Question de M. DELEVOYE Jean-Paul (Pas-de-Calais - RPR) publiée le 11/11/1999

M. Jean-Paul Delevoye appelle l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'implication de certaines sociétés civiles immobilières dans le processus de blanchiment de l'argent provenant de l'activité criminelle. En effet, elle semble apparemment être spécialement préoccupée par ce problème, et l'honorable parlementaire souhaite lui exposer un moyen de lutte supplémentaire et efficace contre les mouvements de capitaux provenant du trafic de stupéfiants ou d'activités criminelles. Les sociétés civiles constituées avant le 1er juillet 1978 peuvent, tout en conservant leur personnalité morale, ne pas se faire immatriculer. Elles échappent ainsi à toute formalité de publicité. Les cessions de parts de sociétés civiles à prépondérance immobilière s'effectueront dans ces cas précis par un acte sous seing privé. La forme authentique semble être plus appropriée. Dans les pays membres de l'Union européenne, la forme authentique est généralement la règle pour assurer le contrôle et la régularité des opérations en matière de sociétés. La loi italienne exige quant à elle une authentification notariale. La forme authentique permettrait une meilleure connaissance des opérations en plaçant ces actes sous le contrôle d'un officier public. Quant à la forme sous seing privé, elle permet diverses fraudes qui facilitent le blanchiment. Si la lutte contre les mouvements de capitaux provenant du trafic de stupéfiants ou d'activités criminelles est réellement une priorité de Mme le garde des sceaux, il serait souhaitable qu'elle s'inspire des politiques menées dans ce domaine par les membres de l'Union européenne. En conséquence, il lui demande si elle envisage de mettre en oeuvre une modification de l'article 1861 du code civil et d'imposer ainsi la forme authentique pour les cessions de parts de sociétés civiles à prépondérance immobilière.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 25/05/2000

Réponse. - Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que la proposition tendant à ce que les statuts ainsi que les cessions de parts de capital des sociétés civiles à prépondérance immobilière soient dressés par acte authentique, ne semble pas de nature à renforcer efficacement la lutte contre le blanchiment de capitaux. En effet d'une part, la " société civile à prépondérance immobilière " est une notion fiscale reposant sur des données comptables, aux contours juridiques mal déterminés, qui ne permettrait pas de distinguer les situations dans lesquelles l'acte authentique serait obligatoire de celles dans lesquelles il ne serait que facultatif. D'autre part, les sociétés civiles ne sont pas des supports juridiques uniques de cessions d'immeubles, puisque ces dernières peuvent également être opérées au moyen de cessions de parts de sociétés commerciales. Ainsi, soumettre à l'obligation de l'acte authentique les seules constitutions et cessions de parts de sociétés civiles immobilières ne serait pas très efficace dans la mesure où les cocontractants pourraient contourner la difficulté par la création de sociétés commerciales et peut-être même d'associations. Au surplus, les règles applicables au sein de l'Union européenne permettent à quiconque de créer une société dans n'importe quel Etat membre selon les règles applicables dans cet Etat. C'est pourquoi, le recours à l'acte authentique n'empêcherait nullement les auteurs d'opérations de blanchiment de venir opérer sur des territoires où n'existe pas ce type de réglementation, par exemple au Royaume-Uni, ou la fonction n'existe pas. Enfin, les avantages attachés à la forme authentique ne permettent pas réellement de répondre à l'objectif recherché, consistant à contrôler l'origine des fonds. Même si le notaire obtient des renseignements à ce sujet, il ne dispose pas, en effet, des moyens nécessaires à la vérification de leur véracité. Il faut constater, en outre, que le contrôle d'origine des fonds n'est pas exigé pour la rédaction d'un acte authentique et que le paiement du prix peut se faire hors la vue du notaire. Il reste, cependant que des travaux tendant au renforcement de la lutte contre le blanchiment sont actuellement conduits au sein de différentes enceintes internationales. C'est à la lumière de ceux-ci que des voies nouvelles pourront être explorées pour répondre le plus efficacement aux objectifs poursuivis. D'ores et déjà, le ministère de la justice souhaite favoriser, en droit interne, une plus grande transparence des sociétés civiles, en rendant obligatoire l'immatriculation au registre du commerce et des sociétés de celles qui ont été créées avant 1978. Une telle formalité permettrait de lever l'opacité actuelle, soulignée par la profession.

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