Question de M. MAHÉAS Jacques (Seine-Saint-Denis - SOC) publiée le 18/03/2010

M. Jacques Mahéas attire l'attention de M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État sur les plus-values de cession de titres de participation des entreprises, exonérées en quasi-totalité de l'impôt sur les sociétés.
Au nom de la compétitivité de la France au niveau européen, cette « taxation au taux réduit » à 0 % à compter du 1er janvier 2007 a engendré un manque à gagner conséquent pour les caisses de l'Etat : 3,4 milliards d'euros en 2007, 12,5 milliards en 2008, 6,1 milliards en 2009 ; soit une perte de 22 milliards de recettes fiscales en trois ans. La réforme du régime fiscal des plus-values à long terme sur les cessions de participation a été introduite dans le collectif budgétaire de 2004 et en constituait, selon le rapporteur général de la commission des finances, la « mesure phare » (Sénat, séance du 22 décembre 2004). Le coût était alors estimé à moins d'un milliard d'euros à compter de 2008.
Étant donné l'ampleur réelle de l'impact budgétaire de ce qui peut être qualifié de « super niche fiscale », il lui demande quelle justification il trouve à cette exonération et ce qu'il compte mettre en œuvre afin de ne pas faire mentir le ministre délégué au budget de 2004 qui affirmait qu'il fallait un dispositif « tenable pour nos contraintes en termes de finances publiques » et que « en aucun cas, elles [les baisses d'impôts] ne viendr[aient] creuser le déficit » (Sénat, séance du 17 décembre 2004).

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Transmise au Ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi


Réponse du Ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi publiée le 10/06/2010

L'article 39 de la loi de finances rectificative pour 2004 a prévu l'abaissement progressif du taux d'imposition à l'impôt sur les sociétés des plus-values sur titres de participation, de 19 % en 2004, à 15 % en 2005, 8 % en 2006 et enfin 0 % en 2007 (en réalité 1,67 % du fait de la taxation d'une quote-part de frais et charges). Cette évolution faisait suite à la recommandation de M. Charzat en 2001 (rapport au Premier ministre sur l'attractivité du territoire français, juillet 2001) puis du conseil des impôts qui, dans son rapport de 2004, préconisait d'adopter cette mesure « afin de rendre la France aussi attractive que ses partenaires européens ». En effet, la taxation de ces plus-values en France alors que celles-ci étaient exonérées dans la quasi-totalité de l'Union européenne (UE) avait conduit de très nombreux groupes à constituer leurs holdings hors de France, délocalisant ainsi des emplois de haut niveau et les activités de prestations de services (services financiers, juridiques) qu'utilise ce type de structure. Le nombre de holdings implantées en France ayant crû depuis 2007, les données disponibles tendent à montrer l'incidence positive de cette taxation à taux réduit sur la localisation de holdings en France. Cette préoccupation rejoignait celle du rapporteur général de la commission des finances du Sénat, qui relevait, à l'appui de son amendement à l'origine de cette exonération, d'une part, que « la France [était] le dernier grand pays d'Europe à imposer les plus-values de cession de participation » et, d'autre part, qu'« il résult[ait] clairement de cette comparaison [entre pays européens] un handicap de compétitivité pour la France, dans la compétition fiscale qui sévit entre grands pays industrialisés ». Dans son récent rapport sur les prélèvements obligatoires des entreprises dans une économie globalisée, le conseil des prélèvements obligatoires a jugé cette mesure justifiée, en soulignant que « depuis le 1er janvier 2007, la France a donc rejoint la majorité des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui exonèrent d'imposition les plus-values de cession de participation (21 pays sur 29) ». Le conseil des prélèvements obligatoires a également relevé que « le régime français présente certains inconvénients (durée de détention des titres de 2 ans, quote-part de 5 %)... [et qu'] au final si le régime mis en place progressivement à compter de 2005 offre un allègement de charges important pour les entreprises détentrices de plus-values à long terme et permet à la France de revenir dans le peloton de l'OCDE et de UE, il n'est en revanche pas aussi attractif que les dispositifs allemand et belge ». S'agissant de l'impact budgétaire de cette mesure, en raison du décalage d'une année existant entre l'année d'imposition et l'année du paiement de l'impôt, le taux de 0 % applicable aux cessions de titres réalisées à compter du 1er janvier 2007 a produit ses effets pour la première fois lors du versement du solde d'impôt sur les sociétés intervenu en avril 2008. Cela explique ainsi pour partie l'accroissement du montant de la dépense fiscale en cause d'une année sur l'autre, dès lors qu'au titre du budget 2007, le taux applicable (celui de 2006) était de 8 % et qu'au titre du budget 2008, le taux applicable (celui de 2007) était de 0 %. L'écart significatif entre la prévision initiale et le montant final de cette dépense trouve son origine dans le caractère particulièrement imprévisible d'opérations exceptionnelles, que sont par nature des cessions de titres de participation, et dans le contexte économique favorable de l'année 2007, qui aura été propice aux réorganisations, aux fusions, aux cessions. Enfin, les 12 Md€ correspondent, non pas à une dépense réelle, mais à un manque à gagner théorique au vu des cessions que les entreprises ont réalisées grâce à l'instauration du taux de 0 % et qui ne seraient pas intervenues si le taux applicable était demeuré de 15 %. Or, le chiffrage de la perte de recettes pour l'État est établi par comparaison entre les recettes effectivement perçues à taux réduit et les recettes qui auraient été perçues si les mêmes plus-values avaient été taxées au taux normal de 33 1/3 %. Le coût affiché dans les documents budgétaires constitue une évaluation conventionnelle de la perte de recettes à double titre : d'une part, le volume des plus-values de cessions de titres de participation aurait été évidemment bien moindre en présence d'une taxation à un taux non nul ; d'autre part, le taux théorique de 33 1/3 % n'a pas été appliqué aux plus-values depuis au moins 1965, année de la grande réforme de la fiscalité des plus-values : le taux d'imposition s'élevait ainsi à 19 % en 2004. Par ailleurs, l'entrée en vigueur progressive de cette mesure a été accompagnée de l'instauration d'une taxe exceptionnelle sur les sommes inscrites au compte de réserve spéciale des plus-values à long terme, au taux de 2,5 %. Cette mesure a rapporté 655 M€ en 2006 et 692 M€ en 2007, soit globalement environ 1,4 Md€ en deux ans. Même si les montants ne sont pas comparables, il s'agit néanmoins d'une recette constatée et non d'une recette théorique. Enfin, la contrepartie du taux de 0 % applicable aux plus-values réside dans la non-déduction des moins-values. Un relèvement du taux de taxation des plus-values, s'il s'accompagnait d'une remise en cause de la règle de non-déduction des moins-values, aurait des effets financiers négatifs importants compte tenu du contexte économique actuel.

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