Question de Mme BOUMEDIENE-THIERY Alima (Paris - SOC-R) publiée le 11/03/2010

Mme Alima Boumediene-Thiery attire l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur la nécessité d'organiser rapidement le droit au rapprochement familial des détenus. La loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 a consacré, dans le chapitre des droits et devoirs des détenus, le principe du rapprochement familial des détenus. Ce principe constitue une avancée majeure du droit pénitentiaire dont la mise en œuvre constitue, pour de très nombreuses familles, une étape décisive dans le maintien effectif de liens familiaux avec leur proche. Il en est ainsi des familles vivant en Corse, pour lesquelles le maintien de liens familiaux avec un détenu est devenue un véritable cauchemar : de nombreux détenus corses sont en effet maintenus sur le territoire métropolitain sans que leur situation ne fasse l'objet d'une considération particulière, prenant en compte la spécificité de la séparation géographique d'avec leur famille. Or, une telle prise en compte est non seulement nécessaire, mais également fondamentale : l'exercice par ces familles de leur droit de visite est semé de difficultés, tant matérielles que financières. Des familles sont aujourd'hui privées de leur droit d'entretenir des relations familiales avec leur proche en raison du coût exorbitant des visites sur le territoire métropolitain. En 2003, l'Assemblée territoriale corse avait ainsi voté, à l'unanimité, une motion demandant la mise en œuvre rapide du rapprochement familial des détenus corses, mais le Gouvernement n'a pas donné suite à cette demande. Devant cette situation, une solution rapide est envisageable : le transfèrement des détenus du territoire métropolitain vers les établissements pénitentiaires de Casabianda ou de Borgo, en Corse. Cette solution est conforme à l'article 34 de la loi pénitentiaire selon lequel « les prévenus, dont l'instruction est achevée et qui attendent leur comparution devant la juridiction de jugement, peuvent bénéficier d'un rapprochement familial jusqu'à leur comparution devant la juridiction de jugement ». Elle souhaite en conséquence savoir quelles dispositions le Gouvernement entend prendre pour que le principe du rapprochement familial puisse rapidement être effectif, en particulier pour les détenus ayant leur famille dans des territoires non métropolitains.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé de la fonction publique publiée le 05/05/2010

Réponse apportée en séance publique le 04/05/2010

Mme Alima Boumediene-Thiery. Ma question était destinée à l'origine à Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Je vous l'adresse donc, monsieur le secrétaire d'État.

La loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 a consacré, dans le chapitre des droits et devoirs des détenus, le principe du rapprochement familial.

Ce principe constitue une avancée majeure du droit pénitentiaire dont la mise en œuvre est, pour de très nombreuses familles, une étape décisive dans le maintien effectif de liens familiaux avec leurs proches.

L'application de ce principe, au cœur des préoccupations de nombreuses familles de détenus, est pourtant restée en suspens depuis 2009, faute pour le Gouvernement d'avoir proposé les décrets d'application indispensables à la mise en œuvre de ce droit fondamental.

Aujourd'hui, il est nécessaire d'organiser ce droit au rapprochement familial, notamment pour les détenus corses incarcérés sur le territoire métropolitain.

En effet, pour les familles vivant en Corse, le maintien de liens familiaux avec les personnes détenues sur le territoire métropolitain est devenu un véritable cauchemar.

De nombreux détenus corses sont en effet maintenus sur le territoire métropolitain sans que leur situation fasse l'objet d'une considération particulière, c'est-à-dire prenant en compte la spécificité de la séparation géographique d'avec leur famille.

Or une telle prise en compte est non seulement nécessaire, mais également fondamentale : l'exercice par ces familles de leur droit de visite est semé de difficultés, tant matérielles que financières.

Des familles sont aujourd'hui privées de leur droit d'entretenir des relations familiales avec leurs proches en raison du coût exorbitant des voyages nécessaires sur le territoire métropolitain.

En 2003, l'Assemblée de Corse avait voté, à l'unanimité, une motion demandant la mise en œuvre rapide du rapprochement familial des détenus corses, mais le gouvernement n'avait pas donné suite à cette demande.

Devant une telle situation, une solution rapide est envisageable : le transfèrement des détenus du territoire métropolitain vers les établissements pénitentiaires de Casabianda ou de Borgo, en Corse.

Cette solution est conforme à l'article 34 de la loi pénitentiaire, selon lequel « les prévenus dont l'instruction est achevée et qui attendent leur comparution devant la juridiction de jugement peuvent bénéficier d'un rapprochement familial jusqu'à leur comparution devant la juridiction de jugement. »

Monsieur le secrétaire d'État, quelles dispositions le Gouvernement entend-il prendre pour que le principe du rapprochement familial des détenus puisse être effectif rapidement, en particulier pour ceux dont la famille réside dans un territoire non métropolitain ou insulaire – c'est le cas des détenus corses –, afin que le droit de visite puisse s'exercer dans de meilleures conditions ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Madame le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de Mme Michèle Alliot-Marie, qui m'a chargé de vous répondre.

Le maintien des liens familiaux constitue un élément essentiel de la politique d'affectation des détenus. L'article 34 de la loi pénitentiaire auquel vous venez de faire référence concerne « les prévenus dont l'instruction est achevée et qui attendent leur comparution devant la juridiction de jugement ». Il appartient par conséquent aux magistrats en charge de la procédure de donner leur accord à la demande exprimée par le détenu.

Chaque demande doit être abordée en fonction de ses spécificités, en application du texte de loi, ainsi que dans l'intérêt des personnes détenues, de leur famille, mais aussi de la société. Il convient également de tenir compte de la spécificité de chaque établissement. Par exemple, en Corse, si le centre pénitentiaire de Borgo et la maison d'arrêt d'Ajaccio peuvent recevoir des personnes en attente de jugement, le centre de détention de Casabianda, en revanche, ne peut accueillir que des détenus condamnés et affectés à l'issue d'une procédure d'orientation. De plus, le centre de détention de Casabianda est spécialisé dans l'accueil des auteurs d'infraction à caractère sexuel.

Par ailleurs, l'affectation en établissement pour peine prend en compte plusieurs critères, dont la volonté exprimée par le détenu, l'évaluation de sa dangerosité, ainsi que sa situation familiale, sociale et médicale.

Le maintien des liens familiaux constitue le critère quasi exclusivement retenu dans le processus d'affectation des condamnés. Dans ce cadre, nous avons notamment créé des unités de visite familiales et des salons familiaux au sein de nombreux établissements pour peine répartis sur l'ensemble du territoire. Les familles peuvent ainsi rester plusieurs jours auprès de leur proche incarcéré. Depuis 2006, toutes les constructions nouvelles en disposent et les établissements de construction ancienne en sont également dotés dès lors que l'emprise foncière le permet.

Bien entendu, une attention particulière est portée aux détenus originaires de territoires non métropolitains. Depuis l'ouverture, en novembre 2003, du quartier de détention du centre pénitentiaire de Borgo, 165 condamnés d'origine Corse y ont été transférés.

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. En effet, les unités de visite familiales existent, mais elles ne sont pas assez nombreuses. La liste d'attente est si longue que certains détenus ne peuvent en bénéficier !

Et pourtant, vous l'avez dit, monsieur le secrétaire d'État, le lien familial est important dans le processus de réinsertion et dans la lutte contre la récidive. Il est d'ailleurs pris en compte par la nouvelle politique pénitentiaire, dont nous nous félicitons.

Toutefois, certains points n'ont toujours pas fait l'objet des décrets d'application nécessaires. Je souhaite donc que ceux-ci soient pris rapidement. Nous pourrons ainsi nous réjouir de l'effectivité d'une loi dont nous sommes fiers.

Par ailleurs, vous le savez, les détenus corses, basques ou bretons sont, d'une certaine manière, des détenus politiques, ce qui leur confère un caractère un peu différent. Sans doute leurs particularités familiales pourraient-elles être prises davantage en considération.

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