Question de Mme BOURZAI Bernadette (Corrèze - SOC) publiée le 25/02/2010

Mme Bernadette Bourzai appelle l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, sur les tarifs d'achat de l'électricité produite à partir de la biomasse. Le Président de la République s'est engagé à les tripler. Mais l'arrêté tarifaire qui traduit cet engagement pose des conditions si restrictives, notamment une puissance électrique minimale de 5 mégawatts, que, dans la pratique, la plupart des entreprises concernées, qui sont pourtant proches des ressources du terrain et les mieux à même de mettre en œuvre des réseaux de chaleur et d'électricité de proximité favorisant le développement local, perdent le bénéfice de cette annonce, qui est dès lors réservé aux seuls grands groupes des secteurs du papier et de la chimie. Lors de la séance des questions cribles au Sénat, le 26 janvier dernier, sur le thème « Copenhague, et après ? », il lui a répondu : « les entreprises qui produisent plus de 5 mégawatts, et qui bénéficient donc de tarifs plus élevés, puisque ceux-ci ont été triplés conformément aux engagements, possèdent des filtres à particules. En dessous de ce seuil, elles n'en disposent pas. Or, pour l'instant, nous ne souhaitons pas un développement massif de la biomasse produite sans filtres à particules. Ce point fait partie des difficultés que nous rencontrons, mais j'espère que nous surmonterons bientôt cette contradiction. » Elle lui fait remarquer si les centrales de forte puissance sont soumises à une réglementation sur les poussières et les particules très stricte, c'est également le cas pour les centrales et les chaufferies bois de plus faible puissance, au titre de la réglementation ICPE et, désormais, pour obtenir les aides du Fonds Chaleur. L'ADEME impose en effet un seuil de 50 mg/Nm3 pour les chaufferies collectives et de 30 mg/Nm3 pour les chaufferies industrielles. Ces seuils exigent de mettre en place des filtres à particules (électrofiltres, filtres à manche ou laveur/condenseur de fumée). Classiquement, les niveaux de performances atteints sont inférieurs à 10 mg/Nm3. Compte tenu de ces précisions, elle lui demande quelles mesures le Gouvernement compte prendre afin que les petites centrales bénéficient également de tarifs d'achat avantageux qui reconnaissent objectivement les efforts mis en œuvre afin de limiter les émissions de particules.

- page 409


Réponse du Secrétariat d'État au logement et à l'urbanisme publiée le 19/05/2010

Réponse apportée en séance publique le 18/05/2010

Mme Bernadette Bourzai. Ma question porte sur les tarifs d'achat de l'électricité produite à partir de la biomasse, notamment forestière.

Voilà exactement un an, à un jour près, le Président de la République s'est engagé à Urmatt à « doubler et si c'est nécessaire […] tripler le tarif d'achat obligatoire d'électricité produite par des unités de cogénération, de taille moyenne, à partir du bois » pour accroître la valorisation énergétique du bois ».

Mais l'arrêté tarifaire qui traduit cet engagement pose des conditions trop restrictives, notamment une puissance électrique minimale de 5 mégawatts. Dans la pratique, la plupart des entreprises concernées, pourtant proches des ressources du terrain et les mieux à même de mettre en œuvre des réseaux de chaleur et d'électricité de proximité favorisant le développement local, perdent le bénéfice de cette mesure.

L'application de cet arrêté profite dès lors aux seuls grands groupes des secteurs du papier, des panneaux et de la chimie.

Lors de la séance des questions cribles au Sénat, le 26 janvier dernier, sur le thème « Copenhague et après ? », j'avais déjà interrogé M. Borloo qui m'avait alors répondu ceci : « les entreprises qui produisent plus de 5 mégawatts, et qui bénéficient donc de tarifs plus élevés, puisque ceux-ci ont été triplés conformément aux engagements, possèdent des filtres à particules. En dessous de ce seuil, elles n'en disposent pas. Or, pour l'instant, nous ne souhaitons pas un développement massif de la biomasse produite sans filtres à particules. Ce point fait partie des difficultés que nous rencontrons, mais j'espère que nous surmonterons bientôt cette contradiction. »

Monsieur le secrétaire d'État, j'appelle toute votre attention sur le fait que, si les centrales de forte puissance sont soumises à une réglementation stricte sur les poussières et les particules, c'est également le cas pour les centrales et les chaufferies bois de plus faible puissance, au titre de la réglementation des installations classées pour la protection de l'environnement et, désormais, pour obtenir les aides du fonds chaleur.

L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, impose en effet un seuil de 50 milligrammes par normal mètre cube, ou Nm3, pour les chaufferies collectives et de 30 milligrammes par Nm3 pour les chaufferies industrielles. Ces seuils exigent de mettre en place des filtres à particules : électrofiltres, filtres à manche ou laveur-condenseur de fumée. Classiquement, les niveaux de performance atteints sont inférieurs à 10 milligrammes par Nm3.

Compte tenu de ces précisions, et alors que le Sénat va commencer ce soir l'examen du projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, lequel comprend plusieurs dispositions visant à améliorer l'exploitation du bois et à mieux rentabiliser la ressource forestière, je vous demande quelles mesures le Gouvernement compte prendre afin que les petites centrales bénéficient également de tarifs d'achat avantageux, qui prennent objectivement en compte les efforts mis en œuvre afin de limiter les émissions de particules. Pour cela, il faudrait que le seuil soit nettement inférieur à 5 mégawatts, et s'établisse si possible à 0,5 mégawatt.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme. Madame la sénatrice, le Grenelle de l'environnement a fixé des objectifs ambitieux de développement de la production d'énergie à partir de la biomasse. Ces objectifs ont été confirmés dans la programmation pluriannuelle des investissements adoptée en janvier dernier.

Le Gouvernement entend donner une priorité aux installations les plus performantes d'un point de vue énergétique. C'est donc la valorisation sous forme de chaleur qui est encouragée, grâce au Fonds « chaleur renouvelable », qui a été doté de 1 milliard d'euros pour la période 2009-2011.

À titre complémentaire, la valorisation électrique est également encouragée, même si cette valorisation a un intérêt moindre d'un point de vue énergétique. La programmation pluriannuelle des investissements fixe ainsi un objectif d'accroissement de capacité de 520 mégawatts à l'horizon de 2012 et de 2 300 mégawatts à l'horizon de 2020.

Pour atteindre ces objectifs, le Gouvernement a tout d'abord décidé de lancer dans les toutes prochaines semaines un appel d'offres pluriannuel pour développer des grandes installations de cogénération, c'est-à-dire de puissance supérieure à 12 mégawatts ; cet appel d'offres portera sur 800 mégawatts. En outre, conformément aux engagements du Président de la République, le tarif d'achat de l'électricité sera triplé pour les installations de taille moyenne, c'est-à-dire de puissance comprise entre 5 et 12 mégawatts.

En revanche, le Gouvernement n'a pas pour stratégie de développer les installations de moins de 5 mégawatts, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, les installations de faible puissance ont un coût très élevé. Or le Gouvernement a pour objectif – j'imagine que vous le partagez – de maîtriser la contribution au service public de l'électricité, qui est, il convient de le souligner, acquittée par chaque consommateur d'électricité. C'est donc notre responsabilité de limiter ce coût.

Ensuite, ces petites installations ne sont pas soumises à des normes suffisamment exigeantes pour le moment en termes de qualité de l'air. Or la combustion du bois entraîne des émissions de particules nocives pour la santé. C'est pourquoi le plan national santé-environnement et le plan particules recommandent de soutenir uniquement les installations les moins polluantes.

Enfin, le développement incontrôlé de telles installations en grand nombre rendrait impossible la maîtrise des conflits d'usage sur la ressource en bois. Nos papetiers, nos fabricants de bois d'œuvre se trouveraient en effet face à des difficultés d'approvisionnement. Ce sont donc des filières industrielles entières qui se trouveraient pénalisées.

Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement a ouvert le tarif d'achat au segment 5-12 mégawatts.

À titre dérogatoire, les scieries qui s'engagent à disposer de capacités de séchage du bois et qui limitent au maximum leurs émissions de particules pourront bénéficier du tarif à partir de 1 mégawatt. Cette mesure, décidée lors du dernier comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire, permettra de conforter les scieries implantées en secteur rural.

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai.

Mme Bernadette Bourzai. Monsieur le secrétaire d'État, la réponse que vous venez de me faire ne me convient pas du tout. Elle ignore totalement le développement local et l'exploitation des ressources forestières de proximité. Je pense non seulement à ce qui se pratique non seulement dans mon département, la Corrèze, mais aussi dans le reste du Limousin et dans le Massif central. D'ailleurs, d'autres massifs en France sont dans la même situation.

Quand on crée un réseau de chaleur de 6,4 mégawatts, comme je l'ai fait dans ma ville, qui chauffe l'équivalent de 1 650 logements et d'importants établissements de formation – c'est la « capitale » du génie civil en France –, auquel sont raccordées des scieries pour leurs séchoirs ou une société d'abattage et de transformation de viande, on ne peut pas se satisfaire d'une telle réponse. Je le répète, vous oubliez le développement local !

Vous placez la barre beaucoup trop haut. Ces fameux appels d'offres de la CRE, la Commission de régulation de l'énergie, sont de véritables outils de dérégulation du marché. J'en sais quelque chose ! Je n'ai pas pu signer un contrat pérenne et à prix fixe, car trois centrales de production de biomasse forestière devaient être réalisées à trente kilomètres de ma ville. Mais elles ne se feront jamais !

Je vous informe que je vais demander une évaluation des appels d'offres de la CRE afin de démonter ce système, qui est inacceptable !

- page 3387

Page mise à jour le