Question de M. NÈGRE Louis (Alpes-Maritimes - UMP) publiée le 04/03/2010

M. Louis Nègre attire l'attention de Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur les conséquences de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 19 juin 2008 (C-454/06, Aff Pressetext Nachrichtenagentur GmbH) sur la faculté de céder un marché public, sans remise en concurrence, en cas de restructuration du groupe dont fait partie la société initialement titulaire du contrat.

Dans un avis consultatif du 8 juin 2000, le Conseil d'État avait considéré que la reprise pure et simple d'un contrat administratif par une nouvelle personne morale n'est subordonnée qu'à une autorisation préalable que l'administration n'est en droit de refuser que si cette cession est de nature, soit à remettre en cause les éléments essentiels relatifs au choix du titulaire initial, soit à modifier substantiellement l'économie du contrat. La Cour de justice des Communautés européennes s'est montrée plus restrictive. Sa décision précitée pose qu'en principe, la substitution d'un nouveau contractant à celui initialement choisi par le pouvoir adjudicateur constitue un changement de l'un des termes essentiels du marché, impliquant une nouvelle mise en concurrence, sauf si cette cession présente « certaines caractéristiques particulières » permettant de l'analyser comme « une réorganisation interne du cocontractant ».

Dans ce contexte, la question de la possibilité d'une telle substitution se pose dans l'hypothèse suivante : une société par actions, titulaire de marchés publics, est mère de filiales à 100 %, elles aussi titulaires de marchés publics. Lors de la passation des contrats par les filiales, ainsi que le prévoit notamment le III de l'article 45 du code des marchés publics, la société mère déclare mettre à disposition de sa filiale l'ensemble de ses moyens humains et matériels.

Dans l'hypothèse d'une fusion-absorption par l'une des filiales de ses sœurs, étant précisé que cette filiale resterait contrôlée à 100 % par la mère et que cette dernière lui apporterait la totalité des moyens humains et matériels affectés à l'exécution de l'ensemble des marchés,
Il lui demande de lui préciser :

1° Si l'administration contractante peut légalement autoriser la cession à la société filiale absorbante des marchés dont la société mère est titulaire ;

2° Si, en cas de réponse affirmative à la première question, il en serait de même dans l'hypothèse où, entre la société mère et la filiale, s'interposerait un holding, lui-même détenu à 100 % par la société mère ;

3° Si la cession à la société filiale absorbante des marchés détenus par les filiales absorbées peut également être autorisée.

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Réponse du Ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi publiée le 01/07/2010

La cession d'un marché public dans le cadre d'une fusion-absorption du titulaire initial par une autre entreprise, les deux opérateurs étant filiales d'un même groupe, ne peut se faire que dans les conditions prévues par l'avis du Conseil d'État du 8 juin 2000 (CE section des finances, avis du 8 juin 2000, n° 364803). Il appartient à la personne publique contractante de donner son accord sur la cession. L'avis du Conseil d'État mentionne notamment que la cession ne doit pas être « assortie d'une remise en cause des éléments essentiels du contrat, tels que la durée, le prix, la nature des prestations (...). Lorsque la modification substantielle de l'un de ces éléments implique nécessairement la conclusion d'un nouveau contrat, celui-ci, même conclu sous forme d'un avenant, doit être soumis aux procédures de publicité et de mise en concurrence préalables, prévues par les dispositions du code des marchés publics (...) ». La Cour de justice des Communautés européennes, dans son arrêt rendu en 2008, (CJCE, 19 juin 2008, aff. C-454/06, Pressetext Nachrichtenagentur GmbH c/République d'Autriche) a jugé que la substitution du titulaire d'un marché par un autre opérateur économique constituait une modification substantielle du contrat et qu'un tel transfert devait faire l'objet d'une nouvelle mise en concurrence. Mais le juge communautaire a considéré que cette présomption de constitution d'un nouveau marché pouvait être renversée, notamment lorsque le marché est cédé à un opérateur économique sur lequel le cédant dispose d'un pouvoir de direction et d'un contrat de transfert des pertes et des bénéfices. Le juge communautaire a également pris en considération le fait que le cédant reste engagé envers le cédé. Au regard de l'avis du Conseil d'État mais également de la décision du juge communautaire, la cession d'un marché public dans le cadre d'une fusion-absorption d'une filiale par une autre, qu'une société d'holding s'intercale ou pas entre la société mère et les filiales, peut être admise dès lors qu'elle ne s'accompagne d'aucune modification substantielle d'un élément essentiel du marché et que la personne publique cocontractante y consent.

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