Question de M. RALITE Jack (Seine-Saint-Denis - CRC) publiée le 26/11/1999

Question posée en séance publique le 25/11/1999

M. le président. La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la conférence de
l'Organisation mondiale du commerce, à Seattle, va s'ouvrir avec un négociateur nouveau : la société civile, qui sera
représentée sur place, ce qui est une avancée considérable.
Le Gouvernement français veut que soit défini un code de la route du multilatéralisme commercial et Christian Sautter
s'est déclaré pour l'arbitrage contre l'arbitraire.
Or, il n'y a toujours pas d'ordre du jour, et cela crée une situation telle que Pascal Lamy, négociateur européen, vient de
déclarer : « Je ne ferai pas décoller le Jumbo des négociations si je n'ai pas assez de carburant pour l'atterrissage
devant les parlements nationaux et européens. »
Ce blocage ne traduit-il pas de la part des Etats-Unis, qui renoncent à réunir dans la ville de Boeing et de Microsoft les
chefs d'Etat et de gouvernement, une volonté d'écarter les normes sociales et environnementales, certains pays
d'Europe - et même du Sud - n'étant pas innocents de ce point de vue ? Comme si le commerce pouvait se définir
valablement sans considérer la vie des hommes et des femmes, qui ne sont pas des invités par raccroc sur la planète
mais son centre !
Cela est d'autant plus important que, sur l'ordre du jour - que les USA et d'autres veulent limiter à l'agriculture et aux
services - plane la menace, au nom du libéralisme, de réguler a minima ce qui existe et de refuser toute régulation pour
ce qui vient. Je pense aux nouvelles technologies en culture et aux biotechnologies en agriculture. Là est posé le statut
de l'esprit et le statut du vivant.
L'OMC qui, statutairement, ignore tous les droits rattachés à l'ONU, inquiète les hommes et les femmes de la terre, les
hommes et les femmes de la culture, dont les professions concernent centralement la vie de tous. La nature, son
traitement et la qualité des produits qu'elle fournit, la culture, sa considération et l'imaginaire qu'elle propose, sont, à
l'orée du xxie siècle, des dimensions capitales de la liberté humaine.
J'ajoute que les pays en voie de développement, qui entendent si légitimement être très actifs à Seattle, sont confrontés
à de très graves problèmes, lesquels exigent une démarche politique dans laquelle l'égale dignité de tous les citoyens
soit respectée.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ne pensez-vous pas qu'un handicap s'apprécie pour un pays comme pour une personne
et doit conduire à des actes amples de solidarité, dont le financement pourrait s'appuyer notamment sur la taxe Tobin ?
Je serai à Seattle, avec la délégation parlementaire qui a été souhaitée - ce qui est bien - par le Gouvernement. J'y
défendrai ces idées et j'aimerais connaître votre avis sur l'inexistence de l'ordre du jour et sur les questions que j'ai
évoquées. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)

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Réponse du ministère : Commerce extérieur publiée le 26/11/1999

Réponse apportée en séance publique le 25/11/1999

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre
question, qui me permet de préciser certains points devant la Haute Assemblée.
Je voudrais tout d'abord rappeler qu'à Seattle nous n'allons pas négocier autre chose, pour commencer, que l'agenda et
que les négociations proprement dites dureront trois ou quatre ans. Je crois qu'il est nécessaire de distinguer la notion
de cycle par rapport à celle de lancement de cycle !
Vous faites observer à juste titre, monsieur le sénateur, que, pour l'instant, la situation est assez inédite puisqu'il
n'existe pas de document préalable de travail cohérent. En fait, il existe un ordre du jour assez complet pour la réunion,
puisque son résumé représente quarante pages. Je dirai même qu'il est presque trop complet, puisque l'essentiel des
paragraphes sont « entre crochets », ce qui signifie qu'ils n'ont pas, pour l'instant, fait l'objet d'un accord.
Cette situation est due à une divergence importante sur l'ampleur du cycle entre les Etats-Unis, l'Union européenne,
d'une part, les pays en voie de développement, d'autre part, et en particulier sur une différence de points de vue quant à
l'agriculture et à la mise en oeuvre des accords de Marrakech. Ce dernier point est d'ailleurs significatif de l'instance
démocratique qu'est l'OMC, puisque les pays en voie de développement auront l'occasion de faire entendre leur voix et
de peser en fonction de la règle : « un pays, une voix ».
Nous comprenons tout à fait que les pays en voie de développement ne soient pas satisfaits du résultat de Marrakech ;
il faut que nous puissions discuter de ces sujets avec eux. Nous ne souhaitons pas rouvrir les accords de Marrakech
qui nous paraissent équilibrés. Mais l'Union européenne a décidé de faire des gestes significatifs, en permettant, par
exemple, aux pays les moins avancés de disposer, en fin de cycle, d'une franchise de droit pour l'accès de leurs
produits à ses marchés.
S'agissant des normes sociales, je ne peux pas vous suivre tout à fait, monsieur le sénateur : je pense que les
syndicats américains sont assez soucieux de voir aboutir ces sujets-là.
Enfin, Catherine Trautmann, Dominique Voynet et moi-même partageons votre point de vue sur le statut du vivant. Ce
n'est pas à l'OMC de définir des normes, mais c'est à l'OMC de commencer à prendre en compte ces dernières pour
mieux réguler le commerce mondial. (Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Ralite applaudit également.)

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