Question de M. SIGNÉ René-Pierre (Nièvre - SOC) publiée le 25/03/2010

M. René-Pierre Signé attire l'attention de Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi à propos de la loi de finances 2009 qui restreint les conditions d'attribution de la demi-part supplémentaire au bénéfice des parents isolés ayant élevé seuls leurs enfants.

Cette mesure a été adoptée en catimini, sous prétexte d'équité : cette attribution favoriserait les situations de ruptures de couples par rapport aux unions.

Or, il est clair qu'elle est uniquement budgétaire et qu'elle sanctionnera plus spécifiquement la majorité des veuves ou veufs qui dans neuf cas sur dix perdent leur conjoint à plus de 55 ans et n'ont généralement plus d'enfant à charge.

Pour ces personnes, bénéficiant de faibles revenus, cette mesure entrainera :
- une augmentation de l'impôt sur le revenu,
- une imposition d'une population âgée, jusqu'à maintenant non imposée, qui ainsi perdra le bénéfice d'exonération ou de dégrèvement en matière de taxe d'habitation et de redevance audiovisuelle… ,
- la diminution du montant des droits liés au niveau d'imposition (ex : APA),
alors que, dans le même temps, elles continueront à supporter seules les frais de résidence (loyer, charges, impôts locaux, chauffage, abonnements en électricité, eau …).

Cette mesure va donc pénaliser les plus modestes et de surcroît des personnes déjà fragilisées par le décès de leur conjoint qui verront encore amputer leur pouvoir d'achat, des veuves qui ont élevé leurs enfants et vont perdre cet avantage et ainsi la reconnaissance qui leur était due pour avoir sacrifié leur carrière.

Il lui demande quelles dispositions seront prises par le Gouvernement pour traiter ce cas particulier des conjoints survivants aux revenus modestes spécifiquement affectés par cette mesure.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé du commerce extérieur publiée le 19/05/2010

Réponse apportée en séance publique le 18/05/2010

M. René-Pierre Signé. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je souhaite interroger le Gouvernement sur la suppression de la demi-part fiscale supplémentaire attribuée aux veuves et aux veufs. En effet, et j'attire votre attention sur ce point, la loi du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 restreint les conditions d'attribution de la demi-part supplémentaire au bénéfice des parents isolés ayant élevé seuls leurs enfants.

À l'évidence, une telle mesure est uniquement budgétaire et elle sanctionnera plus spécifiquement la majorité des veuves ou veufs, qui, dans neuf cas sur dix, perdent leur conjoint à plus de cinquante-cinq ans et n'ont généralement plus d'enfant à charge.

Pour ces personnes, dont les revenus sont souvent faibles, une telle disposition aura plusieurs conséquences. D'abord, il y aura augmentation de l'impôt sur le revenu. Ensuite, une population âgée qui n'était jusqu'à présent pas imposée le sera désormais, perdant ainsi le bénéfice d'exonérations ou de dégrèvements en matière de taxe d'habitation et de redevance audiovisuelle. Enfin, le montant des droits liés au niveau d'imposition – je pense notamment à l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA – diminuera. Et, dans le même temps, ces personnes continueront à supporter seules les frais de résidence, qu'il s'agisse du loyer, des charges, des impôts locaux ou du chauffage…

Cette mesure pénalisera donc les plus modestes. Des personnes déjà fragilisées par le décès de leur conjoint verront leur pouvoir d'achat encore amputé. Des veuves ayant élevé leurs enfants perdront leur avantage et, de ce fait, la reconnaissance qui leur était due pour avoir ainsi sacrifié leur carrière.

Madame la secrétaire d'État, je souhaite savoir quelles dispositions seront prises par le Gouvernement pour traiter le cas particulier des conjoints survivants aux revenus modestes qui sont spécifiquement affectés par un tel dispositif.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Monsieur Signé, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, qui m'a chargée de vous apporter des éléments de réponse concernant les nouvelles modalités d'attribution de la majoration de quotient familial pour les personnes vivant seules et ayant élevé un ou plusieurs enfants.

Comme vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur, les modifications des conditions d'attribution de la demi-part supplémentaire pour ceux que l'on appelle les « vieux parents » ont été adoptées dans la loi du 27 décembre 2008 de finances pour 2009, sur la base d'une initiative parlementaire.

Il faut le rappeler, la demi-part supplémentaire accordée aux parents vivant seuls et ayant élevé un ou plusieurs enfants, faisant l'objet d'une imposition distincte, était une dérogation importante au système du quotient familial. À l'origine, elle était fondée sur la prise en compte de la situation des veuves de guerre. (M. René-Pierre Signé acquiesce.)

Or il est apparu qu'un tel avantage ne correspondait plus à aucune charge effective, qu'elle soit familiale ou liée à une invalidité.

Dans ces conditions, le législateur a décidé de recentrer cet avantage fiscal à compter de l'imposition des revenus de l'année 2009 au bénéfice des seuls contribuables célibataires, divorcés, séparés ou veufs vivant seuls et ayant aussi supporté seuls, à titre exclusif ou principal, la charge d'un enfant pendant au moins cinq années. Auparavant, il suffisait de vivre seul, même en ayant élevé l'enfant ou les enfants concernés à deux.

Désormais, pour les contribuables qui ne satisfont pas à la condition d'avoir supporté la charge d'un enfant pendant au moins cinq ans, l'imposition du revenu est ramenée à un niveau identique à celui des contribuables ayant le même âge, les mêmes revenus, les mêmes charges, mais n'ayant pas eu d'enfant.

À notre sens, il ne serait pas justifié de vouloir revenir aujourd'hui sur le principe d'une telle mesure, qui est de cohérence et d'équité.

Pour éviter des sursauts d'imposition, l'avantage fiscal en matière d'impôt sur le revenu est maintenu à titre provisoire et dégressif pour l'imposition des revenus des années 2009 à 2011.

Ainsi, pour les contribuables ayant bénéficié d'une demi-part supplémentaire pour le calcul de leur impôt sur le revenu au titre de l'année 2008 et ne satisfaisant pas aux nouvelles conditions, à savoir non seulement vivre seul, mais avoir élevé seul un enfant pendant au moins cinq ans, la demi-part est maintenue pour la période 2009-2011, afin d'assurer une transition. La situation de ces contribuables au regard de la taxe d'habitation et de la contribution à l'audiovisuel public sera également préservée pour les années 2010, 2011 et 2012.

Il faut d'ailleurs le rappeler, les personnes âgées de plus de soixante ans, puisque c'est surtout d'elles qu'il s'agit, et les veuves ou veufs peuvent bénéficier d'une exonération de la taxe d'habitation sur leur habitation principale et du dégrèvement de la contribution à l'audiovisuel public lorsque leur revenu fiscal de référence n'excède pas certaines limites prévues par la loi.

Enfin, puisque vous avez évoqué l'APA, je précise que les modalités de son calcul dépendent du niveau des revenus et du nombre de personnes, et non du nombre de parts du foyer fiscal. Ainsi, la nouvelle disposition fiscale relative à l'impôt sur le revenu n'a pas de conséquences sur les modalités de détermination du montant de cette prestation.

Telles sont, monsieur le sénateur, les informations que Christine Lagarde m'avait chargée de porter à votre connaissance.

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé.

M. René-Pierre Signé. Monsieur le président, je souhaite d'abord remercier Mme la secrétaire d'État, même si sa réponse ne m'a pas convaincu.

Le prétexte invoqué – vous avez parlé d'« équité », madame la secrétaire d'État - pour adopter une telle mesure, qui modifie les dispositions de l'article 195 du code général des impôts, paraît difficilement défendable. En effet, le motif avancé est le suivant : la demi-part ayant été instituée après la Seconde Guerre mondiale pour prendre en compte la situation particulière des veuves de guerre, elle n'aurait plus de pertinence aujourd'hui, car elle favoriserait les situations de ruptures de couples par rapport aux unions. À mon sens, cela ne tient pas.

Il est clair que la décision est uniquement budgétaire et qu'elle sanctionnera plus spécifiquement la majorité des veuves ou des veufs.

En France, chaque année, 235 000 personnes perdent leur conjoint et, dans neuf cas sur dix, le survivant est âgé de plus de cinquante-cinq ans et n'a plus d'enfant à charge.

Madame la secrétaire d'État, je ne suis pas d'accord avec vous lorsque vous affirmez que la situation des personnes concernées est identique à celle des personnes n'ayant pas eu d'enfant. Ne pas avoir eu d'enfant et en avoir eu mais ne plus les avoir à charge, ce n'est tout de même pas exactement pareil !

Je le répète, pour les veuves ou veufs dont les revenus sont faibles, une telle mesure entraînera une augmentation de l'imposition, alors que les frais de résidence resteront évidemment les mêmes.

Je crois donc que cette disposition pénalisera les plus modestes. Des personnes déjà fragilisées par le décès de leur conjoint verront leur pouvoir d'achat, déjà mis à mal par une faible revalorisation des retraites, encore amputé. Des femmes qui ont élevé leurs enfants pendant que leur mari travaillait et qui sont aujourd'hui devenues veuves perdront le bénéfice d'un tel avantage et, de ce fait, la reconnaissance qui leur est due pour avoir ainsi sacrifié leur carrière.

Certes, ces raisons sont d'ordre plus sentimental que budgétaire, mais elles devraient néanmoins être prises en compte.

Madame la secrétaire d'État, le Gouvernement doit agir pour traiter le cas particulier des conjoints survivants aux revenus modestes, qui sont affectés et touchés par cette décision.

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