Question de M. CARLE Jean-Claude (Haute-Savoie - RI) publiée le 09/12/1999

M. Jean-Claude Carle appelle l'attention de M. le secrétaire d'Etat au logement sur la situation complexe résultant de l'articulation de la loi nº 92-3 du 3 janvier 1992 sur l'eau avec le code de l'urbanisme. L'article 35 de la loi sur l'eau modifiant l'article L. 372-3 du code des communes, relatif aux équipements d'assainissement, prévoit que les communes ou leur groupement délimitent après enquête publique les zones d'assainissement collectif où elles sont tenues d'assurer la collecte des eaux usées domestiques et le stockage, l'épuration et le rejet ou la réutilisation de l'ensemble des eaux collectées. Les collectivités locales sont liées par les conclusions de l'enquête publique. Le schéma de mise en place d'un collecteur intercommunal ne peut donc être modifié afin d'éviter le passage de l'installation dans un espace boisé protégé. Or, le passage d'un équipement de ce type dans un espace boisé classé ne semble pas compatible avec les dispositions prévues par l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme. En effet, ce dernier article prévoit l'interdiction de " tout changement d'affectation ou tout mode d'occupation des sols à nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements ". Le Conseil d'Etat, par un arrêt rendu en octobre 1982, a ainsi estimé que le passage d'une ligne de transport d'énergie électrique à très haute tension était incompatible avec le classement des terrains qu'elle surplombe comme espaces boisés protégés. Le classement d'une telle zone en espace boisé protégé constitue une erreur manifeste. Cette jurisprudence concerne un équipement dont l'installation a un caractère permanent et qui entraîne d'importantes servitudes d'entretien et de sécurité. Les équipements collectifs d'assainissement de l'eau présentent des caractéristiques comparables (emprise durable au sol, nécessité de travaux d'entretien et de sécurité). Il y a par conséquent lieu de craindre que si le juge administratif avait à se saisir de pareil cas, il se prononcerait de manière similaire. Il semble donc nécessaire pour une commune ou un groupement souhaitant faire passer un collecteur d'assainissement dans un espace boisé classé de procéder à une révision du plan d'occupation des sols, une simple modification du POS affectant un espace boisé étant illégale (CE, 11 mars 1991, Peaud). Or, l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme prévoit qu'il puisse être dérogé à la stricte protection des espaces boisés pour permettre l'exploitation des produits minéraux importants pour l'économie nationale ou régionale et dont les gisements ont fait l'objet d'une reconnaissance par un POS, ou un document d'urbanisme en tenant lieu, rendu public ou approuvé avant le 10 juillet 1973. Pour prévoir l'extension et l'adaptation de ces dispositions à d'autres cas que l'exploitation des produits minéraux, notamment le passage dans un espace boisé classé d'un équipement collectif d'assainissement d'eau, il serait nécessaire de modifier le code de l'urbanisme. En réponse à la question nº 09871 (JO du 30 juillet 1998, page 2418) de M. Georges Gruillot (réponse publiée dans le JO Sénat du 5 novembre 1998, page 3554), il avait été annoncé l'élaboration d'un projet de loi destiné à moderniser et à adapter le droit de l'urbanisme. Aussi, il souhaiterait savoir d'une part si cette modernisation du droit de l'urbanisme est prévue dans un délai proche, d'autre part, sur le point précis qu'il a soulevé, s'il est envisagé une modification de l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme.

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Réponse du ministère : Logement publiée le 23/08/2001

L'article L. 130-1 du code de l'urbanisme prévoit la possibilité de classer comme espaces boisés les bois, forêts, parcs à conserver, à protéger ou à créer. Ce classement peut s'appliquer également à des arbres isolés, des haies ou réseaux de haies, des plantations d'alignement. Le classement interdit tout changement d'affectation ou tout mode d'occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création de boisements. Toutefois, comme le souligne l'honorable parlementaire, il est fait exception à ces interdictions pour l'exploitation des produits minéraux importants pour l'économie nationale ou régionale et dont les gisements ont fait l'objet d'une reconnaissance par un plan d'occupation des sols rendu public ou approuvé avant le 10 juillet 1973 ou par le document d'urbanisme en tenant lieu approuvé avant la même date. La loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains n'a pas prévu d'extension du régime d'exception précité. Les conditions d'application de l'article L. 130-1 ont été précisées par la jurisprudence. Le Conseil d'Etat a ainsi jugé que le classement d'un terrain comme espace boisé classé n'interdisait pas de façon générale tout changement d'affectation ou d'utilisation du sol (CE, 29 décembre 1999 ; SNC du CAPON, requête n° 198022). Il convient donc de rechercher dans chaque cas si la nouvelle utilisation est de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création de boisement. En matière de canalisations, le tribunal de Toulouse (12 octobre 2000, M. et Mme Hubert de Malefette c/préfet de la Haute-Garonne, commune de Villenouvelle) a estimé que " l'établissement et l'exercice de la servitude de passage d'une canalisation souterraine d'assainissement dans un parc, espace boisé classé, dans une bande de terrain de 3 mètres de large sur une longueur d'environ 100 mètres, permettant notamment que les arbres y soient éventuellement essartés, ne sont pas suffisants, compte tenu des caractéristiques de la servitude, pour représenter un changement d'affectation du sol et ne sont pas de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements ; qu'en effet, il ne peut être sérieusement contesté que l'enterrement de la canalisation dans le terrain herbeux de l'espace boisé ne nécessitera pas des abattages d'arbres et il ne ressort pas des pièces du dossier que la bande de terrain de trois mètres de large suivant le travé de ladite canalisation recouvrirait des zones plantées d'arbres ". Il y a dès lors lieu de considérer que le passage d'équipements collectifs d'assainissement n'est pas, a priori, exclu dans un espace boisé classé, mais que les conditions de ce passage doivent respecter le caractère de ces espaces.

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