Question de M. MULLER Jacques (Haut-Rhin - SOC-R) publiée le 27/01/2010

Question posée en séance publique le 26/01/2010

Concerne le thème : Copenhague et après ?

M. Jacques Muller. Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, nous nous retrouvons plus d'un mois après la fin de la conférence de Copenhague. Si l'intérêt des médias décroît, drame de Haïti oblige, force est de constater que l'urgence climatique demeure d'actualité.

Cette urgence nous impose de ne pas nous abriter derrière l'échec de cette conférence pour rester les bras croisés : si ces négociations ont capoté, c'est surtout parce que le club des pays industrialisés a refusé de reconnaître et d'honorer sa dette écologique à l'égard du reste de la planète. Face à la Chine et aux États-Unis, l'Europe n'a pas su ou voulu assumer le leadership que l'humanité pouvait attendre.

La majeure partie des habitants du monde affichent des émissions encore inférieures à un niveau « soutenable », soit moins de deux tonnes de CO2 par an, tout simplement parce qu'ils sont pauvres.

L'actuel dérèglement climatique, qui entraîne sécheresses, ouragans, notamment, doit donc être inscrit au passif des pays du Nord, qui polluent l'atmosphère depuis plus de 150 ans. Gardons à l'esprit que les gaz que nous avons émis demeurent toujours.

Monsieur le ministre d'État, je souhaite vous poser deux questions.

Tout d'abord, le gouvernement français est-il prêt à reprendre et à défendre lors du prochain Conseil européen, avec toute la volonté politique requise, la résolution adoptée par le Parlement européen le 25 novembre 2009, qui fixe, d'une part, un objectif de réduction des gaz à effet de serre émis par l'Union européenne de 40 % d'ici à 2020 et, d'autre part, des transferts massifs de moyens financiers vers les pays du Sud – 30 milliards d'euros par an – pour les aider à financer des systèmes écologiques plus respectueux de l'environnement ?

Par ailleurs, pour être un tant soit peu crédible vis-à-vis de ses partenaires européens et pour commencer d'honorer sa propre dette écologique, quel effort budgétaire spécifique la France est-elle prête à engager dans le cadre de la prochaine modification budgétaire ?


Réponse du Ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat publiée le 27/01/2010

Réponse apportée en séance publique le 26/01/2010

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. J'ai beaucoup de mal à comprendre ce principe de flagellation permanente, contraire à la mobilisation que vous souhaitez. Ce n'est pas parce que vous répéterez dix fois que Copenhague a échoué ou que la position européenne était mauvaise que cela deviendra un début de vérité !

Monsieur Muller, la France, tout d'abord, respecte le protocole de Kyoto, ce que font très peu de pays. Ensuite, elle s'est dotée d'un ensemble législatif et fiscal…

Mme Nicole Bricq. Pas fiscal !

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. … qui lui permet d'enregistrer aujourd'hui la plus importante baisse des émissions de gaz à effet de serre en Europe.

Enfin, la France a affirmé qu'elle voulait aller plus loin, et qu'elle en était capable. C'est elle qui a proposé le plan « justice-climat » entre les pays du Nord et ceux du Sud, c'est-à-dire une aide annuelle de dix milliards d'euros, qui sera portée graduellement à cent milliards d'euros en 2020, donc bien au-delà des trente milliards d'euros que vous évoquiez. Qui a imaginé le plan « énergies renouvelables-forêts » au profit des pays africains, du Bangladesh, du Cambodge et du Laos ? C'est la France !

Monsieur Muller, je comprends et respecte parfaitement les mouvements internes à notre pays. Toutefois, j'attire votre attention sur un point : attention à ne pas devenir le porte-parole de « l'à-quoi-bonisme », cette attitude qui consiste à se demander à quoi bon agir puisque les autres ne font pas le nécessaire, ne respectent pas les engagements, ne sont pas conscients de l'enjeu.

Monsieur Muller, je ne mets absolument pas en doute vos intentions : je sais que vous êtes un passionné de cette cause. Mais attention : nous devons conserver à celle-ci un peu de sa magie. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme Nicole Bricq. Mais il n'y a pas de magicien !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Sauf nous, peut-être ! (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour la réplique.

M. Jacques Muller. Monsieur le ministre d'État, je ne veux rien moins que faire de l'autoflagellation ! Si Copenhague a échoué, me semble-t-il, c'est justement parce que, au-delà des discours, nous ne nous sommes pas engagés concrètement, à la hauteur des enjeux.

En matière de dette écologique, je me suis amusé à réaliser un petit calcul. Voilà tout de même quelque cent cinquante ans que nous rejetons des gaz à effet de serre. Toutefois, si nous prenons simplement en compte les émissions produites depuis vingt ans, soit depuis 1990, car c'est à partir de cette date que l'on a commencé à les comptabiliser, il apparaît que la France a rejeté, selon les chiffres officiels, 7,4 milliards de tonnes de carbone, soit environ 370 millions de tonnes par an.

Si nous convertissons ces quantités en euros, en retenant le chiffre de la feue taxe carbone « Sarkozy », c'est-à-dire 17 euros par tonne, nous obtenons, pour la seule France, un total de 126 milliards d'euros en vingt ans, soit 6,3 milliards d'euros par an.

Monsieur le ministre d'État, très concrètement, êtes-vous prêt, à l'occasion du prochain collectif budgétaire, à augmenter de 6,3 milliards d'euros …

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Muller !

M. Jacques Muller. … l'aide publique au développement (Murmures désapprobateurs sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste), alors que nous ne respectons toujours pas aujourd'hui les objectifs que nous nous sommes fixés en la matière ?

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