Question de M. DOUBLET Michel (Charente-Maritime - RPR) publiée le 23/12/1999

M. Michel Doublet attire l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation de l'administration pénitentiaire et plus particulièrement sur la vétusté du parc pénitentiaire, le ralentissement des mesures de libérations conditionnelles, la question des suicides en prison, et enfin les défauts de contrôles exercés sur cette administration. En conséquence, il lui demande quelles mesures elle entend prendre pour remédier à cette situation et si elle compte mettre en oeuvre dans les meilleurs délais la loi nº 97-1159 du 19 décembre 1997 relative au placement sous surveillance électronique.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 09/08/2001

La garde des sceaux, ministre de la justice, porte à la connaissance de l'honorable parlementaire qu'elle partage ses préoccupations quant aux conditions de détention et aux suicides en milieu carcéral. Dans sa communication du 8 novembre 2000 à l'Ecole nationale d'administration pénitentaire d'Agen, le Premier ministre a annoncé qu'à la suite des efforts déjà entrepris par les pouvoirs publics pour la construction des dix établissements pénitentiaires neufs et la rénovation lourde des cinq plus grandes maisons d'arrêt, dix milliards de francs supplémentaires seraient dégagés dans le cadre des lois de finances successives pour la mise à niveau du parc immobilier pénitentiaire, un milliard étant d'ores et déjà inscrit au budget du ministère de la justice sur l'exercice 2001. Un établissement public administratif est par ailleurs en voie de création pour la réalisation de ce vaste programme de modernisation du parc pénitentiaire. Ces ressources permettront le lancement, sur six années, de la mise aux normes de l'encellulement individuel et de la rénovation de l'ensemble des petits et moyens établissements pénitentiaires soit dans le cadre d'opérations de réhabilitation de l'existant, soit par la reconstruction d'établissements ne pouvant être adaptés aux besoins actuels. Dans le cadre de ce vaste plan de modernisation des établissements pénitentiaires, la garde des sceaux a annoncé la reconstruction des maisons d'arrêt de Nancy et du Mans, portant ainsi à douze le nombre d'établissements neufs livrés dans les prochaines années. La construction de ces nouveaux établissements permettra d'améliorer les conditions de vie en détention et les conditions de travail des personnels. Pour favoriser l'hygiène des détenus, chaque cellule sera équipée d'une douche. Des locaux d'activités implantés dans les quartiers de détention favoriseront le développement de la vie collective. Des espaces socio-éducatifs, culturels et sportifs communs permettront une préparation à la sortie optimisée. Par delà ce vaste plan de modernisation du parc pénitentiaire, la fonction même des prisons sera l'objet d'une grande loi pénitentiaire. Celle-ci est en cours de préparation avec tous les personnels concernés. Elle définira le sens de la peine, les missions de l'administration pénitentiaire, les règles fondamentales du régime carcéral en encadrant les atteintes aux libertés individuelles, les conditions générales de détention. L'augmentation des suicides en milieu carcéral a conduit le ministère de la justice à définir, dès 1997, sur la base du rapport d'un groupe de travail pluridisciplinaire, un plan d'action comprenant des mesures d'application immédiate édictées par voie de circulaire et un programme expérimental. En 2000 et 2001, compte tenu du nombre de suicides survenus au cours des années précédentes (125 suicides en 1999 et 121 suicides en 2000), de nouvelles actions ont été engagées. La circulaire du garde des sceaux du 29 mai 1998 rappelle des dispositions réglementaires et met en oeuvre des mesures nouvelles qui tendent à améliorer la prévention : le détenu arrivant doit être informé sur son parcours carcéral tant par le greffe judiciaire que par le personnel de direction et les travailleurs sociaux le plus rapidement possible ; dès son arrivée, il est mis en mesure de prendre une douche et d'assurer son hygiène corporelle par la mise à disposition d'un nécessaire de toilette et de linge de corps ; les détenus repérés comme présentant un risque suicidaire, singulièrement ceux ayant commis un acte autoagressif font l'objet d'une prise en charge globale fondée sur le dialogue, l'observation et un suivi somatique, notamment la nuit ; en matière displinaire : le taux de suicides au quartier disciplinaire étant nettement plus élevé que dans le reste de la détention, il a été rappelé que le placement en prévention devait être exceptionnel ; après un suicide : des actions sont engagées à l'égard de la famille du défunt, de ces codétenus et des personnels présents au moment du passage à l'acte. Dans le cadre du programme expérimental, onze sites pilotes ont été retenus en fonction de leur répartition sur le territoire national, de leur catégorie, de leur taille, du nombre des suicides survenus au cours des dernières années et du contexte local, de sorte que tous les types d'établissements étaient représentés afin que l'évaluation de l'éxpérience puisse servir de base à une généralisation du dispositif. Ce dispositif a été évalué par un comité national constitué à cet effet en septembre 1998, composé de représentants des différentes catégories des personnels pénitentiaires, d'un magistrat, d'un médecin, d'une infirmière ainsi que d'un responsable associatif. Dans ses conclusions déposées en mai 1999, ce comité a observé que, même partielle, l'expérimentation avait démontré la pertinence des orientations retenues, ce qui l'a conduit à proposer d'étendre le dispositif aux établissements pénitentiaires connaissant un fort taux de suicides, ce qui est en cours. Au cours du premier semestre 2000, pour mieux appréhender le phénomène du suicide en milieu carcéral et pour cibler de nouvelles actions, une étude statistique portant sur les suicides en 1998 et 1999 a été conduite. Elle a défini une typologie du suicidant, et relevé que les suicides s'étaient principalement produits en été et en janvier. S'appuyant sur les enseignements de cette étude, une note du 3 août 2000 de la directrice de l'administration pénitentiaire a appelé l'ensemble des établissements à veiller avec la plus grande attention à l'application de la circulaire plus haut évoquée, notamment durant l'été. Par ailleurs, une nouvelle étude sur les suicides survenus en 2000 est en cours. Une enquête a été menée auprès de plusieurs Etats européens et du Canada afin de connaître les actions engagées à l'étranger. Elle a permis de constater une grande similitude dans l'approche de ce problème entre la France et ces pays et d'envisager des pistes d'amélioration à explorer. Tel est l'objet de la mission diligentée par la garde des sceaux, ministre de la justice, emmenée par un conseiller technique de son cabinet et composée de magistrats et de hauts fonctionnaires de l'inspection générale des services judiciaires, de l'inspection générale des affaires sociales et de la direction de l'administration pénitentiaire ; chargée d'étudier et d'analyser les actions menées par les administrations pénitentiaires en matière de prévention du suicide des détenus, dans plusieurs pays européens, cette mission a commencé en septembre 2000. En janvier 2001, la direction de l'administration pénitentiaire a mis en place une commission permanente spécialement chargée d'étudier les cas de suicide afin notamment de repérer d'éventuels dysfonctionnement et de rechercher de nouveaux axes d'amélioration. L'allongement des peines privatives de liberté, conjuguée ces dernières années à une diminution des mesures alternatives à l'incarcération, notamment de la libération conditionnelle, constituent les principaux facteurs de la surpopulation carcérale. Pour relancer la libération conditionnelle, une commission présidée par M. Farge, conseiller à la Cour de cassation, a été installée en septembre 1999, aux fins de proposer des perspectives d'évolution de cette mesure. Cette commission a proposé notamment la judiciarisation de la libération conditionnelle. La plupart de ses propositions ont été intégrées dans la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, procédant ainsi à une réforme en profondeur de la libération conditionnelle et à une juridictionnalisation de l'application des peines. La réforme de la libération conditionnelle est caractérisée par l'élargissement des conditions d'octroi ainsi que par l'assouplissement de la procédure se traduisant par une extension de la compétence du juge de l'application, pour les peines prononcées égales ou inférieures à dix ans et, pour les autres cas, par la suppression de la compétence du garde des sceaux au profit d'une juridiction régionale de la libération conditionnelle. La juridictionnalisation de l'application des peines est consacrée par l'article 722 modifié du code de procédure pénale, qui prévoit que les mesures de placement à l'extérieur, de semi-liberté, de fractionnement et de suspension de peine, de placement sous surveillance électronique et de libération conditionnelle sont désormais accordées, ajournées, refusées, retirées ou révoquées, après avis du représentant de l'administration pénitentiaire et à l'issue d'un débat contradictoire, par décision motivée du juge de l'application des peines susceptibles d'appel devant la chambre des appels correctionnels. L'ensemble de ces nouvelles dispositions concourent à l'amélioration des droits des détenus en prévoyant la présence d'un avocat au cours de la procédure, dont l'intervention conduira à étendre la bénéfice de l'aide juridictionnelle aux condamnés les plus démunis. Quant au contrôle extérieur des établissements pénitentiaires, la commission présidée par Monsieur Guy Canivet, premier président de la Cour de cassation, qui a remis son rapport le 6 mars 2000 au garde des sceaux, préconise, parmi ses nombreuses propositions, l'élaboration d'une loi pénitentiaire, l'institution d'un contrôleur général des prisons investi d'une fonction de vérification externe et indépendante des établissements pénitentiaires et la mise en place de médiateurs et de déléguées des médiateurs assurant une mission de médiation entre les détenus et l'administration pénitentiaire et, pour ces derniers, une fonction d'observation au sein des établissements pénitentiaires. L'ensemble de ces propositions sera approfondi dans le cadre de la préparation de la loi d'orientation pénitentiaire annoncée par le Premier ministre qui est en cours d'élaboration. D'ores et déjà, il importe de relever que la loi du 15 juin 2000 prévoit la possibilité pour les députés et les sénateurs de visiter à tout moment les établissements pénitentiaires et que la Commission nationale de déontologie de la sécurité, instituée par la loi du 6 juin 2000, est compétente pour veiller au respect de la déontologie par les personnels de l'administration pénitentiaire. S'agissant de la loi n° 97-1159 du 17 décembre 1997 relative au placement sous surveillance électronique, sa mise en place progressive a été décidée, à la lumière des expériences étrangères qui n'ont pas procédé à la généralisation immédiate du dispositif. Quatre sites pilotes ont été choisis par la garde des sceaux : les maisons d'arrêt d'Aix, d'Agen, le centre de semi-liberté de Grenoble et le centre de détention de Loos. L'expérimentation a commencé en octobre 2000 et se déroule en deux phases. La première s'achèvera en juillet 2001 et la deuxième étendra l'expérience à d'autres sites pilotes pendant une durée d'un an et demi environ, avant une généralisation du placement sous surveillance électronique qui pourrait intervenir à partir de 2003. Des études d'évaluation sont prévues au cours de ces différentes étapes expérimentales. A la date du 1er avril 2001, 44 placements sous surveillance électronique ont été effectuées dont 16 sont terminés sans incident notoire. L'article 144-2 du code de procédure pénale, issu de la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, prévoit que, lorsqu'elle est prononcée, la détention provisoire peut être effectuée selon les modalités du placement sous surveillance électronique prévues aux articles 723-7 et suivants du code de procédure pénale.

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Erratum : JO du 20/09/2001 p.3051

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