Question de M. DUFFOUR Michel (Hauts-de-Seine - CRC) publiée le 21/12/1999

M. Michel Duffour appelle l'attention de M. le ministre de la défense sur les récentes déclarations du président de la Société nationale d'études et de constructions de moteurs d'avion (SNECMA) annonçant une réorientation stratégique de l'entreprise au travers de la création d'une société de holding, dont le nouvel objet serait la participation directe ou indirecte dans toute opération financière, commerciale ou industrielle, ainsi que la gestion d'un portefeuille de titres de participation. Certes aujourd'hui plus un seul programme aéronautique majeur ne peut être lancé par une seule entreprise, ni même par une seule nation. Il faut donc trouver des alliances technologiques et des montages financiers afin de préparer l'avenir. Notre pays ne part pas de rien dans ce domaine. La France a une solide expérience, que ce soit avec Airbus, Ariane ou CFMI. Il existe donc bien d'autres choix que celui d'engager une réorientation de la vocation des établissements vers des activités financières ouvertes aux capitaux privés en France et à l'étranger, dont on sait bien qu'elle sert d'abord aux actionnaires. Le personnel, les acquis sociaux, la réduction du temps de travail, l'emploi, les programmes et l'outil industriels passent dans ces conditions au second plan. Il souhaiterait connaître son avis sur cette déclaration, et savoir s'il entend consulter les salariés, leurs organisations syndicales, les parlementaires, avant toute décision engageant la privatisation d'une entreprise nationale de pointe.

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Réponse du ministère : Défense publiée le 09/02/2000

Réponse apportée en séance publique le 08/02/2000

M. Michel Duffour. Monsieur le ministre, je suis alerté depuis plusieurs mois par les syndicalistes de la SNECMA. La
décision de constituer une holding à la tête du groupe et de restructurer la société autour de SNECMA Moteurs et
filiales, dont l'objet essentiel est la participation directe ou indirecte dans toute opération financière, commerciale ou
industrielle ainsi que la gestion d'un portefeuille de titres de participation, suscite l'inquiétude parmi les personnels.
Certes, tout le monde convient aujourd'hui que plus un seul programme aéronautique majeur ne peut être lancé par une
seule entreprise ni même par une seule nation et qu'il faut donc trouver des alliances technologiques et des montages
financiers afin de préparer l'avenir.
Les déclarations de votre collègue M. Gayssot en octobre dernier au journal Le Monde et celles de la direction générale
du groupe indiquant que SNECMA Holding et SNECMA Moteurs seraient bien des entreprises publiques ont apaisé les
craintes. Néanmoins, un grand silence entoure les hypothèses de développement.
Pourtant, notre pays ne part pas de rien dans ce domaine. La France a une solide expérience. Il existe donc bien
d'autres choix que celui d'engager une réorientation de la vocation des établissements vers des activités financières.
Les personnels souhaitent que soient débattus le principe, les conditions et la finalité de rachat d'entreprises ou de
fusion. Je pense que c'est légitime.
Je souhaite, monsieur le ministre, connaître votre avis sur la question et savoir si vous souhaitez encourager une
consultation plus poussée des salariés sur le devenir du groupe et recueillir, avant toute évolution, l'avis des
parlementaires concernés.
Je vous remercie par avance de votre réponse.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Je remercie à mon tour M. Duffour de sa question, qui me permet de faire un
point global sur l'évolution de la SNECMA, dont je souligne par ailleurs les succès et la solidité.
La création d'une filiale à 100 % dénommée SNECMA Moteurs, à laquelle sont transférées les activités de moteurs
aéronautiques et spatiaux de la SNECMA, est une évolution importante de la structure juridique du groupe, qui
comporte donc désormais deux branches : « propulsion » et « équipements ».
Cette création s'inscrit dans la logique des évolutions intervenues et concertées dans l'entreprise au cours des
dernières années, qui ont déjà conduit à la fusion des filiales Messier-Bugatti et Carbone Industrie, à celle de SEP avec
sa société mère, et à la création de nouvelles filiales cette fois orientées vers les services.
Cette réorganisation est donc cohérente avec la stratégie du groupe, qui est de se concentrer sur les métiers qui sont
au coeur de son activité industrielle en vue d'assurer leur développement. Elle doit plutôt s'analyser en termes de
modernisation de la structure de l'entreprise, à l'égal de plusieurs grands groupes français qui ont adopté une structure
comparable, de façon notamment à faciliter la clarification des objectifs opérationnels de chaque unité et la mise en
évidence des résultats attribuables aux activités de moteurs, comme c'était déjà le cas avec les autres composantes
de l'activité industrielle de la SNECMA.
Cette transformation n'entraîne pas de bouleversement dans la structure industrielle du domaine filialisé et ne comporte
par conséquent aucun risque technique pour la SNECMA.
Quant à l'idée d'opposer la vocation financière à la vocation industrielle, je rappelle que, depuis longtemps, l'objet social
de la SNECMA inclut entre autres toutes opérations industrielles, financières, commerciales, mobilières et
immobilières. Ce sont les termes traditionnels qui sont retenus pour toute unité industrielle importante. Naturellement,
lorsque des options industrielles sont décidées, il faut les financer ; il n'y a pas d'opposition de principe.
Mon ministère, qui suit évidemment de près l'évolution des activités de l'entreprise, s'agissant du personnel, se réjouit
de l'accord intervenu sur la réduction du temps de travail, qui a fait l'objet en septembre dernier d'un accord-cadre puis
d'accords locaux - le président de la SNECMA m'en parlait encore récemment - et dont bénéficient aujourd'hui les
salariés des neuf établissements du périmètre traditionnel de la SNECMA.
L'évolution juridique du groupe ne change pas l'application de la même convention collective et des mêmes accords
sociaux à l'ensemble des personnels de l'entreprise SNECMA.
Mon ministère continuera de veiller à la stratégie poursuivie par le groupe et, en particulier, à ce que toute orientation
importante pour son avenir soit préalablement soumise à la concertation. Pour ce qui le concerne, il s'attachera, bien
entendu, tout spécialement à la préservation des intérêts de la défense nationale.
Dans ce contexte, la filialisation a été approuvée par les autorités de tutelle ainsi que par les assemblées générales
extraordinaires du 3 janvier dernier. Il va de soi que les représentants des salariés, au travers du comité central
d'entreprise, lequel a pu donner son avis, avaient été préalablement informés et consultés.
S'agissant d'éventuelles alliances, dont vous avez rappelé à juste titre l'utilité, j'ai déjà eu l'occasion de souligner que
l'intérêt de la SNECMA était bien de conforter sa position actuelle de numéro 4 mondial et de numéro 2 européen dans
les moteurs aéronautiques. Cet objectif important peut justifier des rapprochements d'entreprises, qui se poursuivront
dans le respect de la vocation d'entreprise publique de la SNECMA, à laquelle nous tenons.
Je rappelle, puisque vous évoquiez les partenariats extérieurs, que la SNECMA est engagée de longue date avec une
firme américaine. C'est une originalité dans notre paysage industriel. En effet, la SNECMA est la principale grande
entreprise liée à la défense qui a une coopération équilibrée et mutuellement profitable avec une entreprise américaine,
en l'occurrence la General Electric, autour de la famille de moteurs CFM 56.
Nous pensons qu'en complément de cette alliance, qui a été profitable à la SNECMA, il faut envisager des accords de
coopération européens, dans la logique d'une entreprise qui a sa pleine autonomie, qui enregistre aujourd'hui des
résultats et des progressions de chiffres d'affaires très significatifs, et ce grâce à ses savoir-faire et à une bonne
gestion. La SNECMA, dans le secteur public français, continuera d'être une firme industrielle particulièrement
dynamique.
M. Michel Duffour. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour. Je vous remercie, monsieur le ministre pour votre réponse. Je tiens à réaffirmer que les
parlementaires communistes sont très intéressés et très disponibles pour poursuivre le dialogue, en particulier ceux,
évidemment, qui comptent des entreprises SNECMA dans leur circonscription.

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