Question de Mme MORIN-DESAILLY Catherine (Seine-Maritime - UC) publiée le 28/01/2010

Mme Catherine Morin-Desailly attire l'attention de Mme la secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique sur la réglementation en vigueur dans la gestion des coffres-forts numériques et sur la réglementation en vigueur dans la gestion des bulletins de paie dématérialisés.

Concernant la gestion des bulletins de paie dématérialisés, la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures sur le bulletin de paie électronique permet à l'employeur de remettre à ses salariés un bulletin de paie sous forme électronique. Mais outre l'acceptation par les salariés, les entreprises rencontrent des difficultés auprès de certaines administrations qui exigent toujours une remise papier des documents. En conséquence, elle lui demande comment le Gouvernement envisage d'accélérer la reconnaissance des documents dématérialisés par toutes les administrations ?

Les coffres-forts électroniques, services en ligne hautement sécurisés permettant d'archiver facilement l'ensemble de fichiers numériques sensibles, sont régis par l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives. Les offres payantes de coffres-forts numériques apparaissent et tendent à se développer très rapidement. C'est pourquoi, elle souhaiterait savoir quelles garanties confidentielles et surtout pérennes les salariés, mais également l'ensemble des concitoyens, peuvent-ils attendre de ces coffres-forts numériques ?

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Réponse du Secrétariat d'État chargé de la prospective et du développement de l'économie numérique publiée le 07/04/2010

Réponse apportée en séance publique le 06/04/2010

Mme Catherine Morin-Desailly. Madame la secrétaire d'État, je souhaite attirer votre attention sur la réglementation en vigueur dans la gestion des coffres-forts et des bulletins de paie dématérialisés.

À l'heure où le Gouvernement s'engage résolument dans le développement du numérique, avec une allocation de 2,5 milliards d'euros dans le grand emprunt, initiative que je salue, la dématérialisation croissante des documents administratifs – bulletins de paye, déclaration de TVA… –, des documents légaux – titres de propriétés, actions... –, ou encore des documents commerciaux – commandes, factures... –, mais aussi des démarches, du type de la déclaration d'impôt, pose le problème de la sécurité des informations transmises.

En effet, si la dématérialisation des documents apporte de nombreux avantages, notamment l'accélération des flux, la diminution des coûts de traitement, la diminution des frais d'envoi, la suppression d'une grande partie des surfaces de stockage, elle n'en pose pas moins un défi en termes de garantie de la confidentialité et de la pérennité des informations transmises, défi auquel l'État doit pouvoir répondre en apportant les garanties nécessaires aux différents acteurs, qu'il s'agisse de simples citoyens, des administrations ou des entreprises.

La loi du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et relative à la signature électronique a posé le principe de l'indépendance entre le document écrit et son support technique. Si ces dispositions sont conformes à l'esprit des directives européennes, elles se sont révélées peu applicables.

En conséquence, je souhaiterais savoir, madame la secrétaire d'État, comment vous entendez remédier à cette situation.

Par ailleurs, les documents dématérialisés doivent pouvoir être stockés à très long terme, tout en garantissant leur nécessaire confidentialité. Le développement des coffres-forts électroniques, services en ligne hautement sécurisé permettant d'archiver, d'indexer et de retrouver facilement l'ensemble des fichiers numériques sensibles, semble être en mesure d'apporter une réponse à ce problème. Ce marché est émergent, et les offres payantes de coffres-forts numériques apparaissent souvent groupées avec d'autres services bancaires.

Dans ce domaine, l'intervention du législateur peut sécuriser et donc encourager le développement des usages. Ainsi, l'ordonnance du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives a jeté les bases d'un espace de stockage en ligne à destination de l'usager et exploité sous la responsabilité de l'État. Par ailleurs, la loi de simplification et de clarification du droit et d'allégement des procédures a autorisé la dématérialisation du bulletin de paie des salariés. Mais ce cadre juridique me semble, en l'état, insuffisant.

Ainsi, madame la secrétaire d'État, pouvez-vous m'indiquer quelles garanties de confidentialité dans la durée, sur des périodes de trente, quarante voire cinquante ans, les salariés mais également l'ensemble de nos concitoyens peuvent-ils attendre de ces coffres-forts numériques ? Ne pensez-vous pas qu'il faudrait aménager la législation en vigueur pour encourager et pour sécuriser le développement de ces nouveaux usages ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique. Madame la sénatrice, votre question met l'accent sur la nécessité de disposer d'un ensemble cohérent de « briques de confiance » pour pouvoir profiter pleinement de la dématérialisation de certains documents.

Vous avez cité les bulletins de salaire, mais tous les justificatifs dématérialisés sont concernés, qu'il s'agisse des factures d'énergie ou de téléphone utilisées comme preuves de domicile, ou des relevés d'identité bancaires imprimables en ligne. Toutes les impressions papier de ces documents sont aujourd'hui juridiquement valables pour constituer un dossier administratif. Néanmoins, deux problèmes se posent et doivent être absolument résolus pour que l'ensemble des « briques de confiance » forme un tout cohérent.

Premier point, si l'on veut utiliser sous forme papier des justificatifs créés initialement sous forme électronique, comment garantir que l'impression papier par l'usager ne fait pas l'objet d'une altération frauduleuse ? C'est là un problème majeur.

Second point, si l'on procède à une démarche totalement électronique, comment les administrations peuvent-elles reconnaître directement les justificatifs sous forme dématérialisée en étant sûres que ces derniers n'ont pas fait l'objet de transformations frauduleuses ?

Sur le premier point, le secrétariat d'État travaille avec le ministère de l'intérieur et le ministère chargé de la réforme de l'État, ainsi qu'avec tous les acteurs concernés, à la définition d'une norme de code barre infalsifiable, imprimable sur les justificatifs et permettant de garantir leur authenticité. Il sera ainsi possible de vérifier qu'un document papier, qu'il s'agisse d'un original ou d'une impression réalisée par l'usager à partir d'un document numérique, contient bien des données authentiques.

Sur le second point, l'administration propose déjà à l'usager, avec le portail <mon.service-public.fr>, un compte en ligne personnalisé lui permettant d'effectuer toutes sortes de démarches dématérialisées avec différents services : les caisses de retraite, les URSSAF, les caisses d'allocation familiale, les caisses de sécurité sociale, etc. Il peut déjà joindre les différents justificatifs demandés sous forme dématérialisée, qu'il les ait reçus ainsi ou qu'il les ait scannés à partir d'une version papier. La liste des administrations accessibles à travers ce portail a bien sûr vocation à s'allonger.

En effet, de manière plus générale, dans un rapport remis en février dernier à Éric Woerth et à moi-même, le groupe d'experts sur les questions numériques, présidé par Franck Riester, a recommandé d'améliorer les relations numériques entre l'administration et les usagers. Ce rapport a mis en lumière ce que vous avez aussi souligné, madame la sénatrice, le réel désir des usagers de pouvoir mieux bénéficier de la dématérialisation et de voir se développer les téléprocédures.

Le site <mon.service-public.fr> propose déjà un coffre-fort électronique gratuit, dédié à des fins spécifiques puisqu'il est réservé aux échanges avec l'administration.

D'autres offres commerciales de coffre-fort électronique existent, gratuites ou payantes. Elles permettent aux internautes de stocker des documents dématérialisés et d'avoir différents échanges avec des partenaires publics ou privés, ce que n'offre pas aujourd'hui <mon.service-public.fr>. Les garanties proposées par ces offres commerciales sont d'ordre contractuel. Il est donc important que les utilisateurs choisissent des sociétés de confiance, capables de garantir la sécurité de leurs documents, ainsi que leur archivage sur le long terme ; je pense en particulier aux bulletins de salaire, qui doivent être archivés durant plusieurs décennies.

Un travail est mené pour parfaire ce système. La Fédération nationale des tiers de confiance, qui regroupe les experts-comptables, les greffiers des tribunaux de commerce et les huissiers de justice, ainsi que les principales sociétés intéressées par la dématérialisation et les sociétés de sécurité électronique, propose un label applicable aux coffres-forts électroniques. Ce label permet de distinguer les prestataires de confiance. Nous serons certainement amenés à en faire une plus grande publicité.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, de ces explications extrêmement claires sur un sujet en constante évolution, et auquel nous devons accorder une grande attention.

Les questions que je soulève aujourd'hui m'ont été soumises par un certain nombre d'entreprises et d'administrations, à la suite des difficultés de mise en œuvre de la dématérialisation.

Comme vous l'avez rappelé, madame la secrétaire d'État, celle-ci est vivement souhaitée par nos concitoyens et, dans le cadre du développement durable, il apparaît effectivement utile de se pencher sur ces technologies nouvelles permettant d'économiser du papier. Toutefois, il faut, de toute évidence, apporter un certain nombre de garanties aux usagers.

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