Question de M. FICHET Jean-Luc (Finistère - SOC) publiée le 25/02/2010

M. Jean-Luc Fichet attire l'attention de Mme la ministre de la santé et des sports sur la reconnaissance d'un diplôme d'herboriste en France. Ce diplôme a en effet été supprimé en 1941 par le Maréchal Pétain. Alors qu'il est rare que des dispositions prises par l'État français soient encore en vigueur dans notre droit actuel, celle-ci demeure, provoquant l'incompréhension de ceux qui veulent légitimement aspirer à exercer le métier d'herboriste.

Les herboristeries existantes sont tenues par les derniers possesseurs du diplôme, et seuls les pharmaciens ont aujourd'hui le droit de vendre des plantes médicinales. Ces derniers sont cependant poussés à vendre des produits pharmaceutiques plutôt que des plantes médicinales dont les propriétés peuvent être similaires mais la marge inférieure. A l'heure où la médecine des plantes, la phytothérapie, prouve son utilité, il faut donner à la médecine des simples un vrai canal et une vraie formation.

Au niveau européen, nos voisins reconnaissent le diplôme d'herboriste : le Royaume-Uni, la Belgique, l'Allemagne, la Suisse et l'Italie pour ne citer que ces pays. Si en France, on peut commercialiser certaines plantes, on ne peut pas fournir des conseils thérapeutiques si l'on n'est pas pharmacien. Développer et reconnaître les herboristes comme exercant une compétence entière qui peut s'exprimer en dehors du cadre de la formation des pharmaciens spécialisés permettrait de développer un savoir faire approfondi dans la médecine naturelle. Les herboristes sont les derniers gardiens d'un savoir traditionnel qu'il faut transmettre à la nouvelle génération.

Il lui demande donc quelles mesures législatives elle souhaite mettre en œuvre pour permettre à l'herboristerie d'être à nouveau reconnue comme une discipline à part entière dans notre pays.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé des sports publiée le 28/04/2010

Réponse apportée en séance publique le 27/04/2010

M. Jean-Luc Fichet. Le diplôme d'herboriste a été supprimé en 1941, aux heures les plus sombres de notre histoire. Il n'a pas été recréé depuis, mais les herboristes diplômés d'État peuvent, depuis l'ordonnance de 1945, continuer à exercer leur profession jusqu'à leur mort. Force est de constater qu'ils ne sont plus très nombreux et que la profession d'herboriste va disparaître.

Une réelle demande existe cependant : au moins deux cents étudiants chaque année souhaiteraient devenir herboristes, mais aucune formation ne leur est proposée. Le diplôme de pharmacien n'est pas adapté et les tentatives gouvernementales pour recréer le diplôme d'herboriste, en 1986 et en 1987, ainsi que les propositions de loi en ce sens n'ont jamais abouti.

Le Royaume-Uni, la Suisse, l'Italie, la Belgique et l'Allemagne offrent des formations diplômantes en herboristerie. Avec l'apparition d'internet, les produits peuvent être commandés dans les herboristeries de ces pays limitrophes et livrées en France. Les plantes médicinales connaissent un regain d'intérêt, en raison de leur coût moindre et de leurs effets plus positifs sur la santé que ceux des médicaments chimiques.

Il existe donc une réelle demande émanant d'une population qui souhaite approcher d'autres formes de soins, moins agressifs. Pour cela, les indications d'un herboriste professionnel sont nécessaires. Les patients souhaitant recourir à ce type de soins iront probablement se procurer ces plantes auprès de fournisseurs pas forcément aptes à prodiguer de bons conseils, alors qu'un spécialiste prendra le temps d'écouter le patient, en évitant toute interaction médicamenteuse indésirable. En outre, la recréation de cette profession représente une voie d'avenir à l'heure où l'on s'alarme du déficit grandissant de la sécurité sociale.

Les préparations magistrales à base de plantes réalisées en pharmacie ne sont plus remboursées par la sécurité sociale, et ce depuis 2007. Quelle est donc la logique de leur maintien sous monopole pharmaceutique ?

Soigner par les plantes suppose une véritable remise en cause des modes de pensée des médecins, des pharmaciens et des populations, et le fait que les marges des pharmaciens soient plus importantes sur les composés chimiques que sur les préparations magistrales ne va pas contribuer à élever le débat. Il faut offrir à l'herboristerie une vraie chance !

Quelles sont donc, madame la secrétaire d'État, les mesures que le Gouvernement compte mettre en œuvre pour permettre un accès au diplôme d'herboriste à ceux qui souhaitent se consacrer à la médecine des simples, à des soins à moindre coût, à des soins plus respectueux de la nature ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des sports. Comme vous l'avez indiqué, monsieur le sénateur, le diplôme d'herboriste a pratiquement disparu en France, puisqu'aucun n'a été délivré depuis 1941.

L'herboriste pouvait détenir et vendre des plantes ou des parties de plantes médicinales, indigènes ou acclimatées, à l'exception des plantes inscrites sur les listes des substances vénéneuses. Les plantes ne devaient pas être mélangées entre elles.

Actuellement, la plupart des plantes médicinales relèvent du monopole pharmaceutique et ne sont disponibles qu'en pharmacie. En effet, le pharmacien reçoit des cours de botanique au cours de sa formation, et il est donc habilité à vendre des plantes médicinales, mélangées ou non. Avec près de 23 000 officines de pharmacie réparties sur le territoire national, nous disposons d'un maillage suffisant pour répondre aux besoins de la population.

Toutefois, certaines plantes médicinales inscrites à la pharmacopée, qui figurent sur une liste établie par décret, sont exclues du monopole pharmaceutique et peuvent être vendues en dehors d'une officine. Aux termes d'un décret de 1979, cette liste comprenait 34 plantes, mais, par un décret publié au Journal officiel du 26 août 2008, la ministre de la santé a porté à 148 le nombre de plantes qui peuvent être vendues en dehors du circuit officinal. Ce décret a été pris après que l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé eut procédé à une évaluation de ces plantes.

Le double circuit actuel de vente – en officines pour les plantes dont l'usage comporte le plus de risques et en dehors pour celles qui ne présentent pas de danger – permet donc un accès large et sécurisé aux plantes médicinales. De ce fait, il n'est pas envisagé de le modifier.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet.

M. Jean-Luc Fichet. Je redoutais une telle réponse, madame la secrétaire d'État…

Si nous revenons régulièrement sur cette question du diplôme d'herboriste, c'est parce que l'on constate que les pharmaciens ne s'intéressent pas à cette dimension de leur profession. Aujourd'hui, l'herboristerie représente environ 3 % des ventes des pharmacies et les conseils prodigués dans ce domaine sont pratiquement inexistants. De plus, sur le plan économique, la vente de plantes n'offre pas de marges aussi importantes que celle de médicaments chimiques.

Cela étant, recréer un diplôme d'herboriste permettrait d'ouvrir une voie à de nouvelles formes de médecine. Vous faites état, madame la secrétaire d'État, de la possibilité actuelle de vendre 148 plantes en dehors des officines de pharmacie, mais les producteurs et les distributeurs de ces plantes, faute d'un diplôme officiel, ne peuvent théoriquement prodiguer aucun conseil à la vente. Il leur est en effet interdit de donner des indications à visée thérapeutique.

Votre réponse me semble donc insuffisante. Je souhaiterais vraiment que l'on puisse envisager la recréation d'une formation et d'un diplôme d'herboriste, quitte à mettre en place un tronc commun en première année avec le cursus de pharmacie. Cela permettrait de répondre à une réelle attente de la population, mais aussi d'un certain nombre de jeunes désireux de suivre une formation spécifique en herboristerie.

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