Question de M. BIZET Jean (Manche - UMP) publiée le 26/03/2010

Question posée en séance publique le 25/03/2010

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, pour le groupe UMP. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean Bizet. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

Le Président de la République a mis l'agriculture et même la politique agricole commune, la PAC, au cœur de ses priorités. Ce n'est que justice, compte tenu des tragédies quotidiennes que vit le monde agricole.

La PAC donne un cadre et des moyens. Ce cadre comme ces moyens sont indispensables et ils sont à l'honneur de la construction européenne. Cependant, alors que le secteur connaît sa crise la plus grave depuis trente ans, il faut aussi explorer des voies nouvelles, en oubliant le temps et le mythe de la PAC administrée.

M. Jean-Pierre Godefroy. J'entends cela depuis deux ans !

M. Jean Bizet. C'est tout le sens de la régulation et de la contractualisation, évoquées depuis quelques mois. Mais comment réguler un secteur lorsque les parties – l'acheteur et le vendeur – sont dans des positions si différentes et, en vérité, si inégales ?

Pour le dire simplement, les agriculteurs ne sont pas en mesure de négocier les prix, ni leurs prix de production, face aux banques et aux fournisseurs d'engrais et de matériels, ni a fortiori leurs prix de vente, face à des industriels organisés ou à des centrales d'achat hyper concentrées.

Même sans la PAC, j'ose le dire, le marché convient aux agriculteurs, mais à condition que leurs partenaires n'abusent pas de leur position dominante !

Si l'on permet et même si l'on favorise le pouvoir de négociation des producteurs pour corriger l'asymétrie des filières, ce sont la Commission et les autorités de concurrence qui protestent !

Il y a toujours eu, concernant la PAC, des problèmes de cohérence. La PAC administrée générait des surplus. La PAC réformée crée des rentes agricoles sous forme d'aide aux revenus. Maintenant, la PAC régulée ne peut fonctionner parce qu'on lui oppose le droit de la concurrence !

Il est temps de faire cesser ces aberrations. Quelques pistes peuvent être envisagées : la massification de l'offre et le mandat de négociation collective doivent pouvoir être autorisés. L'égalité de traitement doit pouvoir être garantie.

Il appartient au politique de prendre ses responsabilités pour donner plus de souplesse au droit de la concurrence. Car la société ne peut demander au monde agricole d'évoluer sans lui donner les moyens, y compris juridiques, de le faire. Le monde agricole ne peut vivre dans ces contraintes et dans ces contradictions permanentes.

Le problème se pose évidemment avec acuité dans le secteur laitier et pour le niveau du prix du lait. Les producteurs demandent rééquilibrage et dignité. Que comptez-vous faire pour leur répondre ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)


Réponse du Ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche publiée le 26/03/2010

Réponse apportée en séance publique le 25/03/2010

M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. Monsieur Bizet, vous êtes un spécialiste du secteur laitier et du marché du lait en France. Vous savez quelles sont les réponses appropriées pour redonner du revenu et de la visibilité à tous les producteurs de lait.

La première solution consiste à fixer un prix permettant de couvrir les vrais coûts de revient de chaque producteur. Aujourd'hui, nous sommes dans une situation de blocage liée à la définition du prix au deuxième trimestre. Je réunirai l'interprofession laitière mardi prochain pour que nous sortions de cette impasse.

Tous les producteurs de lait en France ont droit à un prix susceptible de leur fournir un revenu digne de leur travail ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Pierre Raffarin. Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre. La deuxième solution consisterait à donner de la visibilité grâce aux contrats écrits entre producteurs et industriels.

Il faut mettre un terme à cette situation qui voit les producteurs de lait s'engager à rénover leurs installations pour 200 000, 250 000 ou 300 000 euros sans savoir ce qu'ils toucheront le mois suivant !

Je souhaite que, tous ensemble, nous mettions en place, à partir de la loi de modernisation, des contrats écrits entre producteurs et industriels…

M. Jean-Pierre Raffarin. Oui, une coopération !

M. Bruno Le Maire, ministre. … qui fixeront un volume, une durée – de quatre, cinq ou six ans – et un prix.

M. Jean-Louis Carrère. Agissez !

M. Bruno Le Maire, ministre. Aujourd'hui, cette définition du prix par l'interprofession n'est pas possible au titre du droit de la concurrence européenne.

M. Jean-François Voguet. Et les hypermarchés ?

M. Didier Boulaud. Quand la droite libérale retrouve les vertus de la planification…

M. Bruno Le Maire, ministre. Je souhaite obtenir, dans les meilleurs délais possibles, une modification du droit de la concurrence européenne avec le soutien du Premier ministre et du Président de la République. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean Bizet. Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre. Je présenterai lundi au Conseil des ministres européens la proposition française de modification du droit de la concurrence européen qui permettra aux producteurs de définir un indicateur de tendance de marché dans l'interprofession.

M. Jean-Louis Carrère. Vive les quotas !

M. Bruno Le Maire, ministre. Je présenterai cette proposition à Joaquin Almunia, commissaire européen à la concurrence, de façon que, enfin, les producteurs puissent avoir de la visibilité sur leurs revenus.

Enfin, la troisième solution, vous la connaissez : il s'agit du maintien d'outils d'intervention à l'échelle européenne. Lorsque le prix du lait s'est effondré en 2009, nous avons livré une bataille diplomatique déterminée, en réunissant vingt-deux États membres, afin d'obtenir que la Commission européenne, après trois mois de crise qui ont asphyxié les producteurs, dépense 300 millions d'euros sur le marché agricole du lait pour faire remonter les prix. Les prix ont ainsi remonté en janvier 2010 de 10 % par rapport à janvier 2009, grâce à l'intervention de la Commission et à la mobilisation française.

Il faut des instruments d'intervention et de régulation des marchés agricoles : c'est la condition de la survie et de la défense des agriculteurs français ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur plusieurs travées de l'Union centriste.)

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