logique économique.

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Réponse du Ministère de la santé et des sports publiée le 02/06/2010

Réponse apportée en séance publique le 01/06/2010

Mme Odette Terrade. Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur les conséquences de votre politique quant à l'accès aux soins dans les hôpitaux.

Je pourrais choisir bien des exemples dans le Val-de-Marne pour exposer les dramatiques contrecoups d'une politique de rigueur économique sans précédent,…

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Mon Dieu !

Mme Odette Terrade. … qui fait peser de lourdes menaces sur le bon accomplissement des missions de service public dévolues à l'AP-HP, l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris.

La restructuration n'est pas sans conséquences sur les conditions de travail des salariés et, surtout, sur l'égal accès aux soins de l'ensemble des Val-de-Marnais.

Pour preuve : malgré les demandes répétées des professionnels de santé, aucun hôpital du secteur 94-2, qui regroupe seize communes, d'Ivry-sur-Seine et Gentilly, au nord, jusqu'à Ablon-sur-Seine et Villeneuve-le-Roi, au sud, n'est pourvu d'un authentique service de cardiologie. Il n'existe sur ce secteur ni lit de cardiologie intensive ni garde de cardiologie, alors qu'il s'agit d'un bassin de population de 430 000 personnes ! Un rapport de la sécurité sociale ferait état d'un défaut de moyens et de personnels par rapport à des situations identiques et d'autres structures de même taille.

De même, alors que le service de maternité de la polyclinique La Concorde, à Alfortville, a cessé dernièrement son activité, il manque un nombre appréciable de places dans de tels services. Une maternité de niveau 3 a bien été ouverte à l'hôpital du Kremlin-Bicêtre, mais les moyens de cette dernière ne lui permettent de fonctionner qu'à la moitié de la capacité prévue, de sorte qu'elle est loin d'être suffisante pour accueillir l'ensemble des patientes du secteur.

Dans sa lettre d'information datée de mars 2010, l'Agence régionale de l'hospitalisation d'Île-de-France constate une augmentation du nombre d'accouchements de 12 % sur la période 1996-2008, alors que la capacité d'accueil des établissements obstétriques est passée, elle, de 5 450 à 4 460 lits, soit près de mille lits en moins, et cela pour toute l'Île-de-France. Je vous laisse imaginer la situation dans notre département…

Je tiens à évoquer également ici la situation de l'hôpital Paul-Brousse, menacé de devoir regrouper ses activités, pourtant unanimement reconnues pour leurs apports à la recherche et au progrès médical, avec celles de Bicêtre, hôpital où la situation n'est pas meilleure puisque, si le plan d'économies est mis en place, 356 emplois non médicaux et 56 emplois médicaux disparaîtront !

À souligner aussi la délicate situation de la neurochirurgie, dont 70 % des patients polytraumatisés ont besoin.

Et que dire enfin des services de pédiatrie, menacés de fermeture ?

Par sa situation géographique particulière, puisqu'il est limitrophe de la capitale et constitue un important bassin de population, le département du Val-de-Marne, renommé pour une excellence hospitalière qui n'est plus à démontrer, est une illustration de l'importance du rôle social de l'hôpital public ainsi que des missions de service public qu'il accomplit.

L'accès aux soins de santé est un droit primordial pour nos concitoyens. La restructuration de l'AP-HP ne doit donc pas faire rimer une offre publique de santé réduite avec une offre d'hospitalisation privée n'offrant que les soins les plus rémunérateurs et, par le fait même, accessibles seulement aux plus favorisés.

Le personnel de l'AP-HP n'est pas opposé à des restructurations, mais à condition que ces dernières soient guidées par le souci d'améliorer l'offre de soins et non par la recherche systématique de rentabilité.

Les récents conflits ne sont que la marque de l'exaspération des salariés, car la direction refuse, malgré les négociations en cours, leurs suggestions de modernisation et d'investissements pour imposer en force votre logique économique, appelée « effort d'efficience ».

C'est pourquoi, madame la ministre, je demande que la réforme de l'AP-HP dans le Val-de Marne ne soit pas engagée avant qu'ait été préalablement organisée une réelle concertation avec les différents partenaires, élus, autorités, professionnels, populations, afin que l'hôpital public prenne en compte les besoins et les réalités sociales locales et que sa gestion ne repose pas sur la seule logique économique.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Je veux rassurer Mme Terrade : nous n'obéissons certainement pas à une logique économique !

Puis-je vous rappeler que notre pays a les dépenses hospitalières par habitant les plus élevées du monde, qu'il présente le maillage hospitalier le plus resserré du monde et que nous avons, en pleine période de crise économique, fait bénéficier ce secteur d'une augmentation de 3 % des dépenses publiques ? Peut-on dès lors parler de rationnement ?... J'affirme que non !

Vous m'interrogez plus particulièrement, madame Terrade, sur la situation sanitaire dans le Val-de-Marne et vous appelez mon attention sur le nombre de structures hospitalières, que vous estimez insuffisantes pour répondre aux besoins de la population; ainsi que sur les effets attendus des réorganisations – nécessaires, vous en êtes vous-même convenue – qui pourraient être menées par l'AP-HP.

D'abord, loin du tableau catastrophique que vous en avez brossé, le Val-de-Marne est un département qui bénéficie d'une situation globalement satisfaisante en matière d'offre de soins.

Le SROS, le schéma régional d'organisation sanitaire, ne prévoit certes pas de nouvelle unité de soins intensifs en cardiologie sur le territoire de santé. Néanmoins, il est prévu de créer des lits de soins continus en cardiologie en 2010 au CHU du Kremlin-Bicêtre.

Concernant la neurochirurgie, comme pour les autres départements franciliens, l'urgence relève de la prise en charge de la grande garde de neurochirurgie gérée par l'AP-HP.

En ce qui concerne les maternités, la situation a évolué sur ce département dans le sens d'une amélioration de la qualité et de la sécurité des soins. Certes, la maternité de La Concorde a fermé en 2009, mais elle réalisait à peine plus de 300 accouchements par an, seuil minimal fixé par la réglementation de notre pays, un seuil que, je le signale, l'ensemble des professionnels de la santé des femmes considèrent comme extraordinairement bas.

J'ajoute qu'un tel seuil d'activité est la garantie pour nos concitoyennes d'accoucher dans des structures assurant la sécurité des soins. Il est de mon devoir, en tant que ministre de la santé, responsable de la qualité des soins, de veiller à la réalisation de cet objectif. Il ne s'agit absolument pas, en l'espèce, de réaliser des économies puisque les accouchements ont lieu, là et ailleurs, dans le cadre des tarifications. Il n'y a donc là aucune vision comptable : l'unique souci est d'assurer la qualité des soins.

Je tiens à souligner que nous avons ouvert une maternité de niveau 3, donc de haut niveau, au Kremlin-Bicêtre. Celle-ci assure la prise en charge des grossesses à risque et des nouveau-nés nécessitant des moyens de réanimation néonatale. Cette structure permet de prendre en charge environ 3 300 accouchements.

Je veux également rappeler que la reconstruction, en 2008, de la maternité du centre hospitalier Esquirol, à Saint-Maurice, ainsi que la rénovation de la clinique Gaston Métivet, à Saint-Maur, ont largement contribué à une augmentation des capacités d'accueil.

Enfin, le centre hospitalier intercommunal de Créteil, qui prend aussi en charge les grossesses à risque, les maternités privées situées à Champigny-sur-Marne, Nogent-sur-Marne et Bry-sur-Marne, ainsi que le centre hospitalier de Villeneuve-Saint-Georges ont également une activité obstétricale importante.

La diversité de ces structures, publiques et privées, et le niveau de soins qu'elles proposent, avec notamment deux maternités qui prennent en charge les grossesses à risque et sont dotées d'unités de réanimation néonatale, permettent de répondre de façon satisfaisante aux besoins de la population.

Tous ces éléments se situent évidemment dans le cadre du projet stratégique de l'AP-HP. Ce projet a reçu une validation par le conseil exécutif, mais de nombreux points sont en discussion ; ils font l'objet de cette concertation que vous appelez de vos vœux, madame la sénatrice, et qui est en cours. Ce sera au conseil de surveillance, une fois qu'il sera mis en place – ce qui devrait advenir dans les prochains jours – de se prononcer sur ce projet.

Ces efforts engagés par les pouvoirs publics et les établissements de santé permettent aux habitants du Val-de-Marne de bénéficier d'un accès aux soins tout à fait satisfaisant.

Je me dois en outre de rappeler que nos hôpitaux publics font l'objet de projets de rénovation de très grande ampleur dans le cadre du plan Hôpital 2012, qui y consacre plusieurs milliards d'euros.

Notre hôpital public est le vaisseau amiral de notre système de santé et nous veillons évidemment tant à sa performance en termes de qualité et de sécurité des soins qu'à sa capacité de faire face aux mutations technologiques et sociétales présentes et à venir.

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Madame la ministre, je prends évidemment en compte les éléments de réponse que vous évoquez, mais il n'en reste pas moins qu'il peut exister des inégalités y compris dans un département qui, à première vue, semble assez bien doté !

La situation doit donc être examinée de plus près et je souhaite que la concertation en cours apporte des réponses aux préoccupations qu'expriment non seulement les personnels de l'AP-HP et les professionnels de santé, mais encore la population.

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