Question de Mme LE TEXIER Raymonde (Val-d'Oise - SOC) publiée le 04/02/2010

Mme Raymonde Le Texier attire l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur la situation difficile de la justice dans le Val d'Oise.

En effet, au tribunal de grande instance de Pontoise, il y a 11 postes de magistrats vacants sur un effectif total de 65 et 40 postes de fonctionnaires non pourvus sur un effectif de 167 ; un quart des effectifs en moins pendant six mois, magistrats et greffe confondus, au tribunal pour enfants : les conditions dans laquelle la justice est rendue dans le Val-d'Oise, sont révélatrices de la situation dans laquelle se trouve la justice en France caractérisée par la pénurie de personnel, des conditions de travail dégradées et un engorgement des tribunaux.

Les magistrats dénoncent, non seulement les atteintes sans précédent portés à l'indépendance de la magistrature, mais aussi la misère d'un service public qui n'est plus en mesure de traiter dans des conditions normales les attentes des justiciables : allongement des délais, audiences surchargées, temps consacré à chaque affaire abrégé… Le manque d'effectif retarde la prise en charge et augmente la durée de traitement de situations humaines douloureuses.

Pour ces magistrats, qui font un travail énorme, ont des journées à rallonge, des responsabilités importantes et tout cela pour un salaire loin de faire rêver, ne pas pouvoir remplir correctement leur mission de service public est source d'insatisfaction et d'inquiétude. Mais elle lui rappelle que la misère de la justice ne date pas d'hier, même si la situation atteint aujourd'hui un seuil dangereux et inédit pour la sérénité et l'efficacité de cette institution.

La fronde qui a eu lieu lors de la rentrée solennelle du tribunal de grande instance de Pontoise en est la preuve. Par cette action, les magistrats ont voulu alerter les représentants du peuple que sont les sénateurs, sur la gravité de la situation. Que l'État ne soit plus en mesure d'exercer dans des conditions acceptables une de ses fonctions régaliennes essentielles est déjà grave, qu'il ait été alerté et n'agisse pas pour remédier à la situation est dramatique.
La situation est d'autant plus tendue au tribunal de grande instance de Pontoise, que l'ouverture du procès Concorde va mobiliser un nombre important de personnels, qui feront grandement défaut dans les services où ils sont normalement affectés. Les limites de ce qui est acceptable dans le respect des professionnels, de l'organisation du travail, de la qualité du service et du traitement des justiciables sont déjà dépassés et l'arrivée d'un tel procès ne fera qu'empirer les choses. De conditions de travail normales dépend aussi la qualité de notre justice. De cela le ministère est comptable.

Elle lui demande si elle s'engage à donner les moyens au tribunal de grande instance de Pontoise de faire son travail ? si elle s'engage à faire en sorte que les effectifs soient pourvus, chez les magistrats comme dans l'administration dans les plus brefs délais ? si elle s'engage à investir pour que la justice puisse réellement jouer son rôle de garante des droits et de protection des individus et de la société ?

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 07/04/2010

Réponse apportée en séance publique le 06/04/2010

Mme Raymonde Le Texier. Madame le garde des sceaux, je souhaite attirer votre attention sur les conditions de travail du tribunal de grande instance de Pontoise. En effet, 11 postes de magistrats sur un effectif total de 65 et 40 postes de fonctionnaires sur 167 ne sont pas pourvus. Au tribunal pour enfants, il manque, depuis plusieurs mois, un quart des effectifs, magistrats et greffe confondus.

Les magistrats dénoncent la misère d'un service public qui n'est plus en mesure de répondre, dans des conditions normales, aux attentes des justiciables. Pour ces magistrats, qui ont des journées sans fin et des responsabilités importantes moyennant un salaire qui est loin de faire rêver, ne pas pouvoir remplir correctement leur mission de service public est source d'insatisfaction et d'inquiétude.

Mais je ne vous apprends rien, car la misère de la justice ne date pas d'hier, même si la situation atteint aujourd'hui un seuil dangereux et inédit pour la sérénité et l'efficacité de l'institution. La fronde qui a eu lieu lors de la rentrée solennelle du tribunal de grande instance de Pontoise en est la preuve. Par cette action, les magistrats ont voulu alerter les représentants du peuple que nous sommes sur la gravité de la situation.

Que l'État ne soit plus en mesure d'exercer, dans des conditions acceptables, une de ses fonctions régaliennes essentielles est déjà grave, qu'il ait été alerté et qu'il n'agisse pas pour remédier à la situation l'est davantage encore.

À Pontoise comme ailleurs, les limites de ce qui est acceptable au regard du respect dû aux professionnels, de l'organisation du travail, de la qualité du service et du traitement des justiciables sont déjà dépassées. Le déroulement du procès relatif à l'accident du Concorde aggrave encore la situation, car il mobilise des personnels en nombre important, qui font grandement défaut dans les services où ils sont normalement affectés. Or la qualité de notre justice, dont nous sommes comptables, dépend aussi des conditions de travail.

Madame le garde des sceaux, ma question n'a d'autre but que de vous solliciter afin que tous les postes du tribunal de Pontoise soient pourvus, chez les magistrats comme dans l'administration, dans les meilleurs délais. Quels engagements seriez-vous prête à prendre aujourd'hui pour que ce tribunal puisse travailler dans de bonnes conditions ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre d'État.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Madame Le Texier, je veille plus que quiconque, et c'est bien normal, au bon fonctionnement de la justice et aux moyens dont elle dispose.

Vous l'avez dit, la justice souffre d'avoir été trop longtemps mise à l'écart des efforts qui ont été accomplis. Depuis quelques années, le mouvement s'inverse partout. Ainsi, l'effectif des magistrats localisé – c'est-à-dire les personnes en poste – au tribunal de grande instance de Pontoise, qui était de 57 en 2002, a été porté à 65 en février 2009, soit 8 emplois de magistrats créés en sept ans.

Certes, aujourd'hui, 2 postes de magistrats – et non 11, comme cela vous a été indiqué à tort – ne sont actuellement pas pourvus : un poste de juge d'instruction et un poste de juge en charge du tribunal d'instance de Gonesse.

Pour des raisons que j'ignore, nous avons des difficultés récurrentes à pourvoir ce dernier poste. Aussi ai-je décidé de l'inscrire sur la liste des postes offerts aux auditeurs sortant cette année de l'École nationale de la magistrature. Nous nous donnons ainsi enfin les moyens de résoudre les problèmes de ce tribunal.

Il faut en outre tenir compte des absences liées à des congés de maladie ou de maternité, comme dans tous les services de l'État. On ne peut donc, à cet égard, parler de « vacances » ; vous le savez, les juristes sont attachés à la précision des termes utilisés !

Pour pallier ces absences, une partie des treize magistrats placés auprès des chefs de la cour d'appel de Versailles a été déléguée au tribunal de Pontoise tout au long de l'année.

S'agissant spécifiquement du tribunal pour enfants, les effectifs localisés sont de 7 magistrats. Ils seront portés à 8 dans la localisation des emplois pour 2010.

Mes services étudient de surcroît avec la plus grande attention la demande de création de 2 emplois supplémentaires de magistrats placés à la cour d'appel de Versailles dans la circulaire de localisation de 2010.

Vous avez également évoqué la situation particulière liée l'ouverture du procès relatif à l'accident du Concorde. Les effectifs spécifiques des juges non spécialisés de la juridiction ont été augmentés de 2 magistrats supplémentaires. Ils seront à nouveau renforcés dès le deuxième trimestre de 2010 par la nomination d'un troisième juge supplémentaire.

Le tribunal de grande instance de Pontoise compte actuellement 165 agents dont 8 greffiers en chef, 74 greffiers, 5 secrétaires administratifs, 71 adjoints administratifs et 7 adjoints techniques.

À la suite des différentes commissions administratives paritaires du ministère de la justice de novembre 2009, un greffier en chef, un greffier et trois adjoints administratifs ont pris leurs fonctions le 1er mars 2010. Par ailleurs, l'arrivée, le 3 mai 2010, de quatre greffiers sortant de l'École nationale des greffes portera à 174 l'effectif de cette juridiction.

En outre, 6 postes supplémentaires de greffiers ont été inscrits à la commission administrative paritaire qui s'est réunie du 30 mars au 2 avril 2010.

Enfin, au titre de l'année 2010, le tribunal de grande instance de Pontoise pourra bénéficier de crédits vacataires délégués dans le cadre du budget opérationnel de programme de la Cour.

Madame la sénatrice, comme vous pouvez le constater, des efforts ont été accomplis depuis plusieurs années, efforts encore renforcés par les deux dernières commissions paritaires, afin d'augmenter les effectifs courants et ceux qui sont rendus nécessaires par la tenue du procès consécutif à l'accident du Concorde.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier.

Mme Raymonde Le Texier. Madame la garde des sceaux, je vous remercie d'être venue en personne répondre à deux questions ce matin et de m'avoir apporté ces différentes précisions.

L'augmentation des effectifs de 2002 à 2009 est totalement justifiée par l'accroissement démographique d'un département qui est le plus jeune de France. Les jeunes prévenus y sont donc nécessairement plus nombreux. Or il est important de réduire le délai de leur prise en charge. Vous le savez, il est extrêmement fâcheux que les audiences soient surchargées et que les magistrats consacrent un temps trop court aux jeunes prévenus. Mieux vaut faire un rappel à la loi, fût-ce en prenant le temps de donner au jeune toutes les explications nécessaires, que de juger une affaire deux ou trois ans après les faits. (Mme la ministre d'État fait un signe d'acquiescement.)

En ce qui concerne les congés de maternité, je fais remarquer que la profession de magistrat se féminise. Le niveau des traitements des magistrats n'est d'ailleurs peut-être pas étranger à cette féminisation, et c'est là un constat doublement regrettable.

Quoi qu'il en soit, madame le garde des sceaux, je prends acte des éléments que vous m'avez fournis et qui me semblent a priori positifs. Il n'empêche que, à Pontoise, et sans doute aussi ailleurs, de nombreux magistrats travaillent 70 heures par semaine pour un salaire de 3 000 euros.

M. le président. Madame le garde des sceaux, je tiens à souligner que vous êtes, parmi les ministres régaliens, l'un de ceux qui s'attachent le plus à être présents dans cet hémicycle lors des séances de questions orales.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Merci, monsieur le président.

M. le président. Mes chers collègues, en attendant que M. Estrosi, ministre chargé de l'industrie, rejoigne l'hémicycle pour répondre aux questions suivantes, permettez-moi de saluer la présence dans les tribunes d'une classe de lycéens venant de Marseille.

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