Question de M. BRAYE Dominique (Yvelines - RPR) publiée le 20/10/1999

M. Dominique Braye appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche au sujet des textes d'application de la loi nº 99-5 du 6 janvier 1999 relative aux animaux dangereux et errants. Plus de six mois après la promulgation de cette loi, les décrets d'application ne sont toujours pas publiés, alors que la mise en pratique de cette loi était, il y a un an, présentée comme extrêmement urgente. On s'attendait donc à la publication rapide des décrets d'application. Seul un arrêté du 27 avril 1999, établissant la liste des types de chiens susceptibles d'être dangereux, a été publié, mais il comporte de nombreuses zones d'ombre, rendant son application hasardeuse. En conséquence, il souhaite savoir quand seront enfin pris par les services du ministère les décrets d'application de la loi nº 99-5 du 6 janvier 1999.

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Réponse du ministère : Agriculture publiée le 22/12/1999

Réponse apportée en séance publique le 21/12/1999

M. Dominique Braye. Monsieur le président, monsieur le ministre, ayant eu l'honneur de rapporter le projet de loi
relatif aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux, j'avais alors attiré votre attention et celle de
votre prédécesseur, M. le Pensec, sur deux problèmes très préjudiciables à l'efficacité de ce texte.
D'abord, sur la forme, le Gouvernement avait déclaré l'urgence sur ce texte, urgence qui nous a été souvent opposée
dans la discussion parlementaire comme argument pour ne pas retenir des dispositions que préconisaient tous les
spécialistes canins et que la majorité des parlementaires et, quelquefois, les membres du Gouvernement eux-mêmes
considéraient comme positives.
Ensuite, sur le fond, les dispositions de ce texte gouvernemental relevaient d'une erreur d'analyse quant aux problèmes
liés aux chiens de type molossoïde, notamment dans les quartiers sensibles.
Le Gouvernement, comme je l'avais précisé, a pris le problème par le « mauvais bout de la laisse ». Les experts et les
personnes auditionnées étaient en effet tous d'accord pour considérer que les chiens dits dangereux ne le sont qu'entre
les mains de propriétaires irresponsables ou, pire, délinquants, qui les utilisent comme armes par destination. Le bon
sens était donc de responsabiliser les propriétaires inconscients et d'incriminer les délinquants, et non pas les chiens.
Ces deux erreurs fondamentales rendraient - disais-je, voilà plus d'un an maintenant - ce texte inapplicable pour nombre
de ses dispositions. Or, où en sommes-nous aujourd'hui, un an après la promulgation de cette loi prétendûment urgente
et censée régler rapidement et efficacement le problème des chiens molossoïdes dans les quartiers sensibles ? Eh
bien, monsieur le ministre, mes chers collègues, rien n'a changé. Ou plutôt si : la situation a continué à se dégrader
comme si nous n'avions rien fait !
Ainsi, à Grigny, dans le quartier de la Grande Borne, 300 chiens molossoïdes ont été récemment recensés pour 12 000
habitants, soit un molosse pour quarante habitants ! Je vous laisse imaginer la sérénité et la convivialité qui se sont
installées dans ce quartier déjà en grande difficulté. Et cela est vrai un peu partout ailleurs. Alors, monsieur le ministre,
ma question sera triple.
Premièrement, quand sortiront enfin les décrets d'application de cette loi, présentée aux médias et au Parlement
comme étant très urgente ? A ce jour, seul l'arrêté du 27 avril 1999, fixant la liste des chiens appartenant à la première
et à la deuxième catégorie, a été publié. Cet arrêté est un non-sens absolu, car il a eu pour objectif non pas de
résoudre le problème des chiens dangereux, mais seulement de satisfaire les multiples demandes des défenseurs des
nombreuses races de chiens incriminées.
En effet, ces derniers ont obtenu satisfaction, la première catégorie ne concernant plus que des chiens assimilables à
certaines races de molossoïdes, mais aucune de ces races elles-mêmes.
Certains de nos administrés, à l'inverse, y ont tout perdu, alors que c'est surtout eux que cette loi était censée protéger
: je veux parler, vous l'avez bien compris, de nos concitoyens les plus démunis, assignés à résidence dans les
quartiers difficiles et exposés quotidiennement au risque des chiens dangereux.
Deuxièmement, comment espérez-vous, monsieur le ministre, rendre les gendarmes et les fonctionnaires de police
capables d'identifier toutes les races de chiens et leurs croisements ? L'immense majorité des experts canins
reconnaissent eux-mêmes en être incapables, à moins de procéder à un examen très approfondi dans des conditions
naturellement impossibles à reproduire lors d'un contrôle de police.
Enfin, monsieur le ministre, en supposant que les agents de police et les gendarmes cumulent un jour le savoir d'un
excellent expert canin avec celui d'un vétérinaire très compétent et sachent donc identifier tout type de chien et le
classer dans la catégorie adéquate, comment pourront-ils savoir, dans la rue, si le propriétaire d'un chien molossoïde
est habilité à détenir ce type de chien ? Comment sauront-ils, lors d'un contrôle sur la voie publique, si cet individu est
sous tutelle ou si son casier judiciaire lui interdit la détention de ce chien ? Vous le savez, monsieur le ministre, tout
cela est impossible en pratique.
En abordant seulement deux ou trois des nombreux problèmes posés par cette loi, je voudrais à nouveau exprimer mon
regret que le Gouvernement ait fait des chiens dangereux un problème uniquement médiatique, qu'il ait décidé l'urgence
sur ce texte, au préjudice de sa qualité, et, enfin, que, paradoxalement, un an après, nous attendions toujours les
décrets d'application. Ce retard ne me surprend d'ailleurs pas, car cette loi est fondamentalement inapplicable.
J'attends donc avec impatience vos réponses, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du RPR, de
l'Union centriste, et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, nous pourrions reprendre les longs
débats que nous avons eus ensemble l'année dernière, mais, vous avez raison, la loi est votée, c'est une loi de la
République. Ce qui importe donc aujourd'hui, c'est son application.
A cet égard, la loi a déjà suscité un premier changement puisqu'elle a permis de stopper la montée en puissance des
circuits d'approvisionnement et de commerce de ces animaux. Je peux vous dire que le flux des animaux concernés
vers le territoire français a été jugulé dès le premier semestre 1999, avec la collaboration des services de contrôle des
points d'entrée sur notre sol.
C'est une première avancée qui a été rendue possible grâce, notamment, à des mesures d'interdiction et de répression
applicables dès la parution de cette loi - ce qui, vous en conviendrez, est nouveau - par exemple les articles 211 et
211-4 du code rural étendant les pouvoirs du maire et de la police pour qu'ils puissent intervenir directement sur la
détention des animaux dangereux.
Il est vrai cependant que, dans un deuxième temps, l'encadrement administratif lié à la détention des chiens définis par
l'arrêté interministériel du 27 avril 1999 comme susceptibles de présenter un danger a fait l'objet d'une expertise
approfondie, tant par les services du ministère de l'agriculture et de la pêche, que par ceux du ministère de l'intérieur
concernés au premier chef par le contrôle de l'application des mesures édictées. Le choix des types de chiens est
fondé sur des avis d'experts scientifiques, vétérinaires et du milieu cynophile.
La parution très prochaine des textes d'application du volet « animaux dangereux » de la loi - c'est-à-dire le décret que
j'ai signé et qui suit actuellement le circuit des signatures des autres ministères ; c'est donc une question d'heures, de
jours au maximum - va permettre d'harmoniser l'application du texte au niveau de l'ensemble des communes et, comme
l'avait souhaité le législateur, l'entrée en vigueur des mesures de déclaration en mairie de ces chiens a été différée par
rapport à la parution de la loi, jusqu'au mois de juillet.
Dès le mois de mai, l'ensemble des départements ont reçu des informations destinées à accompagner cette entrée en
vigueur dès la période estivale. Cela a permis, notamment, aux municipalités d'informer précisément les propriétaires
des chiens concernés sur les devoirs liés à la détention de tels animaux.
Monsieur le sénateur, nous avons dû procéder à une expertise et à une concertation approfondies, que vous-même
aviez ardemment souhaitées pendant le débat, et qui nous permettront de publier le décret d'un jour à l'autre.
M. Michel Moreigne. C'est parfait !
M. Dominique Braye. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye. Monsieur le ministre, nous n'avons manifestement pas les mêmes sources d'information.
Pour ma part, après avoir consulté un nombre d'élus important des quartiers sensibles, je puis dire que la situation s'est
considérablement dégradée depuis un an. Il n'y a eu aucune amélioration.
Vous avez certes consulté des experts avant de rédiger l'arrêté interministériel du 27 avril 1999. Le problème est que les
experts consultés - j'en connais un certain nombre - n'avaient pas le même objectif que les auteurs de la loi, à savoir
résoudre le problème. Ils s'efforçaient de minimiser les effets de la loi pour certaines races. Ils ont obtenu satisfaction,
je l'ai dit, mais en épargnant les races dangereuses, c'est-à-dire au détriment du règlement du problème.
En effet, lles chiens tels que l'American Staffordshire ou le Tosa, par exemple, ne sont pas classés dans la première
catégorie. En revanche, en vertu de cet arrêté, le chien issu du croisement d'une race dangereuse - je pense à
l'American Staffordshire, car c'est l'exemple le plus fréquent - et d'une race moins agressive, c'est-à-dire un animal
moins féroce, sera classé dans la première catégorie, alors que le chien le plus dangereux, l'American Staffordshire ne
le sera que dans la deuxième catégorie !
Vous le savez, monsieur le ministre. Vous avez voulu ménager un certain nombre de personnes en prenant cet arrêté.
Mais, il faut bien le dire, c'est manifestement au détriment du règlement du problème.
Je le regrette d'autant plus que tout ce sur quoi j'avais appelé votre attention lors de la discussion du projet de loi s'est
réalisé. En tout cas, je suis prêt à reprendre le débat avec vous. Pour l'instant, j'attends la promulgation des décrets. Je
crois que j'aurai d'autres questions à vous poser à cette occasion. (Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Unions centriste.)

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