Question de M. REPENTIN Thierry (Savoie - SOC) publiée le 25/03/2010

M. Thierry Repentin attire l'attention de Mme la ministre de la santé et des sports sur l'article 63 de la loi « Hôpital, patients, santé et territoires », qui prévoit que l'inscription au tableau de l'ordre infirmier est automatique et impose une cotisation. Il lui rappelle que les syndicats FO, CGT et CFDT, très largement majoritaires aux élections professionnelles, se sont toujours prononcés contre l'obligation d'assujettissement à un ordre pour les infirmiers salariés, du secteur privé comme du secteur public. En effet ils considèrent que les conditions d'exercice des salariés et fonctionnaires sont encadrées par des règles professionnelles, d'une part, et par des conventions collectives d'autre part. L'ordre n'a pas à intervenir dans ces dispositifs. Les infirmiers salariés et fonctionnaires ne peuvent admettre des pressions disciplinaires et déontologiques supplémentaires que cet ordre entend mettre en place. Les règles dont l'ordre infirmier est le garant - principes d'éthique, de moralité, de probité et de compétences -, les devoirs professionnels ainsi que les règles édictées par le code de déontologie de la profession d'infirmier sont intrinsèquement liées à l'exercice de la profession pour un infirmier salarié.
L'autorité hiérarchique s'assure du respect de ces règles. Les professionnels ont exprimé par leur abstention massive aux élections de l'ordre qu'ils ne considèrent pas celui-ci comme représentatif ni souhaitable. Par ailleurs, ils notent que les infirmiers du ministère de la défense sont exonérés de toute inscription et cotisation. Enfin, le régime fiscal des salariés et fonctionnaires ne leur permet pas le plus souvent une déductibilité de la cotisation ordinale dans leurs déclarations de revenus contrairement aux professions libérales. Dans une période de tension sur le pouvoir d'achat, ce nouveau prélèvement est difficilement accepté. C'est pourquoi l'incompréhension est d'autant plus grande. En conséquence il lui demande d'envisager de mettre fin à l'assujettissement obligatoire pour les infirmiers salariés.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé de la coopération et de la francophonie publiée le 16/06/2010

Réponse apportée en séance publique le 15/06/2010

M. Thierry Repentin. L'article 63 de la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires prévoit l'inscription automatique des infirmiers salariés au tableau de l'Ordre infirmier et impose le paiement d'une cotisation.

Je rappelle que les syndicats FO, CGT et CFDT, très largement majoritaires aux élections professionnelles, se sont toujours prononcés contre l'obligation d'assujettissement à un ordre pour les infirmiers salariés, tant du secteur privé que du secteur public.

Comme eux, je considère que les conditions d'exercice des salariés et fonctionnaires sont d'ores et déjà encadrées par des règles professionnelles, d'une part, et par des conventions collectives, d'autre part. L'Ordre infirmier n'a donc pas à intervenir dans ces dispositifs. Les infirmiers salariés et fonctionnaires ne peuvent admettre les pressions disciplinaires et déontologiques supplémentaires que cet ordre entend exercer.

Les principes dont l'Ordre infirmier est le garant – équité, moralité, probité et compétence –, les devoirs professionnels ainsi que les règles édictées par le code de déontologie de la profession d'infirmier sont intrinsèquement liés à l'exercice de la profession pour un infirmier salarié. L'autorité hiérarchique s'assure en outre du respect de ces règles.

En s'abstenant massivement aux élections professionnelles de 2008, les intéressés ont signifié qu'ils ne considéraient pas l'Ordre infirmier comme représentatif.

Par ailleurs, ils notent avec intérêt que les infirmiers du ministère de la défense sont, eux, exonérés de toute inscription ou cotisation.

Enfin, le régime fiscal des salariés et fonctionnaires ne leur permet pas, le plus souvent, de déduire la cotisation ordinale de leurs revenus, contrairement aux membres de professions libérales.

Dans une période où le pouvoir d'achat subit des tensions, ce nouveau prélèvement est difficilement accepté, en raison tant de son fondement que de la dépense supplémentaire et inutile qu'il représente. Il pénalise plus lourdement encore les agents travaillant à temps partiel.

Devant l'incompréhension totale que suscite l'assujettissement obligatoire des infirmiers salariés au tableau de l'Ordre infirmier, le Gouvernement envisage-t-il de mettre fin à la mesure ou de restreindre substantiellement son champ, comme le suggèrent, à l'Assemblée nationale, les auteurs d'une proposition de loi allant dans ce sens ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. Monsieur Repentin, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser Mme Bachelot-Narquin, qui m'a chargé de vous répondre.

L'Ordre infirmier a été créé par la loi du 21 décembre 2006. Dès sa mise en place, le niveau de cotisation de 75 euros annuels, défini par l'Ordre lui-même, a posé problème. Avant même que ce taux ne soit arrêté, la ministre de la santé et des sports a conseillé à l'Ordre de fixer une cotisation d'un montant symbolique, de l'ordre d'une vingtaine d'euros par an. Elle a, depuis, continué de recommander à l'Ordre infirmier de réviser à la baisse cette cotisation de 75 euros.

Roselyne Bachelot-Narquin avait également introduit dans la loi du 21 juillet 2009, dite « Hôpital, patients, santé et territoires », une disposition permettant à l'Ordre infirmier de moduler le montant des cotisations. Malheureusement, l'Ordre n'a pas suivi ce conseil de bon sens.

Depuis, les difficultés se sont accumulées. La majorité des infirmiers refusent de payer la cotisation de 75 euros annuels, qui semble disproportionnée par rapport à leurs revenus.

Il faut rendre hommage aux efforts que les parlementaires ont consentis, de concert avec le Gouvernement, pour permettre à l'Ordre infirmier de trouver ses marques. Je citerai, par exemple, la mission de médiation lancée par Pierre Méhaignerie et conduite par Bérangère Poletti et Richard Mallié.

Malgré ces efforts, malgré les demandes insistantes de la profession, malgré les appels à la raison des organisations syndicales, l'Ordre infirmier n'a fait aucun geste pour modérer le montant de la cotisation due par les infirmiers salariés. Le montant de la cotisation est resté, comme en 2009, fixé à 75 euros, les jeunes diplômés et les infirmiers exerçant à titre bénévole bénéficiant, quant à eux, d'une réduction de moitié de ce montant.

Une très forte majorité des infirmiers n'ayant pas réglé leur cotisation en 2009, ils devraient être nombreux à recevoir un appel de cotisation de 150 euros à l'occasion de la campagne qui a débuté courant mai 2010. Même si l'Ordre infirmier est indépendant pour fixer le montant de la cotisation, une telle perspective n'est ni raisonnable ni acceptable.

Il ne faut pas que les infirmiers soient inquiétés dans leur exercice quotidien. Nous ne devons pas non plus accepter que les employeurs soient menacés de « complicité d'exercice illégal de la profession ». Nous ne pouvons imaginer que le système de santé s'interrompe au motif que des acteurs de premier plan, à savoir les infirmières et les infirmiers, n'auraient pas tous réglé leur cotisation.

C'est la raison pour laquelle la ministre de la santé et des sports s'est exprimée en faveur de la proposition de loi déposée par M. Bur, député du Bas-Rhin, tendant à limiter le champ de l'inscription obligatoire aux seuls infirmiers libéraux, pour lesquels l'Ordre est très utile.

D'ici au débat sur cette proposition de loi, il est possible et souhaitable que le conseil national de l'Ordre infirmier fasse un pas vers la raison, en proposant notamment une cotisation réduite pour les personnels salariés.

L'Ordre peut accéder à une telle demande en construisant son budget de façon pragmatique, à partir de ses recettes certaines et non des dépenses qu'il souhaite engager.

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. Je vous remercie de ces précisions, monsieur le secrétaire d'État.

Il est étonnant qu'un ordre infirmier créé par la loi ne soit pas plus attentif aux demandes insistantes de son ministre de tutelle et des parlementaires.

Je déplore qu'il nous faille légiférer deux fois sur cette question, à quelques mois d'intervalle, pour corriger la situation.

Plus largement, peut-être doit-on s'interroger sur l'utilité d'un ordre des infirmiers.

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