Question de M. MADEC Roger (Paris - SOC) publiée le 25/02/2010

M. Roger Madec attire l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur la nécessaire reforme de la procédure de garde à vue.
La garde à vue est un moyen mis à disposition de l'officier de police judiciaire pour les nécessités de l'enquête. Le nombre d'enquêtes a donc considérablement augmenté puisque 1 % de la population vivant en France a été concerné en 2009. La garde à vue est aujourd'hui devenue un indicateur de performance, un instrument de notation pour le ministère de l'intérieur envers les forces de l'ordre. Cette explosion de plus de 60 % entre 2001 et 2009 a entraîné de facto un grand nombre d'incidents traduisant les défauts importants de cette procédure et son dévoiement. La reforme de la procédure de garde à vue est nécessaire et elle pourrait s'inscrire dans le cadre plus large de la prochaine reforme de la procédure pénale. Le point stratégique, qui permettrait de mieux encadrer la garde à vue est la présence d'un avocat des la première minute. La jurisprudence européenne avec les arrêts Salduz c/ Turquie du 27 novembre 2008 et Dayanan c/ Turquie du 13 octobre 2009 impose le plein exercice de tous les droits de la défense dès la première minute de la privation de liberté. En conséquence, il lui demande de bien vouloir préciser si le projet de reforme de la procédure pénale permettra aux personnes en garde à vue de bénéficier réellement de l'assistance d'un avocat dès la notification de celle-ci.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 07/10/2010

La garde à vue d'un suspect intervenant au cours d'une enquête ou d'une instruction ne doit être possible que s'il s'agit d'un acte d'investigation indispensable à la manifestation de la vérité. Dans le cadre d'une réforme de l'ensemble de notre procédure pénale, une modification des règles existantes a été initiée poursuivant trois objectifs : maîtriser le nombre des gardes à vue, qui est en constante augmentation depuis plusieurs années, améliorer les conditions de la garde à vue, accroître de façon significative les droits, notamment le droit à l'avocat, des personnes gardées à vue. Ces modifications étaient par ailleurs justifiées pour mettre notre législation en pleine conformité avec les exigences résultant de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme. À cette fin, un avant-projet de nouveau code de procédure pénale, dont une première version, rendue publique en mars 2010, a fait l'objet d'une très large concertation, comportaient des dispositions en ce sens. Parallèlement, dans sa décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010, le Conseil constitutionnel, statuant sur une question prioritaire de constitutionnalité en application du nouvel article 61-1 de la Constitution, a estimé que les dispositions actuelles concernant les gardes à vue de droit commun n'assuraient pas une conciliation équilibrée entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties. Il a considéré que ces dispositions restreignent, sans considération des circonstances particulières de l'espèce, la possibilité de bénéficier d'une assistance effective d'un avocat, alors même que la personne gardée à vue ne reçoit pas la notification du droit de garder le silence. Le Conseil constitutionnel a toutefois décidé de reporter l'abrogation des dispositions déclarées inconstitutionnelles au 1er juillet 2011 afin de donner le temps au législateur d'élaborer un nouveau texte. La réforme de l'ensemble de la procédure pénale ne pouvant, en raison de son ampleur sans précédent, être achevée à cette date, le Gouvernement a en conséquence préparé un avant-projet de loi tendant à limiter et à encadrer les gardes à vue, qui comporte des modifications identiques à celles de la réforme d'ensemble de la procédure pénale, adaptées au regard à la fois du résultat de la concertation menée depuis mars 2010 et de la décision du Conseil constitutionnel. Il est ainsi prévu dans cet avant-projet de loi : de préciser de façon limitative les conditions de la garde à vue, qui ne sera notamment possible que pour les crimes ou les délits punis d'une peine d'emprisonnement ; d'interdire la prolongation des gardes à vue pour les délits les moins graves ; de renforcer le contrôle du procureur de la République sur les gardes à vue ; de rétablir la notification au gardé à vue de son droit au silence ; de permettre l'accès de l'avocat à certains des procès-verbaux de la procédure ; de prévoir la présence de l'avocat lors des auditions du gardé à vue ; d'interdire les fouilles à corps intégrales pour des raisons de sécurité. Ce projet devrait être adopté en conseil des ministres et déposé au Parlement dans les prochaines semaines, pour être ensuite examiné dans les meilleurs délais. Cette réforme impliquera la poursuite de la concertation, spécialement avec les organisations professionnelles d'avocats, pour faire dans le même temps évoluer les dispositions réglementaires, prises en application de l'article 64-1 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, concernant le montant de la rétribution due à l'avocat en raison de son intervention au cours de la garde à vue, compte tenu des nouvelles missions qui seront les siennes. Les dispositions de ce projet de loi représentent ainsi une avancée particulièrement significative pour les libertés individuelles et les droits de la défense. Elles constitueront la première phase de la refonte globale de notre procédure, qui permettra, de manière générale, à toutes les phases du processus pénal, depuis la mise en état de l'affaire jusqu'à l'exécution des peines, d'aboutir à une justice pénale pleinement cohérente, plus efficace, plus équitable et impartiale.

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