Question de Mme BRICQ Nicole (Seine-et-Marne - SOC) publiée le 15/01/2010

Question posée en séance publique le 14/01/2010

Mme Nicole Bricq. Le Conseil constitutionnel a censuré la loi de finances pour 2010. À l'annonce de cette décision, le Gouvernement a, dans un premier temps, été saisi d'une grande fébrilité. Les ministres se sont précipités pour expliquer à l'opinion qu'il s'agissait d'une erreur technique qui serait réparée dès le 20 janvier.

Dans un deuxième temps, il n'était plus question que la nouvelle mouture de la taxe soit opérationnelle en juillet.

Dans un troisième temps, un ministre de la République accuse ni plus ni moins le Conseil constitutionnel de partialité politique… Le Premier ministre lui-même se déclare « surpris ».

Cette décision du Conseil constitutionnel souligne une méthode de Gouvernement que l'on peut caractériser par trois mots : improvisation, précipitation, confusion. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)

M. Didier Boulaud. Paupérisation !

M. René-Pierre Signé. Amateurisme !

Mme Nicole Bricq. En l'occurrence, il fallait que le Président de la République arrivât au sommet de Copenhague en unique champion de la cause écologique. Nous avons vu le résultat !

Mais il y a plus grave. En multipliant les exonérations pour les entreprises, pourtant déjà fort bien servies par la suppression de la taxe professionnelle, en instaurant une taxe supplémentaire sur les ménages sans prendre en compte leur niveau de revenu – alors que, selon un rapport qui a été remis au Gouvernement, la précarisation énergétique touche près de trois millions et demi de foyers – et en s'accrochant à l'injustice fiscale symbolisée par le bouclier fiscal,…

M. Josselin de Rohan. Il y avait longtemps !

Mme Nicole Bricq. … le Gouvernement a rendu un très mauvais service à la cause écologique, assimilée par nos concitoyens à un privilège pour une élite, dans un système fiscal déjà fort bienveillant pour les riches.

Ma question est simple et elle s'adresse au Premier ministre, puisqu'il est le chef du Gouvernement : comment envisagez-vous de réparer ce qu'il faut bien considérer comme un gâchis ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)


Réponse du Premier ministre publiée le 15/01/2010

Réponse apportée en séance publique le 14/01/2010

M. François Fillon, Premier ministre. Madame Bricq, je suis ravi de pouvoir répondre à votre interpellation, faite au nom du groupe socialiste.

Le Conseil constitutionnel a annulé les dispositions du projet de loi de finances concernant la taxe carbone.

M. Didier Boulaud. Le vilain ! (Sourires sur les mêmes travées.)

M. François Fillon, Premier ministre. Il a considéré qu'il y avait inégalité devant l'impôt du fait que les grandes entreprises qui sont très émettrices de CO2 n'étaient pas assujetties à cette taxe. Il se trouve que ces grandes entreprises sont concernées par un dispositif européen de quotas.

M. René-Pierre Signé. Elles souffrent tant !

M. François Fillon, Premier ministre. Ce système de quotas, gratuit jusqu'en 2013, a été mis en place par l'Union européenne pour inciter ces entreprises à investir et à changer leurs comportements, tout comme la taxe carbone, qui sera intégralement remboursée aux ménages,…

M. Didier Boulaud. Cela reste à voir !

M. François Fillon, Premier ministre. … est destinée à encourager des changements de comportement.

Le Gouvernement a pris acte de la décision du Conseil constitutionnel. Le ministre d'État en charge de l'écologie présentera au conseil des ministres du 20 janvier un dispositif qui prendra en compte les critiques du Conseil constitutionnel en étendant la taxation aux entreprises très émettrices de CO2. Cette extension sera cependant assortie d'un mécanisme de compensation, qui reste à définir, afin d'éviter que ces entreprises ne soient brutalement exposées à une perte de compétitivité qui risquerait d'entraîner leur disparition ; je pense notamment aux entreprises sidérurgiques ou aux cimenteries.

Nous en discuterons avec les partenaires sociaux et les représentants des entreprises avant de saisir le Parlement. En tout état de cause, le Gouvernement souhaite que la taxe carbone puisse s'appliquer à partir du 1er juillet prochain.

On ne peut pas accuser le Gouvernement de précipitation. La création d'une taxe carbone était un engagement du Président de la République.

M. Didier Boulaud. Un parmi d'autres !

M. François Fillon, Premier ministre. Elle a fait l'objet d'une mission conduite par Michel Rocard,…

MM. Josselin de Rohan et Alain Gournac. Tout à fait !

Mme Nicole Bricq. Mais vous ne l'avez pas écouté !

M. François Fillon, Premier ministre. … dont nous avons repris la quasi-totalité des propositions. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Enfin, elle a reçu la bénédiction du Conseil d'État.

« Improvisation », disiez-vous, pour qualifier la méthode du Gouvernement. Si vous voulez parler d'improvisation, je vous invite à balayer devant votre porte ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Alain Gournac. Ah oui !

M. François Fillon, Premier ministre. Le parti socialiste n'a-t-il pas signé la charte de Nicolas Hulot, qui prévoyait la création d'une taxe carbone ?

M. David Assouline. Pas cette taxe-là !

M. François Fillon, Premier ministre. N'a-t-il pas voté la loi sur le Grenelle de l'environnement, dont un article prévoit la mise en œuvre d'une taxe carbone ?

Enfin, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande d'être attentifs à un point. Le recours du parti socialiste contre la loi de finances ne faisait à aucun moment mention de l'inconstitutionnalité de la taxe carbone ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de l'UMP. – Plusieurs sénateurs de l'Union centriste applaudissent également.)

M. David Assouline. Nous sommes favorables à une fiscalité écologique !

- page 156

Page mise à jour le