Question de M. MAHÉAS Jacques (Seine-Saint-Denis - SOC) publiée le 25/02/2010

M. Jacques Mahéas attire l'attention de Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur la hausse historique du déficit de la France qui, comme l'a souligné le dernier rapport public de la Cour des comptes, ne tient pas seulement à la crise mais aussi à la gestion du Gouvernement qui n'a pas maîtrisé suffisamment les dépenses pour compenser les baisses d'impôts, et qui n'a pas respecté ses engagements en matière d'encadrement des "niches fiscales".
Les assertions du Gouvernement selon lesquelles le déficit serait imputable à la seule crise s'en trouvent contrariées. En effet, malgré une croissance, certes modérée, de plus de 2 % par an, les déficits et la dette étaient fortement aggravés dès 2008, du fait à la fois des dépenses non contenues et des pertes de recettes consécutives à d'inutiles, coûteuses et injustes baisses d'impôts.
Dans son rapport annuel, la Cour des comptes a montré que le déficit structurel équivalait à la moitié du déficit.
Ainsi, la haute juridiction détaille le coût des nouvelles niches : l'an dernier, ce coût aura été supérieur de 1,2 milliard d'euros aux gains obtenus dans le même temps par ces suppressions. Si l'on ajoute l'augmentation du coût de la myriade de niches déjà existantes, le manque à gagner pour l'État passerait ainsi de 65,9 milliards d'euros à 70,7 milliards en 2009, soit une hausse de 7,3 %.
S'ajoutent à ces niches fiscales inutiles, au coût excessif et injustes socialement, des décisions « budgétivores » : la baisse de la taxe sur la valeur ajoutée dans la restauration, une nouvelle dépense fiscale non compensée et la défiscalisation des heures supplémentaires, dont le maintien est choquant en période de chômage.
C'est pourquoi il lui demande quelles mesures structurelles de grande ampleur elle entend mettre en œuvre pour redresser les finances publiques.

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Transmise au Ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État


Réponse du Ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État publiée le 05/08/2010

La Cour des comptes fait des analyses très justes et très utiles, et le Gouvernement met le plus souvent en oeuvre ses recommandations. Elle le relève d'ailleurs elle-même dans son rapport, puisque selon elle, sur 688 recommandations émises en 2006, 2007 et 2008, 502 ont donné lieu à des réformes : c'est 73 % de recommandations mises en oeuvre. Pour autant, il est tout à fait légitime que, sur des sujets aussi complexes que l'appréciation des effets de la crise sur l'ensemble de nos comptes publics, le Gouvernement puisse avoir une analyse divergente. Dans son rapport annuel, elle considère notamment que la dégradation du déficit public en 2009 ne tient pas uniquement à la crise. Dans son analyse, le passage d'un déficit de 3,4 % du produit intérieur brut (PIB) en 2008 à 7,9 % du PIB en 2009 serait en effet dû, à hauteur de 4 points à la crise, mais également, à hauteur de 0,6 point de PIB, à une dégradation structurelle des finances publiques. Plus précisément, la dégradation du déficit public de 4 points de PIB sous l'effet de la crise serait liée, selon la Cour : au coût du plan de relance, qui a représenté 1,2 point de PIB ; à la baisse des recettes fiscales et sociales, évalué à 2,8 points de PIB. Le Gouvernement considère, pour sa part, que la crise explique la totalité de la dégradation du déficit public entre 2008 et 2009, et non pas seulement 4 points de PIB. L'impact de la crise sur les recettes fiscales et sociales a été supérieur à celui retenu par la Cour, qui ne tient pas suffisamment compte du phénomène de « surréaction » des recettes en cas de dégradation marquée de l'activité. En effet, lors d'une crise aussi importante que celle à laquelle a été confrontée l'économie française, les recettes reculent lorsque l'activité baisse. Pour la plupart des recettes, l'ampleur de la baisse suit la contraction de l'activité économique. Cet effet a été constaté à hauteur de 2 points de PIB. Pour certaines recettes, cependant, la baisse est plus que proportionnelle à celle de l'activité, en raison de la nature de leur assiette, plus volatile (par exemple les bénéfices pour l'impôt sur les sociétés, ou les transactions immobilières pour les droits de mutation). Cet effet de « surréaction », qui s'ajoute aux 2 points de PIB de recul mécanique des recettes, a été sous-estimé dans l'analyse de la Cour des comptes. Il a pourtant été marqué, en particulier pour l'impôt sur les sociétés, pour lequel il a représenté une perte de recettes supplémentaire de 1 point de PIB. Également constaté pour les impôts assis sur le capital comme les droits de mutation (- 30 %) et pour les recettes sociales, ce phénomène aboutit à ce que l'impact de la crise explique la totalité de la variation du déficit public entre 2008 et 2009. Il convient de noter enfin que le programme de stabilité de la France 2010-2013 transmis à la Commission européenne le 1er février 2010 indiquait, compte tenu des informations disponibles à cette date sur l'exécution 2009, que le déficit des administrations publiques devait s'établir à 7,9 % du PIB en 2009. Le déficit public 2009 notifié le 1er avril 2010 a été révisé à 7,5 % du PIB, ce qui doit conduire à nuancer plus encore l'analyse faite par la Cour. De même, l'appréciation du mécanisme du gage des dépenses fiscales et des niches sociales faite par la Cour des comptes ne semble pas exacte. Selon la Cour, l'encadrement des dépenses fiscales prévu par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) n'aurait pas été respecté. La Cour estime que les mesures de gage doivent, chaque année, être supérieures aux dépenses fiscales. Cette interprétation, qui ne peut pas être tirée des dispositions de l'article 11 de la LPFP, n'est pas celle du Gouvernement pour qui la règle de gage doit être vérifiée une fois que mesures de gage et mesures correctrices sont totalement montées en puissance. L'interprétation du Gouvernement est constante depuis la présentation de la LPFP et a été reprise dès le rapport de M. Carrez qui mentionnait que « le Gouvernement applique donc la règle de gage en tenant compte de la montée en puissance des dispositifs ». À la différence de celle de la Cour, l'interprétation du Gouvernement ne contraint pas inutilement le choix des mesures de gage à adopter. En effet, elle ne conduit pas à exclure certaines mesures qui, pour des raisons liées aux règles d'assiette ou aux modalités de recouvrement des impôts, ne permettent pas d'avoir un impact dès l'année où la mesure est décidée. Ainsi, l'ensemble des mesures fiscales proposées par le Gouvernement depuis le projet de loi de finances pour 2009, y compris la création d'un taux réduit de la TVA pour la restauration, est quasiment gagé à horizon 2013. En excluant cette dernière mesure, qui correspond à la mise en oeuvre d'engagements pris de longue date par ce Gouvernement, les nouvelles dispositions en matière de niches fiscales permettraient même de réaliser une économie nette à cet horizon. Confirmant cette volonté, le Président de la République a rappelé lors de la deuxième conférence sur le déficit du 20 mai 2010 que 5 Md€ seront dégagés sur l'ensemble des niches fiscales et sociales d'ici 2012. Lors de cette conférence sur le déficit, il a rappelé que la France prendrait toutes les mesures nécessaires pour respecter la trajectoire de finances publiques notifiée dans le programme de stabilité. Dès 2011, cette cible sera respectée en infléchissant simultanément le rythme des dépenses des trois secteurs des administrations publiques. Cet effort doit en effet concerner l'ensemble des acteurs de la dépense : l'État, mais aussi les administrations de sécurité sociale et les collectivités locales, dont les dépenses ont connu une croissance très rapide au cours des vingt dernières années comme le démontre le rapport de MM. Champsaur et Cotis. Ces économies seront réalisées sur le champ de l'État par la mise en place d'un plan d'économies qui permet de geler les dépenses de l'État (hors pensions des agents publics et intérêts de la dette) en valeur sur trois ans. Ce plan s'appuie notamment sur la poursuite de la politique de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite dans le prochain budget triennal, la réduction des dépenses de fonctionnement courant de l'État de 10 en trois ans, avec une baisse de 5 % dès 2011, grâce aux économies documentées par la révision générale des politiques publiques (RGPP), un réexamen de toutes les dépenses d'intervention et l'application aux 655 opérateurs de l'État des mêmes règles transversales que pour l'État. Concernant les collectivités locales, les concours financiers de l'État, hors fonds de compensation pour la TVA (FCTVA), seront gelés en valeur à partir du budget triennal 2011-2013 et la péréquation des dotations de l'État sera renforcée. Dans le même temps, ces dotations seront modulées selon des critères de bonne gestion pour encourager les collectivités locales à réduire leurs dépenses dans les mêmes proportions que l'État. Parallèlement, il a été acté que les normes réglementaires imposées aux collectivités locales, génératrices de surcoûts, seront davantage encadrées. Concernant les administrations de sécurité sociale, le Président de la République a indiqué qu'au-delà des recommandations du rapport Briet pour un meilleur pilotage de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) qui ont été validées toutes les mesures d'économies nécessaires seront mises en place pour respecter cet objectif de manière systématique à compter de 2010. Il a en outre rappelé que la réforme des retraites allait conduire à soutenir l'activité et la croissance et contribuerait à conforter l'équilibre des comptes sociaux sur le moyen terme. Cette réforme réduira en effet le déficit structurel d'environ 1,2 point de PIB à horizon 2020, et conduira ainsi à une réduction de la dette brute de près de 10 points de PIB au même horizon. De manière plus générale, le Président de la République a rappelé sa volonté de poursuivre les réformes structurelles qui redressent la croissance et le refus de hausses générales d'impôts. Enfin, le Président de la République a estimé que le redressement des finances publiques devait être l'engagement de la nation et s'inscrire dans la durée. Pour cela, il souhaite engager une modification de la gouvernance de nos finances publiques par la mise en oeuvre d'une réforme constitutionnelle. Il a demandé au Premier ministre ainsi qu'au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État d'engager une large concertation visant à préciser les modalités de la réforme constitutionnelle qui fera obligation à chaque Gouvernement de s'engager pour cinq ans sur une trajectoire de solde structurel, ainsi que sur la date à laquelle l'équilibre des finances des administrations publiques doit être atteint. Cette stratégie d'ensemble permettra de concilier rétablissement de nos comptes publics et reprise de la croissance.

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