Question de M. PEYRAT Jacques (Alpes-Maritimes - RPR) publiée le 23/12/1999

M. Jacques Peyrat souhaiterait faire part à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement de sa vive inquiétude concernant la culture et la commercialisation de produits issus d'organismes génétiquement modifiés (OGM) dont l'innocuité pour la santé et l'environnement est loin d'être prouvée. Il souhaiterait connaître la position du Gouvernement sur ce dossier très sensible et si les dernières publications d'études réalisées par de nombreux et éminents chercheurs ne l'invitent pas à reconsidérer sa décision du 27 novembre 1997 d'autoriser la culture transgénique du maïs sur le territoire français. Par exemple, une étude réalisée par des chercheurs américains et publiée cette année dans la prestigieuse revue britannique The Lancet conclut que des pommes de terre génétiquement modifiées auraient provoqué des lésions tissulaires chez les rats. Il est écrit que : " la nourriture génétiquement modifiée semble bien avoir des répercussions sur l'état de santé des rats. La question est maintenant de savoir si les répercussions seraient les mêmes chez l'homme ". Face à de telles incertitudes scientifiques et compte tenu des dangers potentiels pour l'homme, il semblerait plus pertinent de faire valoir le principe de précaution, si judicieusement invoqué par la France dans l'affaire de la vache folle. Il lui demande enfin de lui faire part de la position de la France vis-à-vis de la nécessité de réviser les directives européennes en la matière, l'une sur l'étiquetage pour obtenir une meilleures protection de la santé et de l'environnement, l'autre sur la dissémination des OGM qui devra faire prévaloir le souci d'information et d'indépendance des avis scientifiques plutôt que de répondre des exigences de compétitivité.

- page 4187


Réponse du ministère : Aménagement du territoire publiée le 20/04/2000

Réponse. - La ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement a pris connaissance, avec intérêt, de la question relative à la culture et à la commercialisation de produits issus d'organismes génétiquement modifiés (OGM). La politique du Gouvernement en la matière repose sur une application rigoureuse du principe de précaution. Ainsi, en novembre 1997, un moratoire a été décidé pour l'ensemble des espèces susceptibles de provoquer une dissémination incontrôlée de transgènes dans l'environnement, colza et betterave en particulier ; ces espèces paraissent en effet susceptibles de se croiser avec des espèces non cultivées. D'après les experts consultés (Commission du génie biomoléculaire, experts auditionnés par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques), le maïs ne paraissait par présenter en Europe ce type de risque. Les demandes d'autorisation pour cette espèce ont donc, dans un premier temps, continué de faire l'objet d'une instruction au cas par cas. Les quelques autorisations accordées pour cette espèce ont, cependant, été accompagnées d'un protocole de biovigilance pour en déceler les conséquences éventuelles pour l'environnement, par exemple, l'apparition de souches de pyrale résistances à la toxine Bt ou des effets sur d'autres espèces que des espèces cibles. Si cette biovigilance faisait apparaître des conséquences indésirables pour l'environnement, le retrait du marché des semences en cause serait décidé. Comme les variétés de maïs cultivées dans notre pays sont des hydrides qui ne repoussent pas après la récolte, les autorisations accordées n'ont de ce fait aucun caractère irréversible. Le Gouvernement a en outre décidé d'examiner au cas par cas la question des lignées contenant un gêne marqué de résistance aux antibiotiques. La question plus générale de l'augmentation des cas de résistance aux antibiotiques, du fait notamment du très large usage qui en est fait lors des soins médicaux et vétérinaires, est en outre examinée par un groupe de travail piloté par le secrétariat d'Etat à la santé. Il est toutefois apparu très clairement depuis deux ans que cette question des plantes génétiquement modifiées excédait largement le champ scientifique et technique de l'évaluation des risques qu'elles sont susceptibles d'entraîner. Sont, en effet, soulevées des interrogations d'ordre éthique sur la légitimité de manipulations du vivant pour des utilisations dont l'intérêt pour la société n'est pas avéré. Sont aussi posées des questions d'ordre socio-économique : l'éventualité d'une dépendance accrue des agriculteurs par rapport aux quelques grandes compagnies privées qui maîtrisent les biotechnologies, inquiète ainsi de nombreux agriculteurs et, plus largement, une proportion grandissante de nos concitoyens. C'est pourquoi il est apparu indispensable au Gouvernement : d'assurer une information transparente et pertinente aux consommateurs pour qu'ils puissent exercer, en toute connaissance de cause, leur liberté de choisir. Pour garantir ainsi un étiquetage exhaustif, la traçabilité des filières de production utilisant des plantes transgéniques devra être mise en place. Force est de constater que ce n'est actuellement pas encore le cas. C'est pourquoi la France a demandé, lors du conseil des ministres de l'environnement des 24 et 25 juin 1999, qu'aucune nouvelle autorisation ne soit accordée, tant que des modalités d'étiquetage complètes et fiables, et donc la traçabilité des produits issus d'OGM, ne seront pas en place. C'est dans cet esprit que les récentes discussions au niveau communautaire sur la définition d'un seuil d'étiquetage doivent s'apprécier : le but d'un tel seuil est, en effet, de ne pas soumettre à obligation d'étiquetage les produits non issus d'OGM mais qui en contiendraient des traces à cause de contaminations accidentelles au champ ou dans la chaîne de transformation et de transport. Il ne doit, en aucun cas, conduire à déroger à l'obligation de traçabilité et d'étiquetage pour les produits issus d'OGM, quelle que soit leur teneur finale en OGM ; de démocratiser les procédures de prise de décision sur ces sujets ; la conférence de citoyens, première du genre à être organisée en France, en juin 1998, a été un succès car elle a montré la capacité de nos concitoyens à examiner, en toute connaissance de cause, un tel sujet, aussi technique soit-il. Dans le même sens, le Gouvernement étudie les modalités de réforme de la Commission du génie biomoléculaire pour que les associations et les consommateurs y soient mieux associés.

- page 1425

Page mise à jour le